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paraissaient des haridelles. Au casque près, c'était don Quichotte tel que le représentent les gravures; mais ces haridelles se mouvaient avec la rapidité de l'éclair; lancées au galop, elles s'arrêtaient court, qualité particulière au cheval de ces contrées. S'apercevant que l'armée n'avait pas de cavalerie, ils s'enhardirent et se jetèrent dans les intervalles et derrière les colonnes. Il y eut un moment d'alarme. La communication avec le débarcadère fut interceptée. On fit halte pour se former. De son côté, Desaix plaça ses postes et se mit sous les armes. Si ces cinq cents Arabes eussent été des Mameloucks, ils auraient pu obtenir de grands succès dans ce premier moment d'étonnement où l'imagination du soldat était éveillée et en disposition de recevoir toutes les impressions. Mais ces Arabes étaient aussi lâches que les Mameloucks qui avaient chargé une heure avant étaient braves. Les tirailleurs français se rallièrent quatre à quatre et se portèrent contre cette cavalerie sans hésiter. La marche de l'armée devint lente; elle craignait des embûches. Au lever du soleil, la chaleur fut insupportable. Le vent du nord-ouest, si rafraîchissant dans cette saison, ne se leva que sur les neuf heures. Ces Arabes firent une douzaine de prisonniers qui excitèrent vivement leur curiosité. Ils admirèrent leur blancheur; et plusieurs de ces prisonniers qui furent rendus quelques jours après donnèrent des détails grotesques et horribles sur les mœurs de ces hommes du désert.

A six heures, Napoléon découvrit la colonne de Pompée; peu après, la muraille dentelée de l'enceinte des Arabes, et successivement les minarets de la ville, les mâts de la caravelle turque qui était mouillée dans le port. A huit heures, se trouvant à la portée du canon, il monta sur le piédestal de la colonne de Pompée pour reconnaître la place. Les murailles étaient hautes et fort épaisses; il aurait fallu du vingt-quatre pour les ouvrir; mais il existait beaucoup de brèches réparées à la hâte. Ces murailles étaient couvertes de peuple qui paraissait dans une grande agitation. C'étaient des cavaliers, des fantassins armés de fusils et de,lances, des femmes, des enfants, des vieillards, etc. Napoléon donna ses ordres. Menou attaqua la droite de l'enceinte, près du fort triangulaire; Kléber,

T. I.

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le centre; Bon se porta sur le chemin d'Aboukir pour pénétrer par la porte de Rosette. La fusillade s'engagea. Quoique mal servi, le canon des assiégés fit quelque impression sur les assiégeants, qui n'en avaient pas. Les tirailleurs français, avec cette intelligence qui leur est propre, se logèrent sur les monticules de sable. Les trois attaques réussirent; la muraille fut franchie. Les généraux Kléber et Menou furent blessés, comme ils montaient à l'assaut, à la tête de leurs grenadiers. La division Bon éprouva moins d'obstacles, et, quoique la plus éloignée, arriva la première sur la seconde enceinte, celle qui ferme l'isthme où est la ville actuelle. Il l'enleva au pas de charge. Les tirailleurs pénétrèrent à la tête des rues. Les maisons étaient crénelées. Une vive fusillade s'engagea. Le général en chef se porta sur la hauteur du fort Caffarelli. Il envoya le capitaine de la caravelle turque qui l'avait joint, faire des propositions d'accommodement. Cet officier fit comprendre aux scheiks, aux ulémas et aux notables, le danger que courait la ville d'une entière destruction. Ils se soumirent.

Napoléon entra au milieu d'eux dans la ville, et descendit à la maison du consul de France; il était midi. Comme il tournait une rue, une balle partie d'une fenêtre rasa la botte de sa jambe gauche. Les chasseurs de sa garde montèrent sur le toit, entrèrent dans la maison et trouvèrent un Turc seul, barricadé dans sa chambre, ayant autour de lui six fusils. Il fut tué sur la place. La perte des Français fut de trois cents hommes tués ou blessés ; celle des Turcs de sept ou huit cents. Le commandant Koraïm se retira dans le Phare avec les plus braves de sa maison. Il y fut bloqué. Toute la nuit se passa en négociations qui eurent une heureuse issue. Koraïm capitula, s'attacha au général français, se reconnut son esclave, lui prêta serment. Il fut chargé de la police des habitants; car l'anarchie est le plus grand ennemi qu'ait à redouter un conquérant, surtout dans un pays si différent par la langue, les mœurs et la religion. Koraïm rétablit l'ordre, fit opérer le désarmement, procura à l'armée tout ce qui lui était nécessaire. Un personnage important par le crédit dont il jouissait, qui s'attacha aussi à Napoléon, et lui fut constamment fidèle, le scheik el - Messiri, était

uléma, schérif et chef de la religion de la ville, fort honoré par son savoir et sa sainteté. Plus éclairé que ses compatriotes, il avait des idées de justice et de bon gouvernement; ce qui contrastait avec tout ce qui l'environnait. Koraïm avait de l'influence par son audace, la bravoure de ses principaux esclaves, et ses grandes richesses; le scheik el-Messiri, par ses vertus, sa piété et la justice qui guidait toutes ses actions.

Dans la soirée du 2, le convoi entra dans le port vieux, les deux vaisseaux de soixante-quatre et les frégates d'escorte en tête. L'artillerie, le génie, l'administration choisirent leurs magasins, leurs emplacements; ils travaillèrent toute la nuit à débarquer les chevaux, les bagages et le matériel. Le général Desaix sortit le soir même de la ville, et alla prendre position à une lieue et demie sur la route de Damanhour, la gauche appuyée au lac Madiéh. Berthier fit afficher dans la ville, en français, en arabe, en turc, et il répandit avec profusion, la proclamation suivante 1.

