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des serments, que, le 4, il donne une fête pour le Peuple, aux Champs-Elysées, lui distribue du vin et des vivres, et réunit dans son palais les Députés au Champ-de-Mai, auxquels il donne un concert dont est exclue la Marseillaise. Tout le monde est mécontent de ce luxe asiatique dans une crise si sombre et si terrible. C'est de la liberté que demande le Peuple, et non du pain et des spectacles comme les Empereurs en donnaient à la populace romaine.

Mais les deux Chambres, convoquées pour le 3 juin, sont en séance ; et l'incorrigible débute par une rouerie qui va jeter la défiance et commencer la lutte. Quoiqu'il ait secrètement nommé son frère Lucien membre de la chambre des Pairs, il l'a fait nommer Député dans l'Isère, et veut faire tous ses efforts pour le faire élire Président de la chambre des Représentants: pour cela, il cache la liste des Pairs jusqu'au moment de la convocation, et veut que les Représentants nomment leur Président avant de connaître la liste des Pairs, ruse ignoble et inconcevable.-Mais la chambre, élue dans une réaction libérale, est aussi Démocrate que celle expulsée au 18 brumaire; on y voit beaucoup des Députés alors expulsés, Dupont-de-l'Eure, Bigonnet; on y voit Lafayette qui a voté contre l'empire, Lanjuinais, l'un des 5 opposants dans le Sénat, Felix Lepelletier, Barrère, Manuel, Dupin, etc.; l'on ne veut pas du Président du 18 brumaire; l'on demande la liste des Pairs avant d'élire. Il refuse. On devine son projet (d'autant plus que Fouché doit tout savoir et tout révéler à quelque confident); on s'indigne, on s'irrite et l'on n'élit ni Lucien ni l'un des favoris impériaux, mais Lanjuinais, avec Flangergues, Dupont-de-l'Eure, Lafayette, Général Grenier, presque tous de l'opposition.

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Bientôt, la Chambre refuse de communiquer avec lui par un chambellan, de l'appeler le sauveur de la Patrie. Ôn demande la suppression, parmi les Représentants, des titres de duc, comte, etc.

Hâtons-nous d'ajouter que, néanmoins, à Sainte-Hélène, il avouera que la masse de cette Chambre est animée d'un bon esprit.

Le 7, il ouvre, solennellement en personne, la session des Chambres, et annonce que, avant toute déclaration de guerre, les Anglais ont pris une frégate dans la Méditerranée. Le 11, les Représentants lui portent leur adresse. Il annonce qu'il partira, la nuit, pour l'armée. Et comme le Président des

Députés au Champ-de-Mai (Dubois d'Angers) et la Chambre dans son adresse, ont déclaré que la principale mission de la Représentation nationale était de faire une Constitution, il demande qu'on ne s'en occupe publiquement qu'à son retour.

« N'imitons pas, dit-il, les Grecs du Bas-Empire qui, pressés de tous côtés par les Barbares, se rendirent la risée de la Postérité en s'occupant de discussions abstraites au moment où le belier frappait les portes de Constantinople. »

On le sait aussi bien que lui; et si toute sa conduite n'excitait pas la défiance, on lui donnerait probablement la Dictature mais tout en lui inquiète, effraie, préoccupe pour la liberté; et à qui la faute? La Chambre nomme donc une Commission pour préparer le travail sur la Constitution.

Mais la guerre va tout décider.-Dès le 14, il dit à l'armée :

« Les insensés! Un moment de prospérité les aveugle. L'oppression et l'humiliation du Peuple français sont hors de leur pouvoir. S'ils entrent en France, ils y trouveront leur tombeau! »

En attendant l'arrivée des Russes et des Autrichiens, 120,000 Français vont attaquer 120,000 Prussiens-Saxons, et 104,000 Anglais-Belges.

Le 15, les Prussiens sont battus à Fleurus. -Mais Napoléon, à qui l'on a vainement conseillé de prendre des Colonels pour faire de nouveaux Généraux et des Généraux pour faire de nouveaux Maréchaux, a fait la faute d'employer beaucoup d'officiers douteux; et, dès le premier jour, le gé– néral Bourmont, ancien chef de chouans favorisé par la Restauration, passe à l'ennemi et déserte (suivant le rapport de son chef, le général Gérard), avec le colonel Clouet, le chef d'escadron Villontreys et un lieutenant.

Le 16, les Anglais et les Prussiens, commandés par Wellington et Blücher, sont encore battus à Ligny.

Le 18, nouvelle bataille à Mont-Saint-Jean ou Waterloo, à 4 lieues de Bruxelles... Le soir, la bataille paraît gagnée par les Français, Mais, soit par l'effet d'une trop grande ardeur de la cavalerie, soit par l'arrivée subite d'un corps Prussien, échappant à Grouchy, soit par la trahison, soit par la faute de l'Empereur, soit par toute autre cause, une panique subite s'empare des plus braves soldats, au commencement de la nuit ; des cris de sauve qui peut se font entendre; tout fuit; la Garde même est entraînée; la confusion est horrible; on repasse la Sambre en abandonnant ses canons

et ses bagages; et Louis XVIII se réjouit à Gand de ce que l'armée française est détruite !...

