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noble dans le régiment, en attendant une occasion plus avantageuse. Ravi, je m'installai le soir même à la caserne de Val de Preïro, et couchai dans la chambrée.

Me voici donc soldat à douze ans et trois mois, rude épreuve! Que de chances de se perdre, sans guide, sans avoir près de moi ni père ni mère, rien que des étrangers, ou des parents éloignés, desquels j'étais séparé par ma position de simple soldat vis-à-vis d'officiers supérieurs! La nuit du 20 décembre 1800 fut la première que je passai à la caserne.

Jébuts militaires.

CHAPITRE II

1801-1806.

Nomination de sous-lieutenant. — Campagne de l'Alentejo. Paix d'Amiens. Licenciement du régiment de

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Séjour à Paris.

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Arrivée à Odessa. Mort de ma
Entrée au service de

mère. Voyage à Constantinople.

la Russie.

Comme on le voit, j'ai commencé ma carrière militaire de bonne heure, et en en parcourant tous les degrés, puisque je débutai comme simple soldat. Notre uniforme était rouge, revers, col et parements en velours noir, galons en laine blanche, boutons d'argent portant trois fleurs de lis, casque en feutre rouge avec crête en fourrure noire, cocarde blanche; sur la plaque du baudrier: Régiment de Mortemart. Je faisais complètement mon service, je montais la garde, j'allais à l'exercice dès quatre heures du matin, j'assistais à deux parades, l'une le matin, l'autre le soir; mais après les misères d'Altona, je me trouvais l'homme le plus heureux du régiment. Pendant les marches et les manoeuvres, la compagnie je chasseurs nobles occupait la gauche du régiment; en dehors de ces deux cas, nous remplissions les fonctions de sergent, en portions les insignes et en touchions la solde une ration de pain, de viande, de vin, et trentecinq sous par jour. Presque tous les chasseurs nobles étaient d'anciens officiers, et mes trois officiers avaient

été officiers supérieurs; nous avions dans le rang onze chevaliers de Saint-Louis.

On avait désigné pour m'instruire un vieux sergent : il m'apprenait le maniement des armes, la théorie, l'escrime, et me donnait l'intonation de voix pour les commandements. Je jouissais de cette vie depuis quatre mois, sans songer ni même désirer que mon sort s'améliorât, et ravi de mon nouveau métier.

Le duc de Mortemart avait été faire un voyage en Angleterre, laissant le commandement du régiment à son frère; celui-ci, toujours plein de bonté pour moi, saisit une heureuse occasion pour me faire passer officier. Un jour, commandé de planton à la porte de la caserne, je me rendais à mon poste, lorsque je rencontrai le sergentmajor de ma compagnie; il me prévint qu'un autre chasseur me remplaçait, je venais d'être promu souslieutenant! D'abord, je crus à une mauvaise plaisanterie, mais la lecture de l'ordre du régiment, contenant ma nomination, me convainquit. J'allai tout de suite remercier le marquis de Mortemart et lui demander l'explica tion d'une pareille faveur. Il me raconta que M. de Verteuil, sous-lieutenant, obligé de se rendre sans délai aux colonies, pour toucher un héritage, voulait vendre sa commission, suivant l'usage anglais; il en voulait soixante-dix louis. Aucun sergent ni chasseur noble n'avait pareille somme à sa disposition, d'autant plus qu'il fallait payer comptant. M. de Mortemart la fournit pour moi, enchanté de rendre ce service « à un cousin de la branche aînée de sa famille ». Il m'engagea à commander immédiatement mon uniforme au tailleur du régiment, ma réception étant fixée au dimanche suivant, à la parade, avant la

messe.

Je retournai au quartier, dans un état plus voisin de

la folie que de la joie; on le concevra aisément, en sc rappelant que, depuis ma naissance, je n'avais éprouvé que malheurs et misères; je me voyais tout à coup à l'abri de l'un et de l'autre ; je n'oublierai jamais la date du 13 mars 1801! Quel beau jour! Il restait cependant une difficulté à vaincre d'après la loi anglaise, nul ne peut être officier avant seize ans révolus; or, j'avais seulement douze ans et quelques mois. Mais ma vie déjà si mouvementée avait eu pour résultat de vieillir ma figure, et ma taille dépassait cinq pieds; aussi l'inspecteur devant lequel je passai, comme tous les autres officiers du régiment, à l'occasion de la revue trimestrielle, ne fit aucune attention à moi.

Par un hasard bien singulier, je me trouvais à la solde de l'Angleterre, portant la cocarde blanche, dans un régiment stationné en Portugal, commandé par un de mes cousins. Mon capitaine, M. de Murat, était le frère de la marquise de Pesay, amie intime de ma mère, et mon lieutenant, le chevalier de Mauny, ancien capitaine sous les ordres de mon père, au régiment d'Armagnac; aussi je fus traité par ces messieurs de la façon la plus aimable, malgré la grande différence d'âge.

L'Angleterre entretenait en Portugal trois régiments, dits « à cocarde blanche »; ils portaient les noms des colonels qui les commandaient: Castries, Mortemart, La Châtre; ce dernier s'appelait également : Loyal-Émigrant.

Quelques mois après ma promotion, on parla de guerre, nous devions aller par mer à Porto : le gouvernement craignait que cette place importante ne fût attaquée, prise et ruinée par l'armée franco-espagnole rassemblée sur la frontière. On nous entassa à bord de bâtiments marchands de toutes les nations, nolisés à cet effet par le gouvernement anglais. Mais on modifia le plan de campagne, et après

huit jours d'incertitude, on nous fit débarquer, et rentrer dans nos casernes, pour en sortir de nouveau trois semaines plus tard, avec ordre de rejoindre l'armée portugaise, campée à Elva, à vingt-cinq lieues de Lisbonne, sur la frontière d'Espagne.

Le duc de la Foença, maréchal général du royaume, descendant de la famille royale de Bragance, commandait l'armée portugaise; âgé de plus de quatre-vingts ans, vieux, maladif, il mena cette petite campagne de l'Alentejo, vierge de coups de fusil, avec une grande mollesse; les forces réunies sous ses ordres étaient cependant supérieures à celles de l'armée espagnole. Je devrais appeler cette campagne un voyage, puisque nous n'avons pas brûlé une amorce: aucun historien, aucun journal ne l'a mentionnée; ce silence désolant pour mon amour-propre sera rompu je vais être l'historien de ma propre gloire et instruire la postérité; ce qui expliquera l'insertion de cette campagne sur mes états de service.

Marchant avec un régiment, j'ai eu l'avantage sur les voyageurs qui m'ont précédé, d'être toujours logé et nourri, et surtout je n'ai pas été détroussé par les brigands; ce que je dis du Portugal s'applique également à l'Espagne, qui n'a rien à envier à son voisin, en fait de routes, d'auberges et de brigands.

Les trois régiments d'émigrés reçurent l'ordre de se mettre en marche à la fin de juin 1801, par une chaleur excessive. On nous fit monter sur des barques, que nous devions quitter, à six lieues de Lisbonne, en remontant le Tage; une barque était affectée à chaque demi-compagnie. Je me trouvai en commander une, appelée « Fregata »; je mis à la voile pour un port dont j'ai oublié le nom, où nous jetions l'ancre à six heures du soir, après avoir remonté les bords fleuris du Tage. Dans mon inexpérience

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