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Depuis deux jours des détachements filent pour l'Égypte.Je resterai encore quelques jours à Jaffa, pour en faire sauter les fortifications. J'irai punir ensuite quelques cantons qui se sont mal conduits, et, dans quelques jours, je passerai le désert en laissant une forte garnison à El-Arich.

Ma première dépêche sera datée du Caire.

BONAPARTE.

Au Caire, le for messidor an 7 (19 juin 1799).

Au Directoire exécutif.

Citoyens directeurs,

Pendant mon invasion en Syrie, il s'est passé dans la basse Égypte des événements militaires que je dois vous faire connaître.

RÉVOLTE DE BÉNÉÇOUEF.

Le 12 pluviôse, une partie de la province de Bénêçoùef se révolta. Le général Veaux marcha avec un bataillon de la vingt-deuxième ; il remplit de cadavres ennemis quatre lieues de pays. Tout rentra dans l'ordre. Il n'eut que trois hommes tués et vingt blessés.

BOMBARDEMENT D'ALEXANDRIE.

Le 15 pluviôse, la croisière anglaise devant Alexandrie se renforça, et, peu de temps après, elle commença à bombarder le port. Les Anglais jetèrent quinze à seize cents bombes, qui ne tuèrent personne; ils firent écrouler deux mauvaises maisons, et coulèrent une mauvaise barque.

Le 16 ventôse, la croisière disparut; on ne l'a plus revue.

FLOTTILLE DE LA MER ROUGE.

Quatre chaloupes canonnières partirent, le 13 pluviôse, de Suez, arrivèrent le 18 devant Qosséyr, où elles trouvèrent

plusieurs bâtiments chargés de trésors des Mameloucks que le général Desaix avait défaits dans la haute Égypte. Au premier coup de canon, la chaloupe canonnière le Tagliamento prit feu, et sauta en l'air.

La République n'aura jamais de marine tant que l'on ne refera pas toutes les lois maritimes. Un hamac mal placé, une gargousse négligée, perdent toute une escadre. Il faut proscrire les jurys, les conseils, les assemblées, à bord d'un vaisseau. Il ne doit y avoir qu'une autorité, celle du capitaine, qui doit être plus absolue que celle des consuls dans les armées romaines.

Si nous n'avons pas eu un succès sur mer, ce n'est ni faute d'hommes capables, ni de matériel, ni d'argent, mais faute de bonnes lois. Si l'on continue à laisser subsister la même organisation maritime, mieux vaut-il fermer nos ports; c'est y jeter notre argent.

CHARQYÉH.

Le citoyen Duranteau, chef du troisième bataillon de la trente-deuxième, se porta, le 24 ventôse, dans la Charqyéh: le village de Bordéyn, qui s'était révolté, fut brûlé, et ses habitants passés au fil de l'épée.

ARABES DU GRAND DÉSERT A GYSEH.

Le 15 ventôse, le général Dugua, instruit qu'une nouvelle tribu du fond de l'Afrique arrivait sur les confins de la province de Gyseh, fit marcher le général Lanusse, qui surprit leur camp, leur tendit plusieurs embuscades, et leur prit une grande quantité de chameaux, après leur avoir tué plusieurs centaines d'hommes. Le fils du général Leclerc, jeune homme distingué, fut blessé.

RÉVOLTE DE L'ÉMIR HHADJY.

L'émir Hhadjy, homme d'un caractère faible et irrésolu, que j'avais comblé de bienfaits, n'a pu résister aux intrigues dont

il a été environné; il s'est inscrit lui-même au nombre de nos ennemis. Réuni à plusieurs tribus d'Arabes et à quelques Mameloucks, il s'est présenté dans l'arène. Chassé, poursuivi, il perdit dans un jour les biens que je lui avais donnés, ses trésors et une partie de sa famille qui était encore au Caire, et la réputation d'un homme d'honneur qu'il avait eue jusqu'alors.

L'ANGE EL-MOHDY.

Au commencement de floréal, une scène, la première de ce genre que nous ayons encore vue, mit en révolte la province de Bahyréh. Un homme, venu du fond de l'Afrique, débarqué à Derneh, arrive, réunit des Arabes, et se dit l'ange el-Mohdy, annoncé dans le Coran par le Prophète. Deux cents Maugrabins arrivent quelques jours après comme par hasard, et viennen se ranger sous ses ordres. L'ange el-Mohdy doit descendre du ciel; cet imposteur prétend être descendu du ciel au milieu du désert. Lui qui est nu, prodigue l'or, qu'il a l'art de tenir caché. Tous les jours, il trempe ses doigts dans une jatte de lait, se les passe sous les lèvres; c'est la seule nourriture qu'il prend. Il se porte sur Damanhour, surprend soixante hommes de la légion nautique, que l'on avait eu l'imprudence d'y laisser, au lieu de les placer dans la redoute de Ramanieh, et les égorge. Encouragé par ce succès, il exalte l'imagination de ses disciples. Il doit, en jetant un peu de poussière contre nos canons, empêcher la poudre de prendre, et faire tomber devant les vrais croyants les balles de nos fusils : un grand nombre d'hommes attestent cent miracles de cette nature qu'il fait tous les jours.

