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« Je ne veux plus traiter; je veux faire la loi. Si vous n'avez pas << autre chose à me dire, je vous déclare que vous pouvez vous retirer. »

Il n'y avait plus à discuter; on essaya de la corruption, ce dernier argument si souvent employé avec succès par la politique vénitienne. On fit offrir de l'argent au Général. C'était encore une erreur. « Non, répondit-il, quand les Vénitiens couvriraient toute cette plage d'or, « tous leurs trésors, tous ceux du Pérou, ne pourraient compenser «<le sang d'un seul de mes soldats. »

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En même temps le Général déclarait par un manifeste les hostilités ouvertes contre la république de Venise, et faisait abattre le Lion de Saint-Marc dans tous les Etats de terre-ferme.

Il demandait la tête du commandant du Lido qui avait tiré sur le capitaine Laugier; celle de l'amiral, et des trois inquisiteurs d'État qui avaient donné les premiers ordres.

Les ambassadeurs consternés retournèrent à Venise pour en référer au sénat. Le trouble était extrême parmi les sénateurs. On ne voyait aucun moyen de détourner l'orage: il fallait obéir. Le commandant du Lido, l'amiral et les inquisiteurs d'État furent arrêtés ; une procédure fut commencée contre eux. On décida, en outre, que des modifications seraient faites à la constitution. On renvoya les ambassadeurs auprès du Général pour l'informer de ces résolutions. Il était déjà devant les lagunes. A peine les députés eurent-ils été admis en sa présence, que sans leur permettre de prendre la parole. « Et les trois inquisi«teurs d'État, s'écria-t-il, et le commandant du Lido sont-ils arrêtés ? Il me faut leur tête. Point de traité jusqu'à ce que le sang français « soit vengé. Vos lagunes ne m'effrayent pas. Je les trouve telles que je « l'avais prévu. Dans quinze jours je serai à Venise. Vos nobles ne se << déroberont à la mort qu'en allant comme les émigrés français porter « leur misère par toute la terre. »

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Cependant il accorda une suspension d'armes de cinq jours. La révolution s'accomplit d'elle-même, pendant ces cinq jours, à Venise. Toute la classe moyenne et une partie du peuple se soulèvèrent contre le sénat, qui fut obligé de se dissoudre. Les Esclavons, ne sachant plus par qui ils seraient payés, menaçaient de piller la ville. Il fallut recourir à l'armée française pour sauver les propriétés, et supplier le général de vouloir bien envoyer ses soldats. Le général Baraguay d'Hilliers entra à la tête de quatre mille hommes.

On sait le reste. Venise s'était perdue pour l'Autriche; celle ci ne fit aucune difficulté, à la paix, de l'accepter en compensation des pertes qu'elle avait subies.

Au quartier général à Milan, le 19 prairial an 5 (7 juin 1796).

Au Directoire exécutif.

Lorsque M. Beaulieu sut que nous marchions pour passer le Mincio, il s'empara de la forteresse de Peschiera, qui appartient aux Vénitiens. Cette forteresse, située sur le lac de Garda, à la naissance du Mincio, a une enceinte bastionnée en très-bon état, et quatre-vingts pièces de canons, qui, à la vérité, n'étaient pas montées.

M. le provéditeur général, qui était à Vérone avec deux mille hommes, aurait donc bien pu faire en sorte que cette place ne fût pas occupée par les Autrichiens, qui y sont entrés sans aucune espèce de résistance, lorsque j'étais arrivé à Brescia, c'està-dire à une journée de-là.

Dès que j'appris que les Autrichiens étaient à Peschiera, je sentis qu'il ne fallait pas perdre un instant pour investir cette place, afin d'ôter à l'ennemi les moyens de l'approvisionner. Quelques jours de retard m'auraient obligé à un siége de trois mois.

Le combat de Borghetto et le passage du Mincio nous rendirent cette place deux jours après. Le provéditeur vint à grande hâte se justifier; je le reçus fort mal. Je lui déclarai que je marchais sur Venise porter moi-même plainte au sénat d'une trahison aussi manifeste. Pendant le temps que nous nous entretenions, Masséna avait ordre d'entrer à Vérone, à quelque prix que ce fût. L'alarme à Venise a été extrême. L'archiduc de Milan, qui y était, s'est sauvé sur-le-champ en Allemagne.

Le sénat de Venise vient de m'envoyer deux sages du conseil, pour s'assurer définitivement où en étaient les choses. Je leur ai renouvelé mes griefs, je leur ai parlé aussi de l'accueil fait à Monsieur '; je leur ai dit que, du reste, je vous avais rendu compte de tout, et que j'ignorais la manière dont vous prendriez cela que, lorsque je suis parti de Paris, vous croyiez trouver dans la république de Venise une alliée fidèle

Louis XVIII, alors réfugié à Venise.

aux principes; que ce n'était qu'avec regret que leur conduite à l'égard de Peschiera m'avait obligé de penser autrement; que, du reste, je croyais que ce serait un orage qu'il serait possible à l'envoyé du sénat de conjurer. En attendant, ils se prêtent de la meilleure façon à nous fournir ce qui peut être nécessaire à l'armée.

Si votre projet est de tirer cinq ou six millions de Venise, je vous ai ménagé exprès cette espèce de rupture. Vous pourriez les demander en indemnité du combat de Borghetto, que j'ai été obligé de livrer pour prendre cette place. Si vous avez des intentions plus prononcées, je crois qu'il faudrait continuer ce sujet de brouillerie, m'instruire de ce que vous voulez faire, et attendre le moment favorable, que je saisirai suivant les circonstances, car il ne faut pas avoir affaire à tout le monde à la fois.

