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fermer la salle de la Convention, ou d'arrêter, ou d'expulser, ou de bloquer les Députés qui s'y trouvent).

Pendant ce temps, Robespierre et ses quatre compagnons, envoyés dans cinq prisons éloignées, ont été refusés par les concierges, ou enlevés par la police municipale et amenés à la Municipalité (actuellement la Préfecture de police).

Robespierre a longtemps résisté et résiste toujours, voulant exécuter le décret, obéir à la Convention, se constituer prisonnier, et se défendre devant le Tribunal révolutionnaire, tant il est éloigné de vouloir être Dictateur, tant il est sincère dans ses protestations réitérées de soumission et de respect envers la Représentation nationale!

Cependant, la Commune lui envoie une Députation pour le chercher et lui dire, qu'il ne s'appartient pas, qu'il doit être tout entier au Peuple et à la Patrie.

« Vous me perdez, répond-il à la Députation! Vous vous perdez vous-mêmes, et vous perdez la République! »

Néanmoins on l'enlève du Luxembourg et de la Municipalité; on l'entraîne à la Commune, à l'Hôtel-de-Ville, où son frère, Saint-Just, Lebas et Couthon, également enlevés, arrivent successivement, et où l'on jure, au milieu des transports d'enthousiasme, de mourir pour les défendre.

Mais Robespierre a fait perdre beaucoup de temps, et paralyse encore tout par sa résistance.

Réunis enfin vers minuit, qu'ils ne perdent pas un instant pour agir, pour faire une proclamation au Peuple, pour appeler l'Ecole de Mars, pour enthousiasmer leurs partisans, pour marcher sur la Convention, pour la bloquer et l'assiéger, pour mettre hors la loi 10 ou 20 de leurs ennemis qui ne manqueront pas de les y mettre eux-mêmes s'ils leur en laissent le temps, et pour enlever tous ceux dont on pourra se saisir; que Saint-Just et Lebas, si braves à l'armée, montent à cheval; que Robespierre y monte aussi ou qu'il parte à pied, ou qu'il se montre et parle; et la victoire est à eux : leurs ennemis se diviseront, ou fuiront, ou capituleront, ou se7

T. IV.

ront vaincus par la force sans pouvoir réunir un seul bataillon pour leur défense.

«

Robespierre, lui dit Lebas, voici le moment de monter à cheval! Non!....Si nous ne montons pas à cheval, nous sommes mis hors la loi..... Hé bien !.... Je ne veux point donner l'exemple d'un nouveau Cromwell... Nous ne sommes rien que par le Peuple, et nous ne devons pas porter atteinte à la Représentation nationale... »

Nous croyons qu'il a tort, parce que la Convention l'assassine, parce qu'il l'a lui-même appelée tout-à-l'heure une assemblée dominée par des brigands et des assassins, parce que la Commune s'est compromise, et que s'il laisse triompher les brigands la République est perdue comme il le disait luimême. Mais du moins, puisqu'il consent à périr plutôt que d'attaquer la Représentation nationale, puisqu'il meurt martyr du respect qu'il témoignait pour elle, devant elle hier matin (p. 73), et devant les Jacobins hier soir (p. 82), c'est la plus palpable et la plus horrible calomnie que de l'accuser d'être un ambitieux, un Dictateur, un usurpateur, un Tyran, un Cromwell, un Catilina!

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A

Rédigeons une proclamation, dit Couthon tout en arrivant... - Et au nom de qui, répond Robespierre ?..... Au nom de la Convention, réplique Saint-Just, pour la délivrer des brigands qui l'oppriment ou la trompent. La Convention est où nous sommes.... Non... Alors il ne nous reste plus qu'à mourir ! »

Si, dès le premier moment, Saint-Just, Lebas, Couthon, la Commune, menacés tous d'une mort certaine, voulaient abandonner Robespierre à lui-même et marcher seuls avec le Peuple sur la Convention, en faisant même la proclamation au nom de Robespierre comme au leur, on peut regarder comme presque certain que la Convention était vaincue... Mais le respect, la vénération, le dévouement, que Robespierre leur inspire à tous sont tels que tous préfèrent mourir plutôt que de violenter sa conscience et sa volonté.

Le respect de Robespierre pour la Représentation nationale, et le respect de ses amis pour lui-même, paralysent donc tout: on perd le temps à discuter pour le persuader, lorsqu'il n'y a pas une minute à perdre pour éclairer le Peuple, qui ne

sait rien, qui n'a pas même pu lire le discours de Robespierre, que les émissaires de la Convention s'efforcent de tromper par mille calomnies, et qui, de toutes les Sections, envoie des Commissaires à la Commune pour connaître la vérité: presque point d'action en un mot, quand le moindre délai peut tout perdre, parce que la Convention est plus unanime et plus menacée qu'au 31 mai, parce que les Montagnards sont d'autres hommes que les Girondins, parce que la population n'est pas instruite de la question comme au 2 juin.

Cependant Henriot seul, ivre, dit-on, dès le matin (pour avoir pris un petit verre d'eau-de-vie contre son habitude), dispose quelques bataillons et quelques compagnies de canonniers autour de la Convention, sur la place du Carrousel, et se prépare à l'attaque en tournant les canons contre elle : bientôt il va commander le feu!.... Quel moment!

