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mais on avait eu peur, et l'ordre était rétabli lorsqu'il y rentra. Il y resta quelques jours, s'occupant du gouvernement. La position que lui avaient déjà faite ses victoires était presque celle d'un roi dans cette. partie de l'Italie. Il ordonnait et réglait tout. Le Directoire n'existait pas pour les Italiens. Ils n'apercevaient la République française que dans la personne du général Bonaparte. La lettre suivante, étrangère aux opérations de la guerre, prouve jusqu'où s'étendaient ses soins. Il voulait réveiller les sciences et les arts en Italie. Il en avait compris l'importance dans un État, et savait combien il est nécessaire de les ho

norer.

Au quartier général à Milan, le 5 prairial an 4 (24 mai 1796).

Au citoyen Oriani.

Les sciences qui honorent l'esprit humain, les arts qui embellissent la vie et transmettent les grandes actions à la postérité, doivent être spécialement honorés dans les gouvernements libres. Tous les hommes de génie, et tous ceux qui ont obtenu un rang dans la république des lettres, sont frères, quel que soit le pays qui les ait vus naître.

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Les savants dans Milan ne jouissaient pas de la considération qu'ils devaient avoir. Retirés dans le fond de leurs laboratoires, ils s'estimaient heureux que les rois et les prêtres voulussent bien ne pas leur faire de mal. Il n'en est pas ainsi aujourd'hui; la pensée est devenue libre en Italie : il n'y a plus ni inquisition, ni intolérance, ni despotes. J'invite les savants à se réunir et à me proposer leurs vues sur les moyens qu'il y aurait à prendre, ou les besoins qu'ils auraient pour donner aux sciences et aux beaux-arts une nouvelle vie et une nouvelle existence. Tous ceux qui voudront aller en France seront accueillis avec distinction par le gouvernement. Le peuple français ajoute plus de prix à l'acquisition d'un savant mathématicien, d'un peintre en réputation, d'un homme distingué, quel que soit l'état qu'il professe, que de la ville la plus riche et la plus abondante. Soyez donc, citoyen, l'organe de ses sentiments auprès des savants distingués qui se trouvent dans le Milanais.

BONAPARTE.

Le Général, obligé de pénétrer sur le territoire de Venise, avertit le sénat pour détourner toute pensée d'hostilité.

Brescia, le 10 prairial an 4 (29 mai 1796)..

A la république de Venise.

C'est pour délivrer la plus belle contrée de l'Europe du joug de fer de l'orgueilleuse maison d'Autriche, que l'armée française a bravé les obstacles les plus difficiles à surmonter.

La victoire, d'accord avec la justice, a couronné ses efforts. Les débris de l'armée ennemie se sont rétirés au delà du Mincio. L'armée française passe, pour les poursuivre, sur le territoire de la république de Venise; mais elle n'oubliera pas qu'une longue amitié unit les deux républiques.

La religion, le gouvernement, les usages seront respectés ; la plus sévère discipline sera maintenue; tout ce qui sera fourni à l'armée sera exactement payé en argent.

Le général en chef engage les officiers de la république de Venise, les magistrats et les prêtres à faire connaître ses sentiments au peuple, afin que la confiance cimente l'amitié qui depuis longtemps unit les deux nations.

Fidèle dans le chemin de l'honneur comme dans celui de la victoire, le soldat français n'est terrible que pour les ennemis de la liberté et de son gouvernement. BONAPARTE.

Les choses réglées à Milan, le Général reprit son mouvement sur Manloue, poursuivant les Autrichiens qui fuyaient devant lui. Il les atteignit, près le Mincio, à Borghetto. Beaulieu, ayant essayé de faire résistance, fut battu une dernière fois. Ce combat de Borghetto achevait la ruine de son armée.

Au quartier général de Peschiera, le 13 prairial an 4 (1er juin 1796).
Au Directoire exécutif.

Citoyens directeurs,

Après la bataille de Lodi, Beaulieu passa l'Adige et le Mincio. Il appuya sa droite au lac Garda, sa gauche sur la ville de Mantoue, et placa des batteries sur tous les points de cette ligne, afin de défendre le passage du Mincio.

Le quartier général arriva, le 9, à Brescia. J'ordonnai au général de division Kilmaine de se rendre, avec quinze cents hommes de cavalerie et huit bataillons de grenadiers, à Dezinzano. J'ordonnai au général Rusca de se rendre, avec une demi-brigade d'infanterie légère, à Salo. Il s'agissait de faire croire au général Beaulieu que je voulais le tourner par le haut du lac, pour lui couper le chemin du Tyrol, en passant par Riva. Je tins toutes les divisions de l'armée en arrière, en sorte que la droite, par laquelle je voulais effectivement attaquer, se trouvait à une journée et demie de marche de l'ennemi. Je la plaçai derrière la rivière de Chenisa, où elle avait l'air d'être sur la défensive, tandis que le général Kilmaine allait aux portes de Peschiera, et avait tous les jours des escarmouches avec les avant-postes ennemis, dans une desquelles fut tué le général autrichien Liptay.

Le 10, la division du général Augereau remplaça à Dezen zano celle du général Kilmaine, qui rétrograda à Lonado, et arriva, la nuit, à Castiglione. Le général Masséna se trouvait à Monte-Chiaro, et le général Serrurier à Montze. A deux heures après minuit, toutes les divisions se mirent en mouvement, toutes dirigeant leur marche sur Borghetto, où j'avais résolu de passer le Mincio.

