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tacle aux phalanges républicaines, je dois à ma nation, à l'hu manité, à moi-même, de tenter un dernier effort pour ramener le Pape à des sentiments plus modérés, conformes à ses vrais intérêts, à son caractère et à la raison. Vous connaissez, monsieur le cardinal, les forces et la puissance de l'armée que je commande. Pour détruire la puissance temporelle du Pape, il ne me faudrait que le vouloir. Allez à Rome; voyez le Saint-Père; éclairez-le sur ses vrais intérêts; arrachez-le aux intrigants qui l'environnent, qui veulent sa perte et celle de la cour de Rome. Le gouvernement français permet encore que j'écoute des négociations de paix ; tout pourrait s'arranger. La guerre, si cruelle pour les peuples, a des résultats terribles pour les vaincus. Évitez de grands malheurs au Pape. Vous savez combien je désire finir par la paix une lutte que la guerre terminerait pour moi sans gloire comme sans périls.

Je vous souhaite, monsieur le cardinal, dans votre mission, le succès que mérite la pureté de vos intentions.

BONAPARTE.

Cette lettre n'avait fait aucun effet sur la cour de Rome. Elle continuait ses préparatifs. La victoire d'Arcole même ne les arrêta pas. Les Français, en revenant à Vérone, étaient trop peu nombreux pour qu'elle eût rien à craindre de leur vengeance. Alvinzy d'ailleurs revenait avec une nouvelle armée aussi considérable que la première. On s'opiniâtrait dans ses illusions. On ne pouvait pas croire que les Français ne fussent pas vaincus. Le Général, avant de partir pour aller détruire Alvinzy, à Rivoli, crut devoir donner encore cet avertissement :

Lettre au cardinal Mattei.

22 janvier 1797 (3 pluviôse an 5 ).

Les étrangers qui influencent la cour de Rome ont voulu et veulent encore perdre ce beau pays. Les paroles de paix que je vous avais chargé de porter au Saint-Père ont été étouffées par ces hommes pour qui la gloire de Rome n'est rien, qui sont entièrement vendus aux cours qui les emploient. Nous touchons au dénoûment de cette ridicule comédie. Vous êtes

mais

témoin du prix que j'attachais à la paix, et du désir que j'avais de vous épargner les horreurs de la guerre. Les lettres que je vous fais passer, et dont j'ai les originaux entre les mains, vous convaincront de la perfidie, de l'aveuglement et de l'étourderie de ceux qui dirigent actuellement la cour de Rome. Quelque chose qui puisse arriver, je vous prie, monsieur le cardinal, d'assurer Sa Sainteté qu'elle peut rester à Rome sans aucune espèce d'inquiétude. Premier ministre de la religion, il trouvera, à ce titre, protection pour lui et pour l'Église. Assurez également tous les habitants de Rome qu'ils trouveront dans l'armée française des amis qui ne se féliciteront de la victoire qu'autant qu'elle pourra améliorer le sort du peuple, et affranchir l'Italie de la domination des étrangers. Mon soin particulier sera de ne point souffrir qu'on apporte aucun changement à la religion de nos pères.

Je vous prie, monsieur le cardinal, d'être assuré qu'en mon particulier, je me ferai un devoir de vous donner, dans toutes les circonstances, la marque de l'estime et de l'attachement avec lesquels je suis, etc. BONAPARTE.

Alvinzy battu, il était temps de se venger enfin de la cour de Rome. Le Général revint avec son armée. Une division fut envoyée dans les États pontificaux, qui furent envahis en un instant. Le Pape effrayé demanda la paix. Cette fois elle devait être sérieuse. Elle fut signée à Tolentino. Elle coûta cher an Pape. Le Général n'exigea pas moins de trente millions de subsides; l'abandon des droits de saint-siége sur le comtat Venaissin; la cession, en faveur de la république cispadane, des légations de Bologne et de Ferrare, plus la Romagne tout entière; l'abandon à la France de la citadelle d'Ancône, et huit cents chevaux de cavalerie, autant de chevaux de trait, des buffles pour les charrois, enfin des manuscrits, des tableaux ; parmi ceux-ci la communion de Saint Jérôme, du Dominicain. Le Pape offrit de le racheter au prix d'un million; le Général refusa: « Un million serait bientôt dépensé, « dit-il un chef-d'œuvre est éternel, et ornera notre patrie.

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Le Général rend compte de cette expédition dans la pièce qu'on va lire.

Au quartier genéral à Ancône, le 22 pluviôse an 5 (40 février 1797)

Au Directoire exécutif.

Citoyens Directeurs,

Nous avons conquis en peu de jours de Romagne, le duché d'Urbin et la marche d'Ancône. Nous avons fait à Ancône douze cents prisonniers de l'armée du Pape. Ils s'étaient postés habilement sur des hauteurs en avant d'Ancône. Le général Victor les a enveloppés, et les a tous pris sans tirer un coup de fusil. L'Empereur venait d'envoyer au Pape trois mille beaux fusils, que nous avons trouvés dans la forteresse d'Ancône, avec près de cent vingt pièces de canon de gros calibre. Une cinquantaine d'officiers que nous avons faits prisonniers ont été renvoyés, avec le serment de ne plus servir le Pape. La ville d'Ancône est le seul port qui existe, depuis Venise, sur l'Adriatique. Il est, sous tous les points de vue, très-essentiel pour notre correspondance de Constantinople. En vingt-quatre heures on va d'ici en Macédoine. Aucun gouvernement n'était aussi méprisé par les peuples mêmes qui lui obéissent, que celui-ci. Au premier sentiment de frayeur que cause l'entrée d'une armée ennemie, a succédé la joie d'être délivré du plus ridicule des gouvernements.

