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répondre à Billaud. — A bas le tyran, à bas le tyran! lui crie-t-on de tous côtés pour le forcer à quitter la tribune.

L'Assemblée ose enfin lui donner le nom qu'il mérite, dit M. Thiers. »

Quoi, M. Thiers appelle lui-même tyran celui que la Convention vénérait et applaudissait avec tout Paris et toute la France! Il approuve que les Billaud, les Tallien, les Fouché, les Carrier, etc., traitent Robespierre de tyran, eux qu'il disait tout-à-l'heure être eux-mêmes des tyrans (p. 79)!

Tallien, qui demande la parole après Robespierre, l'obtient avant lui.

Je savais, dit-il, que ma tète était menacée, et jusqu'ici j'avais gardé le silence. Mais hier, j'ai assisté à la séance des Jacobins ; j'ai vu se former l'armée du nouveau Cromwel; j'ai frémi pour la Patrie, (quel impudent mensonge!) et je me suis armé d'un poignard pour lui percer le sein, si la Convention n'avait pas le courage de le décréer d'accusation. >>

Voilà un digne Brutus! Et tandis qu'on traitait Marat de scélérat parce qu'il montrait un pistolet pour se tuer luimême (t. 3, p. 196), M. Thiers semble admirer le féroce Tallien, qui montre un poignard pour assassiner Robespierre si la Convention ne le jugeait pas criminel, qui le poignarderait alors malgré la Convention... Et la Convention encourage pour ainsi dire le tyrannicide en couvrant Tallien d'applaudissements lorsqu'il montre son poignard.

Et cet infâme Tallien a l'audace (pourra-t-on le croire) de l'appeler un tyran, un conspirateur, un nouveau Catilina, entouré de nouveaux Verrès, qui voulait rester seul avec des hommes crapuleux et perdus de débauche!!!...

<< Tout annonce, dit-il, que l'ennemi de la Représentation nationale va tomber sous nos coups... La justice nationale frappera les scélérats. » Et l'insurrection, l'insurrection...? Elle n'arrive pas !... Tallien et Billaud demandent l'arrestation d'Henriot et de trois autres ; et l'arrestation est ordonnée.

Cependant Robespierre, qui est resté à la tribune, demande toujours la parole: mais les conjurés, qui redoutent sa voix

si souvent toute-puissante, la couvrent par leurs cris à bas le tyran!... N'est-ce pas un infàme assassinat !

Barrère obtient encore la parole avant Robespierre avec deux discours dans sa poche, l'un pour, l'autre contre lui, suivant que tournera la lutte... Voilà, vraiment, de dignes et respectables adversaires de Robespierre! Il attaque Robespierre comme un tyran, comme un ennemi du Peuple. Il insinue qu'il est allié de l'Etranger. Il demande la destitution d'Henriot, et l'appel du Maire et de l'Agent national à la barre; enfin il propose une proclamation au Peuple pour l'avertir que les Chefs militaires semblent menacer la Convention. Et tout est décrété.

Vadier vient à son tour parler de la Mère de Dieu, de sa dangereuse conspiration, du certificat de civisme donné par Robespierre à Don Gerle, et de la lettre (trouvée dans le lit, et peut-être glissée là par la police), dans laquelle cette mère de Dieu appelle Robespierre son fils chéri (p. 45). Il l'appelle aussi tyran et pousse l'impudeur jusqu'à dire qu'il a rendu lui-même la loi du 22 prairial, et que c'est lui seul qui opprime les patriotes, tout en lui reprochant d'avoir défendu C. Desmoulins.

« Personne n'ignore, dit-il, qu'il a défendu ouvertement Bazire, Chabot et C. Desmoulins. »

Mais Tallien remonte à la tribune, et dit que c'est l'ensemble des actes de Robespierre qu'il faut montrer.

« Et il commence, dit M. Thiers, un tableau énergique de la conduite de ce Rheteur, lâche, orgueilleux et sanguinaire. »

Est-ce le sanguinaire Tallien, ou M. Thiers, qui insulte ainsi l'homme si longtemps vénéré? Mais Tallien ne peut citer aucun crime.

Robespierre, à la tribune, fait toujours de vains efforts pour obtenir la parole: et personne ne le soutient, ni dans la Convention ni dans les Tribunes... Saint-Just, Couthon, Robespierre jeune, Lebas, David, et quelques autres, ne se font pas déchirer pour le défendre! Et l'insurrection n'arrive pas !...

« L'arrestation de Robespierre, s'écrie Louchet! ›

• Son accusation, s'écrie Loiseau ! »

Et cent voix de conjurés appuient ces propositions de deux lâches qui n'ont rien fait ni rien dit jusqu'à présent.—Robespierre demande encore la parole: mais Thuriot qui préside en place de Collot, ne cesse d'agiter sa sonnette et feint de ne pas l'entendre. Et les Girondins, aussi ingrats que lâches, appuient, contre ce Robespierre qui s'est compromis pour sauver leurs 73, ce Thuriot qui demandait leur supplice!!! (p. 46).

« C'est à vous, dit-il à la Plaine, à vous hommes purs, hommes vertueux, que je m'adresse, et non aux brigands... Pour la dernière fois Président des assassins, (dit-il à Thuriot), je te demande la parole. »

Et nous voyons qu'il ne craint pas d'irriter ses ennemis : mais les conjurés ont résolu de l'assassiner; et sa voix s'épuise sans qu'on veuille l'entendre.

« Le sang de Danton l'étouffe, s'écrie Garnier de l'Aube. »

Et chacun sait, cependant, que tous ses accusateurs ont demandé et consenti le supplice de Danton!

