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prêtres, un crucifix à la main, prêchaient ces malheureuses troupes. Nous avons pris à l'ennemi quatorze pièces de canons, huit drapeaux, quatre mille prisonniers, et tué quatre ou cinq cents hommes. Le chef de brigade Lahoz a été légèrement blessé. Nous avons eu quarante hommes tués ou blessés.

Nos troupes se portèrent aussitôt sur Faënza. Elles en trouvèrent les portes fermées : toutes les cloches sonnaient le tocsin, et une populace égarée prétendait en défendre l'issue. Tous les chefs, notamment l'évêque, s'étaient sauvés. Deux ou trois coups de canon enfoncèrent les portes, et nos gens entrèrent au pas de charge. Les lois de la guerre m'autorisaient à mettre cette ville infortunée au pillage, mais comment se résoudre à punir aussi sévèrement toute une ville pour le crime de quelques prêtres ? J'ai envoyé chez eux cinquante officiers que j'avais faits prisonniers, pour qu'ils allassent éclairer leurs compatriotes, et leur faire sentir les dangers d'une pareille extravagance. J'ai fait, ce matin, venir tous les moines, tous les prêtres. Je les ai rappelés aux principes de l'Évangile, et j'ai employé toute l'influence que peuvent avoir la raison et la nécessité, pour les engager à se bien conduire. Ils m'ont paru animés de bons principes. J'ai envoyé à Ravennes le général des camaldules, pour éclairer cette ville, et éviter les malheurs qu'un plus long aveuglement pourrait produire. J'ai envoyé à Cézène, patrie du pape actuel, le P. don Ignacio, prieur des bénédictins.

Le général Victor continua hier sa route, et se rendit maître de Forli. Je lui ai donné l'ordre de se porter aujourd'hui à Cézène. Je vous ai envoyé différentes pièces qui convaincront l'Europe entière de la folie de ceux qui conduisent la cour de Rome. Je vous enverrai aussi deux autres affiches, qui vous convaincront de la démence de ces gens-ci. Il est déplorable de penser que cet aveuglement coûte le sang des pauvres peuples, innocents instruments et de tout temps victimes des théologiens. Plusieurs prêtres, et entre autres un capucin, qui prêchaient l'armée des catholiques, ont été tués sur le champ de bataille. BONAPARTE.

Au quartier général à Milan, le 47 floréal an 5 (6 mai 1797).

A M. l'évêque de Côme,

J'ai reçu, monsieur l'Évêque, la lettre que vous vous êtes donné la peine de m'écrire, avec les deux imprimés. J'ai vu avec déplaisir la devise qu'un zèle malentendu de patriotisme a fait mettre au-dessus d'un de vos imprimés. Les ministres de la religion ne doivent, comme vous l'observez fort bien, jamais s'émanciper dans les affaires civiles. Ils doivent porter la teinte de leur caractère, qui, selon l'esprit de l'Évangile, doit être pacifique, tolérant et conciliant. Vous pouvez être persuadé qu'en continuant à professer ces principes, la république française ne souffrira pas qu'il soit porté aucun trouble au culte de la religion et à la paix de ses ministres.

Jetez de l'eau et jamais de l'huile sur les passions des hommes. Dissipez les préjugés et combattez avec ardeur les faux prêtres, qui ont dégradé la religion en en faisant l'instrument de l'ambition des puissants et des rois. La morale de l'Évangile est celle de l'égalité, et dès lors elle est la plus favorable au gouvernement républicain, que va désormais avoir votre patrie. Je vous prie, monsieur l'évêque, de croire aux sentiments, etc. BONAPARTE.

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VENISE.

Le sénat de Venise s'était montré plus animé encore, s'il est possible, que les cours de Rome et de Naples. Il avait tous les vices et la faiblesse de ces gouvernements vieillis à qui il ne reste plus, avec leurs préjugés et leurs passions, que le souvenir d'une puissance qu'ils sont incapables de soutenir sans vouloir l'abandonner. Il avait encore une certaine consistance cependant, et les moyens de défense ne lui manquaient pas. Il était dans une position moins défavorable que Rome et Naples, ne fût-ce que par la difficulté de s'emparer de la ville, que sa situation au milieu des lagunes rendait presque inexpugnable.

La république possédait en Italie des États considérables. C'est ce qu'on appelait les États de terre ferme, Brescia, Véronc, Bergame, et tous les pays environnants.