Le chef de brigade Lefebvre partit de Ramanieh avec quatre cents hommes, pour marcher contre l'ange; mais, voyant à chaque instant le nombre des ennemis s'accroître, il sent l'impossibilité de pouvoir mettre à la raison une si grande quantité d'hommes fanatisés. Il se range en bataillon carré, et tue toute la journée ces insensés qui se précipitent sur nos canons, ne pouvant revenir de leur prestige. Ce n'est que la nuit que ces fanatiques, comptant leurs morts (il y en avait plus de mille) et leurs blessés, comprennent que Dieu ne fait plus de miracles.

Le 19 floréal, le général Lanusse, qui s'est porté avec la plus grande activité partout où il y a eu des ennemis à combattre, arrive à Damanhour, passe quinze cents hommes au fil de l'épée; un monceau de cendres indique la place où fut Damanhour. L'ange el-Mohdy, blessé de plusieurs coups, sent lui-même son zèle se refroidir; il se cache dans le fond des déserts, environné encore de partisans; car, dans des têtes fanatisées, il n'y a point d'organes par où la raison puisse pénétrer.

Cependant la nature de cette révolte contribua à accélérer mon retour en Égypte.

Cette scène bizarre était concertée, et devait avoir lieu au même instant où la flotte turque, qui a débarqué l'armée que j'ai détruite sous Acre, devait arriver devant Alexandrie.

L'armement de cette flotte, dont les Mameloucks de la haute Égypte avaient été instruits par des dromadaires, leur fit faire un mouvement sur la basse Égypte; mais, battus plusieurs fois par le chef de brigade Destrées, officier d'une bravoure distinguée, ils descendirent dans la Charqyéh. Le général Dugua ordonna au général Davoust de s'y porter. Le 19 floréal, il attaqua Elfy-bey et les Billys : quelques coups de canon ayant tué trois des principaux kachefs d'Elfy, il fuit épouvanté dans les déserts.

CANONNADE DE SUEZ.

Un vaisseau et une frégate anglaise sont arrivés à Suez vers le 15 floréal. Une canonnade s'est engagée; mais les Anglais ont cessé dès l'instant qu'ils ont reconnu Suez muni d'une artillerie nombreuse en état de les recevoir les deux bâtiments ont disparu.

:

COMBAT SUR LE CANAL DE MOYSE.

Le général Lanusse, après avoir délivré la province de Bahyréh, atteignit, le 17 prairial, au village de Kafr-Fourniq, dans la Charqyéh, les Maugrabins et les hommes échappés de la Babyréh; il leur tua cent cinquante hommes, et brûla le village.

Le 15 prairial, j'arrivai à El-Arich, de retour de Syrie. La

chaleur du sable du désert a fait monter le thermomètre à quarante-quatre degrés; l'atmosphère était à trente-quatre. Il fallait faire onze lieues par jour pour arriver aux puits, où se trouve un peu d'eau salée, sulfureuse et chaude, que l'on boit avec plus d'avidité que chez nos restaurateurs une bonne bouteille de vin de Champagne.

Mon entrée au Caire s'est faite le 26 prairial, environné d'un peuple immense qui avait garni les rues, et de tous les muphtis montés sur des mules, parce que le Prophète montait de préférence ces animaux, de tous les corps de janissaires, des odjaqs, des agas de la police de jour et de nuit, de descendants d'Abou-Bekr, de Fathyme, et des fils de plusieurs saints révérés par les vrais croyants. Les chefs des marchands marchaient devant, ainsi que le patriarche Qobthe: la marche était fermée par les troupes auxiliaires grecques.

Je dois témoigner ma satisfaction au général Dugua, au général Lanusse et au chef de bataillon Duranteau.

Les cheiks el-Bekry, el-Cherqaouy, el-Sadat, el-Mahdy, Ssaouy, se sont comportés aussi bien que je le pouvais désirer; ils prêchent tous les jours dans les mosquées pour nous. Leurs firmans font la plus grande impression dans les provinces. Ils descendent pour la plupart des premiers califes, et sont dans une singulière vénération parmi le peuple. BONAPARTE.

Au Caire, le 5 messidor an 7 (23 juin 1799).

Au Directoire exécutif.

Citoyens directeurs,

Apres la bataille des Pyramides, les Mameloucks se divisèrent. Ibrahim-Bey se retira dans la Charqyéh, passa le désert, séjourna à Gaza et à Damas. Affaibli par les pertes qu'il a essuyées pendant mon incursion en Syrie, il est aujourd'hui dans la plus profonde

misère.

Mourad-Bey remonta le Nil avec une nombreuse flottille, et se retira dans la haute Égypte. Battu à Séd yman, il était

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