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«- Je la boirai avec toi, s'écrie le célèbre David! »

Couthon demande l'expulsion de tous les membres des deux Comités qui ont voté contre Robespierre, et leur radiation est décidée par acclamations.

« Ce n'est rien, dit Dumas; demain, je les attends tous au Tribunal révolutionnaire! »

Collot-d'Herbois, l'un d'eux, veut rappeler ses anciens services, son dévouement et les périls qu'il a courus (p. 25); mais l'Assemblée le couvre de huées, l'exclut et le chasse violemment, ainsi que Tallien et d'autres qui sont présents.

L'Agent national ou Procureur de la Commune (Payan) propose de se transporter sur-le-champ dans les Comités, où l'on sait que tous les conspirateurs sont actuellement rassemblés, et de tout terminer en les enlevant tous à la fois : le maire (Fleuriot), Dumas, Coffinhal, sont de cet avis : que Robespierre y consente, et tout est fini!-Mais Robespierre s'y oppose, et veut encore essayer d'un rapport de Saint-Just, qui vient d'arriver de l'armée et qui parlera demain matin pour désigner les coupables, et d'un second discours qu'il prononcera lui-même pour appuyer Saint-Just. Ce n'est qu'après ces moyens de douceur qu'on emploiera l'insurrection.

« Jacobins, dit-il, quand on a pour soi la raison, il ne faut pas imiter les Tyrans qui n'agissent que par la force; nous n'avons pas besoin de l'employer: il faut surtout RESPECTER LA CONVENTION. II nous suffira de faire tomber les têtes de quelques fripons et de quelques traîtres pour que la cause de la vertu soit sauvée. Demain, si vous me continuez votre appui, la République sera triomphante. Et la séance est levée aux cris de Vive la République! Périssent les traîtres!

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Tout cela n'est pas un mal irréparable, s'il peut empêcher ses ennemis d'intriguer pendant la nuit ; si les Jacobins, la Commune et lui-même, restent en permanence ; si l'insurrection est prête; si les Tribunes ne sont pas composées d'ennemis; en un mot, s'il s'est assuré la liberté de la parole; car la libre discussion ne peut manquer de le faire triompher..... Dans tous les cas, s'il succombe, ce sera pour avoir toujours

préféré la douceur à la violence, pour n'avoir pas voulu imiter les Tyrans, pour avoir religieusement respecté la Convention. Mais toutes ces temporisations sont des fautes, parce que la situation ne ressemble en rien à celle du 31 mai, puisque le péril extérieur est moins urgent, les Députés plus généralement menacés faute de listes officiellement publiées, les adversaires qu'il s'agit de vaincre bien autrement audacieux et énergiques que les Girondins, et l'opinion publique bien moins éclairée sur la question; car ce premier discours, d'ailleurs insuffisant, ne sera peut-être ni publié ni connu dans la journée de demain, tandis que le second discours projeté ne sera peut-être pas prononcé. La faute est immense, surtout si l'on ne prépare pas à l'instant l'insurrection pour qu'elle soit prête demain matin; si l'on perd un moment pour surveiller toutes les démarches d'ennemis tels que Fouché, Tallien, Carnot, Barras, Billaud, Collot, tout le Comité de Sûreté générale; et si l'on n'est pas parfaitement sûr de connaître tous leurs projets et leurs plans... Car les ennemis, formellement menacés de l'échafaud pour demain, ne peuvent manquer de se préparer à un combat à outrance.

Et remarquons que M. Thiers n'oublie pas de rappeler que deux poètes célèbres, Roucher (l'auteur des Mois) et le jeune André Chenier, poète royaliste, périssent sur l'échafaud dans cette journée du 8 thermidor qu'il appelle la dernière de cette tyrannie sanglante qui s'est apesantie sur la France, comme s'il voulait l'imputer à Robespierre, comme si ce n'étaient pas les Comités qui dirigent tout depuis 47 jours!

Le lendemain, tous les journaux parleront du discours de Robespierre avec plus ou moins d'admiration: mais le Moniteur n'en parlera que le 11 et n'en dira que deux mots en le dénaturant. Le manuscrit, saisi chez lui par les vainqueurs, ne sera publié qu'un an plus tard, sans doute défiguré.

$ 25.

Discours préparé par Saint-Just.

Les ennemis de Robespierre connaissent tout ce qu'il dit

et fait et tous les projets d'insurrection. Beaucoup d'entre eux voudraient capituler; mais les principaux, effrayés, presque certains de leur perte, désespérés, n'ont plus de ressource que dans cet adage: Sala salus victis nullam sperare salutem (le seul salut des vaincus est de combattre sans vouloir de salut).

Cependant les Comités, qui sont assemblés, hésitent encore et n'osent pas faire arrêter le Maire et le Commandant de la Garde nationale. Saint-Just, qui vient d'arriver à Paris et au Comité, et qui les observe en silence, les gêne et les embarrasse. Collot et Billaud, revenant furieux des Jacobins qui les ont chassés, l'apostrophent violemment, l'accusent de former un Triumvirat avec Robespierre et Couthon, et d'avoir dans sa poche un rapport tout prêt pour les accuser demain.

Nous ne croyons pas qu'ils osent le fouiller (comme l'ont dit plus tard ses ennemis), pour saisir ce redoutable rapport, ni qu'ils osent tenter de le retenir prisonnier pour l'empêcher de parler demain, ni qu'ils osent exiger de lui qu'il ne parlera pas sans leur avoir communiqué son discours: il paraît seulement, d'après ce qu'il écrit lui-même, qu'ils essaient de le séparer de Robespierre, et qu'ils voudraient qu'il fit un rapport en leur nom, dans l'espérance qu'il n'oserait pas alors les attaquer mais il veut parler en son nom seul, au nom de la Patrie, pour conserver toute son indépendance et dire franchement son opinion. — Il parait même (Histoire parlementaire) qu'il leur déclare qu'il ne voit pas d'autre moyen de rétablir la paix et l'union que la retraite de Billaud et Collot, et la réorganisation du Comité de Sûreté générale. - Quoiqu'il en soit, on se sépare à cinq heures du matin, le 9; et Saint-Just rédige son discours en son nom.