Il est vrai que ces provinces, les villes du moins, supportaient impatiemment le joug. Les principes de la révolution s'y étaient répandus; et la présence de l'armée française en Italie augmentait encore la fermentation. L'on devait s'attendre d'heure en heure à un soulèvement : une armée de cinquante mille Esclavons, à la solde du sénat, avait pu seule l'empêcher jusqu'ici. Ces Esclavons étaient des espèces de barbares, étrangers à l'Italie, prêts à piller et égorger tout sur un signe du sénat, qui ne les payait que dans cette vue; c'était le seul moyen de puissance qui lui restât. Mais celte armée, quelle qu'elle fût, pouvait être tournée contre nous en un instant, et prendre à revers l'armée française au moment où elle serait engagée contre les Autrichiens.

Il y avait encore la populace des campagnes, fanatisée par les agents du sénat, regardant les Français comme les destructeurs de la religion, et n'attendant qu'un mot pour se lever et faire contre nous une sorte de Vendée en Italie.

Le Général avait apprécié ces difficultés : aussi s'appliqua-t-il dès le commencement à ménager le sénat. On a vu quel était son plan. C'ourir droit à l'Autriche, et la vaincre, persuadé que de son succès dépendait la soumission de l'Italie. Éviter surtout d'être pris entre deux feux, et pour cela négocier, temporiser avec les États qu'il laissait derrière lui, obtenir d'eux au moyen d'armistices tout ce qu'il en pouvait tirer en vivres et en argent, et s'assurer, sinon de leurs dispositions, au moins de leur inaction, sauf à revenir ensuite contre ceux dont il aurait à se plaindre.

Il y parvint en menaçant, en sollicitant, en usant tour à tour de vigueur et de souplesse. Quant à la république de Venise, il n'avait aucun sentiment d'hostilité contre elle. C'était l'ancienne alliée de la France, et l'on n'avait point d'intérêt à la détruire ou à la diminuer. Le Général était d'avis seulement que les maximes de gouvernement du sénat devaient être modifiées. Au commencement de la guerre, il eut une entrevue avec l'un des magistrats vénitiens. Il lui donna des conseils qui étaient plus dans l'intérêt de Venise, peut-être, que dans celui de la France. Quelles que fussent les mesures prises par le sénat, il devait s'attendre à la révolte des provinces de terre ferme. On parviendrait à les comprimer sans doute, dans le premier moment : il y aurait du sang répandu ; mais on ne devait pas croire qu'on exercerait jamais sur elles la même autorité qu'auparavant. La France d'ailleurs serait peutêtre obligée d'intervenir. La communauté de principes, les regards de ces peuples tournés vers elle, le besoin de se créer des amis en Italie, lui en feraient une loi. Le sénat pouvait prévenir ces événements par sa sagesse. Il suffisait d'adoucir un peu le joug; d'ouvrir les rangs de la

noblesse à quelques-uns des principaux habitants de la terre ferme ; de leur donner part au gouvernement; d'inscrire leur nom au Livre d'or; d'accorder certaines libertés; de céder enfin à l'esprit du temps pour n'en être pas écrasé. A ce prix le Général promettait l'amitié de la France et son appui. Tout prouve que son langage, lors de ces premières ouvertures, était sincère.

L'orgueil du sénat fut révolté de ces propositions. Sans repousser ouvertement l'alliance, il déclara qu'il entendait rester neutre.

Cette neutralité consista, pendant toute la durée de la guerre, à ne pas joindre ses troupes à celles de l'Autriche, tandis qu'on la secondait sous main, qu'on fournissait des vivres à ses soldats, et qu'on se pré. parait à accabler les nôtres, en rassemblant des troupes et en armant les paysans, sous prétexte de réprimer les insurrections qui pouvaient éclater.