:

L'avant-garde ennemie, forte de trois à quatre mille hommes et de dix-huit cents chevaux, défendait l'approche de Borghetto. Notre cavalerie, flanquée par nos carabiniers et nos grenadiers, qui, rangés en bataille, la suivaient au petit trot, chargea avec beaucoup de bravoure, mit en déroute la cavalerie ennemie, et lui enleva une pièce de canon. L'ennemi s'empressa de passer le pont et d'en couper une arche l'artillerie légère engagea aussitôt la canonnade. L'on raccommodait avec peine le pont sous le feu de l'ennemi, lorsqu'une cinquantaine de grenadiers, impatients, se jettent à l'eau, tenant leurs fusils sur leur tête, ayant de l'eau jusqu'au menton : le général Gardanne, grenadier par la taille et le courage, était à la tête. Les soldats ennemis croient revoir la fameuse colonne du pont de Lodi : les plus avancés lâchent pied; on raccommode alors le pont avec facilité, et nos grenadiers, en un instant, passent le Mincio, et

s'emparent de Valeggio, quartier général de Beaulieu, qui venait seulement d'en sortir.

Cependant les ennemis, la plus grande partie en déroute, étaient rangés en bataille entre Valeggio et Villa-Franca. Nous nous gardons bien de les suivre ; ils paraissent se rallier et prendre confiance, et déjà leurs batteries se multiplient et se rapprochent de nous. C'était justement ce que je voulais. J'avais peine à contenir l'impatience ou, pour mieux dire, la fureur des grenadiers.

Le général Augereau passa, sur ses entrefaites, avec sa division. Il avait ordre de se porter, en suivant le Mincio, droit sur Peschiera, d'envelopper cette place, et de couper les gorges du Tyrol : Beaulieu et les débris de son armée se seraient trouvés sans retraite.

Pour empêcher les ennemis de s'apercevoir du mouvement du général Augereau, je les fis vivement canonner du village de Valeggio; mais l'ennemi, instruit par ses patrouilles de cavalerie du mouvement du général Augereau, se mit aussitôt en route pour gagner le chemin de Castel-Nuovo: un renfort de cavalerie qui leur arriva les mit à même de protéger leur retraite. Notre cavalerie, commandée par le général Murat, fit des prodiges de valeur. Le général dégagea lui-même plusieurs chasseurs que l'ennemi était sur le point de faire prisonniers. Le chef de brigade du dixième régiment de chasseurs, Leclerc, s'est également distingué. Le général Augereau, arrivé à Peschiera, trouva la place évacuée par l'ennemi.

Le 12, à la pointe du jour, nous nous portâmes à Rivoli; mais déjà l'ennemi avait passé l'Adige et enlevé presque tous les ponts, dont nous ne pûmes prendre qu'une partie. On évalue sa perte, dans cette journée, à quinze cents hommes et cinq cents chevaux, tant tués que prisonniers. Parmi les prisonniers se trouve le prince de Couffla, lieutenant général des armées du roi de Naples, commandant en chef la cavalerie napolitaine. Nous avons pris également cinq pièces de canon. dont deux de 12 et trois de 6, avec sept ou huit caissons chargés de munitions de guerre. Nous avons trouvé à CastelNuovo des magasins, dont une partie était déjà consumée par

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les flammes. Le général de division Kilmaine a eu son cheval blessé sous lui.

Voilà donc les Autrichiens entièrement expulsés de l'Italie. Nos avant-postes sont sur les montagnes de l'Allemagne. Je ne vous citerai pas tous les hommes qui se sont signalés par des traits de bravoure; il faudrait nommer tous les grenadiers et carabiniers de l'avant-garde. Ils jouent et rient avec la mort. Ils sont aujourd'hui parfaitement accoutumés avec la cavalerie, dont ils se moquent. Rien n'égale leur intrépidité, si ce n'est la gaieté avec laquelle ils font les marches les plus forcées. Ils servent tour à tour la patrie et l'amour.

Vous croiriez qu'arrivés au bivouac ils doivent au moins dormir? Point du tout : chacun fait son conte ou son plan d'opérations du lendemain, et souvent on en voit qui rencontrent très-juste. L'autre jour, je voyais défiler une demi-brigade, un chasseur s'approcha de mon cheval : « Général, me dit-il, it faut faire cela! Malheureux ! lui dis-je, veux-tu bien te taire. » Il disparaît à l'instant. Je l'ai fait en vain chercher; c'était justement ce que j'avais ordonné que l'on fît. BONAPARTE.

La république de Gênes, gouvernée comme celle de Venise par une aristocratie, n'avait pu cacher ses mauvaises dispositions contre la France depuis le commencement de la guerre. On ne s'était pas encore déclaré ouvertement; mais le sénat armait et se tenait prêt pour le cas où l'armée française éprouverait des revers. Le projet était de se soulever, et de fermer le passage à nos soldats. En attendant, on faisait assassiner ceux qu'on rencontrait isolément; on interceptait les convois; on outrageait les Français qui se trouvaient sur le territoire de la république. Le Général, ayant écrit plusieurs fois, n'avait reçu que des explications vagues. Il termina par cette menace, qui pour un moment mit fin aux insultes et aux assassinats.

Au quartier général à Tortone, le 25 prairial an 4 (44 juin 1796).

Au sénat de la république de Génes.

La ville de Gênes est le foyer d'où partent les scélérats qui infestent les grandes routes, assassinant les Français et interceptent nos convois, autant qu'il est en eux.

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