La vérité de l'affaire de Peschiera est que Beaulieu les a lâchement trompés. Il leur a demandé le passage pour cinquante hommes, et s'est emparé de la ville. Je fais dans ce momentci mettre Peschiera en état de défense, et, avant quinze jours, il faudra de l'artillerie de siége et un siége en règle pour la prendre. BONAPARTE.

Au quartier général à Milan, le 41 vendémiaire an 5 (2 octobre 1796).

Au Directoire exécutif.

La république de Venise a peur : elle trame avec le roi de Naples et le pape; elle se fortifie et se retranche dans Venise. De tous les peuples de l'Italie, le Vénitien est celui qui nous hait le plus. Ils sont tous armés, et il est des cantons dont les habitants sont braves. Leur ministre à Paris leur écrit que l'on s'arme, sans quoi tout est perdu. On ne fera rien de tous ces gens-là, si Mantoue n'est pas pris.

Le roi de Naples a soixante mille hommes sur pied. Il ne peut être attaqué et détrôné que par dix-huit mille hommes d'infanterie et trois mille de cavalerie. Il serait possible que, de concert avec l'Autriche et Rome, il portât un corps sur

Rome et ensuite sur Bologne et Livourne. Ce corps pourrait être de quinze mille hommes, et inquiéterait beaucoup l'armée française.

Le grand duc de Toscane est absolument nul sous tous les rapports.

Le duc de Parme se conduit assez bien; il est nul aussi sous tous les rapports.

Rome est forte par son fanatisme. Si elle se montre contre nous, elle peut accroître de beaucoup la force du roi de Naples, m'obliger à tenir trois mille hommes de plus sur mes derrières, par l'inquiétude qu'elle mettrait dans l'esprit de ces peuples. Seule, sans Naples, il faudrait deux mille bommes d'infanterie et quinze cents de cavalerie pour la soumettre. Si elle arme, le fanatisme lui donne quelque force; il y aurait du sang de répandu. Réunie avec Naples, l'on ne peut marcher à Rome avec moins de vingt mille hommes d'infanterie et deux mille hommes de cavalerie; et si l'on voulait aller à Naples après avoir été à Rome, il faudrait une armée de vingt-quatre mille hommes d'infanterie et de trois mille cinq cents de cavalerie. Je pense que six mille hommes d'infanterie et cinq cents de cavalerie suffiraient pour tenir les États du pape en respect, en s'y conduisant avec adresse et caractère, une fois que l'on s'en serait rendu maître.

Le roi de Sardaigne fomente la rébellion des Barbets. Si Naples et Rome agissent contre nous, il faudra trois mille hommes de plus dans les places du Piémont.

Gênes. Le 16 de ce mois, le ministre Faypoult présentera une note au sénat, et nous ferons notre opération, conformément à vos ordres. Si elle réussit, nous pourrons compter sur le gouvernement.

Si vous persistez à faire la guerre à Rome et à Naples, il faut vingt-cinq mille hommes de renfort, qui, joints aux vingt mille nécessaires pour tenir tête à l'empereur, font un renfort de quarante-cinq mille hommes qu'il faudrait. Si vous faites la paix avec Naples, et qu'il n'y ait que Rome, il serait possible, avec les seules forces destinées à tenir tête à l'Empereur, de profiter d'un moment favorable pour l'écraser. Il faudrait

compter cependant sur un surcroît de trois mille hommes.

Je crois que vous ne pouvez faire à la fois, dans la position actuelle de la République, la guerre à Naples et à l'Empereur. La paix avec Naples est de toute nécessité. Restez avec Rome en état de négociations ou d'armistice jusqu'au moment de marcher sur cette ville superbe.

Rome deviendrait très-forte de sa réunion avec Naples. Si nous sommes battus sur le Rhin, il nous convient de faire la paix avec Rome et avec Naples.

Il est une autre négociation qui devient indispensable, c'est un traité d'alliance avec le Piémont et Gênes. Je voudrais donner Massa et Carrara, les fiefs impériaux à Gênes, et la faire déclarer contre la coalition.

Si vous continuez la guerre avec Naples, il me paraît nécessaire de prendre Lucques et d'y mettre garnison. Cette place est forte et bien armée; elle couvre les États de Gênes et offre une retraite à la garnison de Livourne.

Par cette lettre et celles que je vous enverrai incessamment, vous connaîtrez parfaitement notre position. Je n'avais jamais compté qu'après avoir détruit en une campagne deux armées à l'empereur, il en aurait une plus puissante, et que les deux armées de la République hiverneraient bien loin du Danube. Le projet de Trieste et de Naples était fondé sur des suppositions.

J'ai écrit à Vienne, et ce soir le courrier part dans le même temps que l'armée se porte sur la Brenta.

Je fais fortifier l'Adda; mais c'est une faible barrière. Je vous le répète, des secours prompts; car l'empereur fait déjà filer ses troupes.

La négociation avec Rome a été mal conduite. Il fallait, avant de l'entamer, qu'elle eût rempli les conditions de l'armistice. L'on pouvait au moins attendre quelques jours, et l'on aurait facilement eu les cinq millions du second payement, dont une partie était déjà arrivée à Rimini. On a montré au pape tout le traité à la fois. Il fallait, au contraire, préalablement l'obliger à se prononcer sur le premier article; mais surtout on ne devait pas choisir l'instant où l'armée était dans le Tyrol, et

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