Des deux côtés on s'observait; on tâchait de rester dans les limites de la prudence. La haine toutefois était si forte du côté du sénat, qu'elle éclatait et se traduisait par des actes qu'on se hâtait de désavouer ensuite. Mais ces désaveux ne trompaient pas le Général. L'hostilité du sénat se manifesta dès la première campagne. Beaulieu était poursuivi. Il arrive avec les débris de son armée devant Peschiera. Cette ville appartenait aux Vénitiens. Il était acculé aux murailles; nul moyen d'échapper. Il supplie le provéditeur vénitien de le laisser entrer dans la ville. Le provéditeur lui ouvre les portes, malgré la neutralité, et les ferme sur les Français. On fut obligé d'assiéger la place, qui fut emportée au bout de deux jours. La neutralité n'avait pas moins été violée. Le Général furieux fait venir le provéditeur : il l'intimide: il lui déclare qu'il a donné ordre à Masséna de s'emparer de Vérone. On envoie aus. sitôt deux ambassadeurs au quartier général. Il est convenu que les Français occuperont la citadelle de Vérone, et les villes de Brescia et de Bergame, en garantie de la neutralité, et que Venise fournira des vivres à l'armée.

Les manœuvres, cependant, employées contre les Français, et la guerre sourde qui leur était faite, ne laissaient pas de continuer. Le Général avait soin d'écrire au sénat pour montrer qu'il en était instruit. Enfin, lorsqu'on vit l'archiduc Charles arriver, et qu'on se crut certain de la perte des Français, on ne déguisa plus rien. Tout se prépara ouvertement pour leur massacre en cas de défaite. On refusa de fournir des vivres, alors qu'on en fournissait aux Autrichiens. Au moment de partir; le Général fit venir Ottolini, podestat de terre ferme, et Pesaro procurateur vénitien, le chef du parti aristocratique exalté. « Je vous observe; je vous devine, leur dit-il ; je sais ce que vous me préparez,

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<< mais prenez-y garde! Si, pendant que je serai engagé dans une entreprise lointaine, vous assassiniez mes malades, vous attaquiez mes dépôts, vous menaciez ma retraite, vous auriez décidé votre ruine! « Ce que je pourrais pardonner pendant que je suis en Italie, serait un « crime irrémissible quand je serai engagé en Autriche. Si vous << prenez les armes, vous décidez ou ma perte ou la vôtre. Songez-y « donc ! N'exposez pas le Lion valétudinaire de Saint-Marc contre la fortune d'une armée qui trouverait dans ses dépôts et ses hôpitaux de « quoi franchir vos lagunes et vous détruire. >>

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Ce n'étaient là que des avertissements inutiles pour un gouvernement aveuglé qui courait à sa perte. A peine l'armée éloignée, on ré. pand le bruit que Bonaparte a été vaincu par l'archiduc, qu'il reste à peine un seul homme de l'armée française. Les paysans se lèvent : on marche à leur tête; on les lance contre nos malheureux compatriotes établis dans les villes ou restés dans les dépôts. Quatre cents sont égorgés en une seule journée à Vérone. Les hôpitaux mêmes ne sont pas épargnés : c'est ce qu'on a appelé les Pâques véronnaises. Le feu seul de la citadelle occupée par les Français, et foudroyant la ville pendant trois jours, arrête le carnage.

Pendant ce temps le sénat fait mitrailler par les batteries des lagunes une frégate française entrant dans le port sur la foi de la neutralité.

Le commandant Laugier est tué sur son bord, comme il demandait à parlementer. Tous les habitants soupçonnés de favoriser les Français sont arrêtés et jetés sous les plombs.

Tout à coup on apprend que le Général est vainqueur, qu'il revient. Il arrive, en effet. Le sénat épouvanté envoie deux ambassadeurs pour se justifier. « Où sont mes prisonniers, s'écrie le Général? Sont-ils déli« vrés? Les assassins sont-ils poursuivis? Les paysans sont-ils désar« més ? Je ne veux plus de vaines paroles; mes soldats ont été massacrés; «< il me faut une vengeance éclatante. » On lui dit qu'on ne connaît pas les instigateurs de ces assassinats. « Un gouvernement aussi bien servi « par ses espions que le vôtre devrait les connaître, dit-il. Au reste, je sais qu'il est aussi méprisé que méprisable, qu'il ne peut plus dé« sarmer ceux qu'il a armés : je les désarmerai pour lui. J'ai fait la « paix; j'ai quatre-vingt mille hommes; j'irai briser vos plombs; je «< serai un second Attila pour Venise. Je ne veux plus ni inquisition << ni Livre d'or. Ce sont des institutions des siècles de barbarie. Votre « gouvernement est trop vieux; il faut qu'il s'écroule. Quand j'étais à « Goritz j'offris à M. Pesaro mon alliance; il me refusa. Vous m'attendiez à mon retour pour me couper la retraite. Eh bien, me voilà!

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