Les sept cents esclaves turcs délivrés à Malte furent renvoyés par terre dans leur patrie. Il y en avait de Tripoli, d'Alger, de Tunis, de Maroc, de Damas, de la Syrie, de Smyrne, de Constantinople même. Ils avaient été bien nourris, bien habillés, traités avec distinction. On leur avait distribué des sommes d'argent suffisantes pour faire leur route. Leurs cœurs étaient pleins de reconnaissance. Ils répandirent dans tout l'empire turc la nouvelle de la victoire des Français, l'opinion de leur puissance, de leurs bonnes intentions pour les Musulmans. Ils ne tarirent pas sur la générosité de Napoléon; leur langue suffisait à peine à l'expression de tous les sentiments dont ils étaient pleins. Ils produisirent dans tout l'Orient la plus heureuse sensation.

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Il fallait à l'armée des chevaux pour remonter sa cavalerie, des chameaux pour porter ses bagages et ses vivres. Les res-. sources qu'offrait Alexandrie étaient peu considérables. Les Arabes du Baheiréh pouvaient seuls satisfaire à tout. Il était important d'ailleurs de se les concilier, afin de maintenir libres les (4) Elle est reproduite plus haut.

communications et les derrières de l'armée. Koraïm leur expédia des sauf-conduits par des dromadaires. Il était leur protecteur; ils accoururent à sa voix. Le 4 juillet, trente scheiks des tribus des Henâdy, des Oulad-A'ly et des Beny-Aounous, se présentèrent au quartier général. La vue de ces hommes du désert excita vivement la curiosité du soldat, et tout ce qu'ils voyaient de l'armée française excitait vivement la leur. Ils touchaient à tout. Ils signèrent un traité par lequel ils s'engagèrent à maintenir libre la route d'Alexandrie à Damanhour, même pour les hommes isolés; à livrer dans quarante-huit heures, pour le prix de deux cent quarante livres, trois cents chevaux; et pour prix de cent vingt livres, cinq cents dromadaires; de louer mille chameaux avec leurs conducteurs; de restituer tous les prisonniers qu'ils avaient fait. Ils mangèrent et burent avec le Général. Ils recurent comme arrhes et en présent mille louis d'or. L'armée se félicita de cet heureux événement, qui parut d'un heureux présage. Le lendemain ils rendirent les douze soldats qu'ils avaient faits prisonniers, livrèrent quatre-vingts chevaux et une centaine de chameaux. Le reste fut promis pour les jours suivants.

Le Général pourvut au gouvernement d'Alexandrie. Il y laissa une garnison de neuf mille hommes, sous le commandement de Kléber, à qui sa blessure ordonnait le repos. Le colonel du génie Crétin resta également pour les travaux de fortification.

On marcha ensuite sur le Caire : c'était la capitale de la basse Égypte et le centre de la domination des Mameloucks. L'armée se composait environ de vingt-et-un mille hommes en cinq divisions, sous les ordres de Desaix, Reynier, Bon, Dugua et Vial. On avait quarante-deux bouches à feu. On se mit en mouvement le 23 juillet. La flottille suivait l'armée, en remontant le Nil. Au moment de partir, le Général adressa cette proclamation aux habitants du Caire pour leur annoncer sa venue:

Giza, le 4 thermidor an 6 (22 juillet 1798).

Proclamation jointe à la précédente.

Peuple du Caire, je suis content de votre conduite : vous avez bien fait de ne pas prendre parti contre moi. Je suis venu pour

détruire la race des Mameloucks, protéger le commerce et les naturels du pays. Que tous ceux qui ont peur se tranquillisent; que ceux qui se sont éloignés rentrent dans leurs maisons; que la prière ait lieu comme à l'ordinaire, comme je veux qu'elle continue toujours. Ne craignez rien pour vos familles, vos maisons, vos propriétés, et surtout pour la religion du Prophète, que j'aime. Comme il est urgent qu'il y ait des hommes chargés de la police, afin que la tranquillité ne soit pas troublée, il y aura un divan composé de sept personnes qui se réuniront à la mosquée de Ver. Il y en aura toujours deux près du commandant de la place, et quatre seront occupées à maintenir la tranquillité publique et à veiller à la police. BONAPARTE.

Le Général rend compte des divers combats qu'il a eu à livrer avant d'entrer au Kaire, particulièrement de la bataille des Pyramides.

COMBAT DE RAHMANIEH.

Le 22 nous rencontrâmes le Nil à Rahmanieh, et nous nous rejoignîmes avec la division du général Dugua, qui était venue par Rosette en faisant plusieurs marches forcées.

La division du général Desaix fut attaquée par un corps de sept à huit cents Mameloucks, qui, après une canonnade assez vive, et la perte de quelques hommes, se retirèrent.

BATAILLE DE CHEBRHEIS.

Cependant j'appris que Mourad-Bey, à la tête de son armée, composée d'une grande quantité de cavalerie, ayant huit ou dix grosses chaloupes canonnières et plusieurs batteries sur le Nil, nous attendait au village de Chebrheis. Le 24 au soir, nous nous mîmes en marche pour nous en approcher. Le 25, à la pointe du jour, nous nous trouvâmes en présence.

Nous n'avions que deux cents hommes de cavalerie éclopés et harassés encore de la traversée. Les Mameloucks avaient un magnifique corps de cavalerie, couvert d'or et d'argent, armés des meilleures carabines et pistolets de Londres, des meilleurs sa

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