Il commence par y déclarer qu'il n'appartient à aucune Faction et qu'il ne veut en ménager aucune; qu'il dira sans pitié la vérité, et qu'il ne craint aucun reproche; qu'il ne redoute pas la mort et qu'il la désire même si le crime doit triompher... Puis, il déclare que la discorde sépare les membres du Comité, et que la cause en est dans l'orgueil et l'ambition

de Billaud et Collot, dans leurs sentiments de jalousie et d'envie contre Robespierre, dans leur complot pour le perdre et pour s'emparer du pouvoir. Il annonce que Robespierre s'est retiré du Comité et que, depuis quelque temps, ce sont deux ou trois hommes qui dirigent tout. Il les accuse même de fausseté, et assure que, lors d'une récente tentative de réconciliation, Billaud disait à Robespierre: Nous sommes tes amis; nous avons toujours marché ensemble, tandis que la veille, il le traitait de Pisistrate et de Tyran... Il ajoute que Billaud et Collot ne voulaient plus qu'on parlât de l'Étre-Supréme, ni de l'immortalité de l'áme, ni de la sagesse... Il accuse aussi Carnot d'avoir, à son insu, donné l'ordre d'enlever 18,000 hommes à Jourdan, ordre qui aurait fait perdre la bataille de Fleurus s'il avait été exécuté.... Il proteste qu'il accuserait Robespierre s'il le croyait coupable; mais qu'il le défend parce qu'il le croit irréprochable.......... Il reconnaît qu'hier il n'a point assez clairement désigné les membres qu'il inculpait: mais il affirme que personne n'a plus de respect et de dévouement pour la Convention nationale.

« On constitue Robespierre, dit-il, en tyran de l'opinion. Mais ce n'est là qu'un sophisme qui tendrait à faire proscrire le mérite et la raison. Et quel droit exclusif avez-vous sur l'opinion, vous qui trouvez un crime dans l'art de toucher les âmes? Trouvez-vous donc mauvais que l'on soit sensible et persuasif? Etes-vous donc de la Cour de Philippe, vous qui faites la guerre à l'éloquence? Un tyran de l'opinion! Mais qui vous empêche de disputer l'estime de la Patrie, vous qui trouvez mauvais qu'on la captive? Il n'est point de Despote au monde, si ce n'est Richelieu, qui se soit offensé de la célébrité d'un écrivain. Est-il un triomphe plus désintéressé? Caton aurait chassé de Rome le mauvais citoyen qui eût appelé l'éloquence dans la tribune aux harangues le tyran de l'opinion.... Démosthènes était-il tyran ?.... Ainsi, la MEDIOCRITE jalouse (Billaud, etc.) voudrait conduire le génie (Robespierre) à l'échafaud! Et, comme le talent d'orateur que vous exercez tous ici est un talent de tyrannie, on vous ac cusera bientôt comme des Despotes de l'opinion. »

Puis, il explique que Couthon, Prieur de la Marne, JeanBon-Saint-André, et lui Saint-Just, sont presque toujours en mission; que Prieur de la Côte d'Or et Robert-Lindet sont

ensevelis dans leurs bureaux; que Robespierre s'est retiré depuis 40 jours (pour faire tomber l'accusation de Dictature), et que Billaud, Collot, Barrère et Carnot, surtout les deux premiers, ont tout fait pendant ces 40 jours... Il reproche à Prieur et à Robert de remplir seulement le rôle de Ministres; et à Carnot d'accaparer l'honneur des victoires, sans parler de ceux de ses collègues qui y contribuaient en combattant.

«

Sylla, dit-il, était un fort bon Général, un grand Politique, un savant Administrateur; mais il appliqua ce mérite à sa fortune. »>

Enfin, il accuse formellement Billaud et Collot d'avoir conçu et exécuté le plan d'usurper le pouvoir en immolant Robespierre, et propose de décréter que :

« Les institutions qui seront incessamment rédigées présenteront les moyens que le Gouvernement, sans rien perdre de son ressort révolutionnaire, ne puisse tendre à l'arbitraire, favoriser l'ambition, et opprimer ou usurper la Représentation nationale. »

Quel effet ne produira pas ce discours, s'il est prononcé et si Robespierre peut avoir la parole pour l'appuyer !

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Il paraît (d'après une brochure de Lecointre sur les événements de thermidor), que la conjuration contre Robespierre a commencé dès le 24 mai, après son rapport sur l'Etre-Suprême, et que les premiers membres de cette conspiration ont été : Laurent, Lecointre, Fréron, Barras, Courtois, Garnier (de l'Aube), Rovère, Tirion, Tallien et Geoffroy.— Fouché, Billaud, etc., etc., y sont entrés ensuite.

Billaud a voulu y faire entrer Ingrand: mais celui-ci a refusé en déclarant que, si l'on attaquait Robespierre, la République était inévitablement perdue. Carnot en devient un des membres les plus influents, soit parce qu'il croit aux projets de Dictature, soit parce que Saint-Just lui a reproché, dans le Comité, comme fautes inexcusables, d'abord de conserver dans les Etats-majors une foule d'anciens aristocrates nécessairement suspects, ensuite d'avoir donné l'ordre d'enlever 18,000 hommes à Jourdan (p. 64.)

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