Le 22, à six heures du soir.

P. S. Nous sommes maîtres de Notre-Dame de Lorette.

BONAPARTE.

Au quartier général à Ancône, le 25 pluviôse an 5 (13 février 1797 ).

A monsieur le cardinal Mattei.

J'ai reconnu, dans la lettre que vous vous êtes donné la peine de m'écrire, monsieur le cardinal, cette simplicité de mœurs qui vous caractérise. Vous verrez, par l'imprimé que je vous envoie, les raisons qui m'ont engagé à rompre l'armistice conclu entre la république française et Sa Sainteté.

Personne n'est plus convaincu du désir que la République française avait de faire la paix, que le cardinal Rusca, comme il l'avoue dans sa lettre à M. Albani, qui a été imprimée et dont j'ai l'original dans les mains.

On s'est rallié aux ennemis de la France lorsque les premières puissances de l'Europe s'empressaient de reconnaître la République et de désirer la paix avec elle : on s'est longtemps bercé de vaines chimères, et on n'a rien oublié pour consommer la destruction de ce beau pays. Je n'entendrai jamais à aucune proposition qui tendrait à terminer les hostilités entre la République française et Sa Sainteté, qu'au préalable on n'ait ordonné le licenciement des régiments créés après l'armistice; secondement, que l'on n'ait ôté par notification publique le commandement de l'armée de Sa Sainteté aux officiers généraux envoyés par l'Empereur. Ces clauses remplies, il reste encore à Sa Sainteté un espoir de sauver ses États en prenant plus de confiance dans la générosité de la république française, et en se livrant tout entière et promptement à des négociations pacifiques.

Je sais que Sa Sainteté a été trompée. Je veux bien encore prouver à l'Europe entière la modération du Directoire exécutif de la république française, en lui accordant cinq jours pour envoyer un négociateur muni de pleins pouvoirs, qui se rendra à Foligno, où je me trouverai, et où je désire pouvoir contribuer en mon particulier à donner une preuve éclatante de la considération que j'ai pour le Saint-Siége.

Quelque chose qui arrive, monsieur le cardinal, je vous prie d'être persuadé de l'estime distinguée avec laquelle je suis, etc. BONAPARTE.

Au quartier général à Bologne, le 18 pluviôse an 5 (6 février 1797 ).

Proclamation.

L'armée française va entrer sur le territoire du pape ; elle protégera la religion et le peuple.

Le soldat français porte d'une main la baïonnette, sûr garant

de la victoire, et offre, de l'autre, aux différentes villes et villages paix, protection et sûreté..... Malheur à ceux qui la dédaigneraient, et qui, de gaieté de cœur, séduits par des hommes profondément hypocrites et scélérats, attireraient dans leurs maisons la guerre et ses horreurs, et la vengeance d'une armée qui a, dans six mois, fait cent mille prisonniers des meilleures troupes de l'empereur, pris quatre cents pièces de canons, cent dix drapeaux, et détruit cinq armées.

ART. Ier. Tout village ou ville où, à l'approche de l'armée française, on sonnera le toesin, sera sur-le-champ brûlé, et les municipaux seront fusillés.

II. La commune sur le territoire de laquelle sera assassiné un Français sera sur-le-champ déclarée en état de guerre. Une colonne mobile y sera envoyée; il y sera pris des ôtages, et il y sera levé une contribution extraordinaire.

III. Tous les prêtres, religieux et ministres de la religion, sous quelque nom que ce soit, seront protégés et maintenus dans leur état actuel, s'ils se conduisent selon les principes de l'Évangile. S'ils sont les premiers à les transgresser, ils seront traités militairement, et plus sévèrement que les autres citoyens. BONAPARTE.

Au quartier général à Pezaro, le 19 pluviôse an 3 (7 février 1797).

La division du général Victor a couché le 13 à Imola, première ville de l'État papal. L'armée de Sa Sainteté avait coupé les ponts et s'était retranchée avec le plus grand soin sur la rivière de Senio, qu'elle avait bordée de canons. Le général Lannes, commandant l'avant-garde, aperçut les ennemis qui commençaient à le canonner. Il ordonna aussitôt aux éclaireurs de la légion lombarde d'attaquer les tirailleurs papistes. Le chef de brigade Lahoz, commandant cette légion, réunit ses grenadiers, qu'il fit former en colonne serrée, pour enlever, la baïonnette au bout du fusil, les batteries ennemies. Cette légion, qui voit le feu pour la première fois, s'est couverte de gloire. Elle a enlevé quatorze pièces de canons sous le feu de trois à quatre mille hommes retranchés. Pendant que le feu durait, plusieurs

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