« C'est donc Danton que vous voulez venger, s'écrie Robespierre!... >> Le malheureux fait encore de vains efforts pour parler.

« Ha qu'un tyran est dur à abattre (s'écrie le cruel Fréron, qui a tué, par jour, 200 Toulonnais, les moins coupables, puisque les autres étaient partis avec les Anglais). »

L'accusation est enfin décrétée au milieu d'un épouvantable tumulte; et de tous côtés les conjurés se lèvent en criant Vive la République!

a La République, répond Robespierre, elle est perdue! Les brigands triomphent. »

Saint-Just et Couthon sont aussi décrétés. Robespierre jeune demande à partager le sort de son frère ;—Lebas le demande aussi ; et tous deux sont décrétés, sans que ce dévouement sublime puisse arrêter un moment la Convention. Ne faut-il pas, cependant, qu'un homme ait quelque chose de bien extraordinaire pour qu'on demande à mourir avec lui!

Ses ennemis vainqueurs, qui se sont inclinés si longtemps devant lui, veulent se venger en l'humiliant, et le forcent à descendre à la barre.

Puis, la séance est suspendue de 5 à 7 heures; et Robespierre est emmené, avec ses quatre co-accusés, dans la salle du Comité de Sûreté générale, où les Amar, les Vadier, les Vouland, les Jagot, se donnent le plaisir de les interroger avant de les faire conduire en prison, comme ils se donnent souvent la jouissance d'assister aux grandes exécutions.

Mais quel crime reprocher aux accusés ? Comment motiver l'accusation? Et si le Tribunal révolutionnaire les acquitte! Si le Peuple les porte en triomphe!

D'un autre côté, que font la Commune et les Jacobins ? Pourra-t-on croire qu'ils n'ont rien fait, qu'ils ne savent pas même ce qui se passe, qu'ils ignorent longtemps l'arrestation de Robespierre, que la Commune suspend sa séance, que le Maire se laisse notifier par un huissier le décret qui le mande à la barre, et que, sur la réquisition d'un autre huissier, Henriot se laisse arrêter avec ses Aides-de-camp et conduire au Comité de Sûreté générale auprès des 5 prisonniers? Amar s'enfuit à leur approche; et bientôt Henriot et ses Aides-decamp engagent une lutte avec les gendarmes qui gardent Robespierre et vont le délivrer de vive force. Quel événement si tous se rendent ainsi à la Commune! Mais Robespierre veut absolument obéir à la Convention et se présenter au Tribunal révolutionnaire... Tous restent donc prisonniers ; et presque aussitôt les cinq Représentants sont envoyés dans cinq prisons différentes.

Cependant, quand la Commune rentre en séance, à 6 heures, elle apprend l'arrestation de Robespierre. A l'instant l'insurrection est décidée et proclamée; le tocsin sonne à l'Hôtel-de-Ville et dans les Sections; les barrières sont fermées; des Commissaires sont envoyés partout pour amener des bataillons à la Commune; l'ordre est envoyé aux concierges

de toutes les prisons de ne pas recevoir les prisonniers; enfin on nomme une Commission insurrectionnelle de 9 membres, dans laquelle se trouvent Payan et Coffinhal, (VicePrésident du Tribunal-révolutionnaire, Président des Jacobins), qui rédige anssitôt la proclamation suivante :

Citoyens, la Patrie est plus que jamais en danger; des scélérats dictent des lois à la Convention qu'ils oppriment. On poursuit Robespierre, qui fit déclarer le principe consolant de l'Etre-Suprême et de l'immortalité de l'âme; Saint-Just, cet apôtre de la vertu, qui fit cesser les trahisons du Rhin et du Nord, qui, ainsi que Lebas, fit triompher les armes de la République; Couthon, ce citoyen vertueux qui n'a que le corps et la tête de vivants, mais qui les a brûlants de l'ardeur du patriotisme; Robespierre le jeune, qui présida aux victoires de l'armée d'Italie.-Et quels sont leurs ennemis ? un Amar, noble de 30,000 livres de rente; Dubarran, vicomte, et des monstres de cette espèce; Collot-d'Herbois, le partisan de l'infâme Danton, comédien qui, dans l'ancien régime, avait volé la caisse de sa troupe ; ce Bourdon (de l'Oise), qui calomnia sans cesse la Commune de Paris; ce Barrère, qui appartient à toutes les factions tourà-tour, et qui a fait fixer le prix des journées des ouvriers pour les faire périr de faim. Voilà les scélérats que le Conseil te dénonce. Peuple, lève-toi! Ne perdons pas le fruit du 10 août et du 31 mai! Précipitons au tombeau tous les traîtres! — Signé Fleuriot, Maire. »

Et aussitôt le Conseil-général, composé de 90 membres présents, arrête :

Que les nommés Collot-d'Herbois, Amar, Léonard-Bourdon, Fréron, Tallien, Panis, Carnot, Dubois-Crancé, Vadier, Javognes, Fouché, Granet et Moïse-Bayle, sexont arrêtés, pour délivrer la Convention de l'oppression où ils la tiennent. Une couronne civique est offerte aux généreux citoyens qui arrêteront ces ennemis du Peuple.

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Ah! si le Peuple connaissait toute la vérité, comme il accourrait au secours de Robespierre! Déjà plusieurs bataillons, plusieurs compagnies de canonniers et des gendarmes, sont réunis sur la place de la Commune; et Coffinhal part avec quelques compagnies et du canon, pour enlever les prisonniers du Comité de Sûreté générale. Il n'y trouve que Henriot et ses Aides-de-camp, les délivre, disperse les membres des Comités (au lieu de les arrêter), et s'en revient (au lieu de

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