Mais que fait l'Assemblée? On devine le tumulte et l'effroi, quand ceux qui arrivent successivement racontent ce qu'ils viennent de voir et d'apprendre... Les Comités délibèrent dans une petite salle attenante au bureau du Président, et ne savent quel parti prendre: tous se croient perdus !.... Bourdon propose de sortir en corps pour tenter de ramener le Peuple. Legendre assure que le Peuple défendra la Convention. - Billaud annonce à la tribune qu'Henriot va faire tirer à boulet. - Collot-d'Herbois, qui préside, dit alors en s'asseyant :

a

Représentants, voici le moment de mourir à votre poste! Des scélérats ont envahi le Palais national! »

Tous les Députés prennent alors leurs places, tandis que les Tribunes s'enfuient en criant; et la Convention, ainsi abandonnée, attend l'attaque en silence.... Il faut l'avouer, c'est une belle attitude!

« Henriot hors la loi! s'écrie une voix. l'Assemblée. »

Hors la loi! répète

Et quelques Députés sortent, pour lire le décret aux canon

niers.

Mais les canonniers sont venus là pour canonner la

Convention; ce n'est pas pour elle qu'ils ont braqué leurs canons contre elle ! que leur feront ses prières ou ses ordres, ses supplications ou ses menaces, ses paroles ou ses décrets? Henriot, d'ailleurs, fera-t-il la faute de les laisser parler?..... Mais Henriot faisant cette faute énorme, ils parlent :

«

Canonniers, vous déshonorerez-vous, disent les Députés ? le brigand est hors la loi! »

Qu'est-ce que cela fait si Henriot et les canonniers leur répondent en les mettant eux-mêmes hors la loi par une décharge!...

« Canonniers, dit Henriot, feu !....... »

Mais les canonniers.... refusent d'obéir... Et Henriot s'enfuit!... Et tout est fini!... Les canonniers, venus pour faire triompher l'insurrection, viennent de tirer sur elle!... Ces hommes du Peuple, dévoués à la cause du Peuple, mais trompés et aveuglés, viennent de perdre le Peuple en se perdant eux-mêmes, en perdant Robespierre! Ce sont ces quelques canonniers qui décident des destinées de la France! Et c'est ici qu'on voit combien le succès d'une affaire décisive peut dépendre d'une petite troupe de combattants et surtout du Chef qui la commande.

Encouragée par ce premier prodige de la mise hors la loi, la Convention rend un pareil décret contre Robespierre et les autres et contre la Commune en masse. Puis, sur la proposition de Vouland, elle nomme Barras commandant de la force armée, et lui adjoint sept Députés, Fréron, Ferrand, Rovère, Delmas, Bolleti, Léonard-Bourdon et Bourdon de l'Oise... Puis, elle nomme des Commissaires pour aller dans les Sections les éclairer et les appeler à sa défense..... Puis elle envoie Legendre fermer les Jacobins... Puis, elle remplace le Commandant de l'École de Mars et s'empare des 3000 élèves de cette école..... Il faut encore l'avouer, elle se défend bien!

Les Représentants se rendent courageusement dans les

Sections (puisque l'insurrection fait la faute immense de les y laisser entrer); ils emploient tous les moyens, vrais ou faux, de gagner le Peuple; ils accusent Robespierre de tyrannie, d'usurpation, de cruauté, de nouveaux projets sanguinaires, de trahison même. C'est le voleur qui crie au voleur et qui s'échappe en faisant courir la garde après celui qu'il a volé... Ils parviennent à tromper et à gagner à leur cause un grand nombre de Sections qui ne savent rien du débat, puisqu'on a commis l'énorme faute de ne pas les instruire, parfaitement, longtemps d'avance, précaution d'autant plus nécessaire que les patriotes les plus énergiques ont péri ou sont partis pour l'armée.

Quoi qu'il en soit, plusieurs Sections envoient leurs bataillons à la Convention; d'autres rappellent même leurs bataillons déjà envoyés à la Commune; les bataillons amenés au Carrousel par Henriot font défection comme les canonniers ; Barras dispose maintenant d'une petite armée; et la Convention, presque complètement rassurée pour sa défense, prend la résolution d'attaquer à son tour. Et pendant ce temps, les hommes de police, les Vadier, les Amar, les Vouland, apercevant sur leur bureau un cachet à fleurs de lis saisi chez un émigré, imaginent de répandre partout qu'on vient de trouver chez Robespierre un cachet à fleurs de lis, qui prouve qu'il ne travaille que pour les Bourbons ou pour se faire Roi lui-méme... (1) Est-il possible?.... Vadier avouera plus tard, avec un vif regret et une profonde douleur, cette infernale rouerie: mais il suffit qu'elle dure une heure pour jeter le désordre dans les esprits et pour faire un mal irréparable.... Les faubourgs Saint-Antoine et Saint-Marceau, qui viennent au secours de la Commune, s'arrêtent quand on leur

(1) On assure (et nous regardons le fait comme certain) que Cambon disait un jour à Vadier, exilé comme lui à Bruxelles : « Comment avezvous eu la scélératesse d'imaginer ce cachet, et toutes les autres pièces par lesquelles vous vouliez faire passer Robespierre pour un Royaliste? » et que Vadier répondit: « le danger de perdre la tête donne de l'imagination. »

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