Si Napoléon reste là, il pourra tout rallier, Généraux et soldats; Grouchy lui ramènera 25,000 hommes; les secours arriveront de l'intérieur; et s'il prend un langage convenable, il pourra ranimer l'enthousiasme et contiendra certainement l'ennemi. C'est son devoir, puisqu'il a placé toute la question dans la force militaire. Mais, comme s'il n'était préoccupé que du salut de sa couronne, et comme s'il craignait la Représentation nationale plus que l'ennemi, il abandonne ses malheureux soldats pour accourir à Paris; les Généraux, Ney lui-même, suivent son exemple; les soldats le suivent aussi; et 10,000 arrivent, sans armes, jusque dans la capitale, sans qu'on puisse en rallier plus de 20,000 à Avesne.

On devine la consternation, la douleur et l'effroi quand, le 20, on apprend cette affreuse nouvelle, et quand, le 21, on apprend que l'Empereur est arrivé au Palais de l'Elysée à 4 heures du matin. -Qu'il convoque à l'instant les Chambres; qu'il y paraisse, en bottes, couvert de poussière; qu'il dise et fasse tout ce qu'il faut pour inspirer une confiance entière; qu'il dépose son titre d'Empereur et son épée sur l'autel de la Patrie; qu'il proclame la République ou la Souveraineté de la Nation; qu'il déclare la guerre nationale; qu'il appelle les Républicains, les Fédérés, le Peuple, la levée en masse... Les Chambres lui répondront par des cris d'enthousiasme, le proclameront Dictateur ou Généralissime; et il pourra repartir pour l'armée, accompagné jusqu'aux barrières par les cris patriotiques de l'Assemblée tout entière et de la population.

Mais il prend un bain, confère avec ses favoris et ses ministres, ne dit rien aux Chambres, et semble ne s'occuper que de sa couronne.

On devine l'activité des intrigues de Fouché, qui le trahit, qu'il a conservé Ministre, qu'il a nommé Pair, qui l'inquiète et l'irrite contre les Représentants, et qui irrite les Représentants contre lui en les avertissant de tous ses mouvements. Bientôt, le bruit court qu'il n'a quitté l'armée que pour faire un 18 brumaire.

On devine aussi l'effroi des Représentants, soit pour eux, soit surtout pour le salut public. Et le malheureux a tellement accumulé les événements et précipité la crise qu'on n'a le temps ni de se reconnaître ni de réfléchir. —A midi un quart, les Représentants sont en séance. Lafayette demande

T. IV.

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qu'on se rallie autour du vieux étendard tricolore de 89, le SEUL A DÉFENDRE contre les prétentions étrangères et les tentatives intérieures. Et, sur sa proposition, on déclare :

1° L'indépendance de la Nation est menacée. 20 La Chambre est en permanence. Toute tentative pour la DISSOUDRE serait un crime de HAUTE TRAHISON. - 3° L'Armée a bien mérité de la Patrie. -4° Les Ministres sont invités à se rendre sur-le-champ dans l'Assemblée.

-

Et l'on envoie cette délibération à la Chambre des Pairs, qui la prend à son tour.-Puis, on s'occupe de la sûreté et de l'inviolabilité de la Représentation nationale.

Bientôt Lucien, Commissaire extraordinaire de l'Empereur, arrive avec les Ministres, demande un Comité secret, et propose aux 2 Chambres de nommer chacune une Commission de 5 membres pour s'entendre avec les Ministres sur les mesures de salut public et sur les moyens de traiter de la paix.

« C'est à Napoléon seul que l'Europe a déclaré la guerre, s'écrie Henri Lacoste! Il est le seul obstacle à la paix! »

Lucien fait de vains efforts pour défendre son frère. Il est trop intéressé personnellement pour persuader; et si le complice du 18 brumaire inspire autant de défiance que son auteur, à qui la faute?

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Depuis plus de 10 ans, lui répond Lafayette, 3 millions de Frangais ont péri pour un homme qui veut lutter contre toute l'Europe. Nous avons assez fait pour lui! Notre devoir est de sauver la Patrie.

C'est en vain que les Ministres assurent que l'armée s'est ralliée à Avesne, démentent le bruit que l'Empereur veuille faire un 18 brumaire, et demandent une confiance et une union que leur maître rend impossibles. —On nomme cependant la Commission demandée. C'est le Président et les 4 vice Présidents, Lanjuinais, Flaugergues, Dupont-del'Eure, Lafayette, Grenier.-Et les Pairs nomment Boissyd'Anglas, Thibaudeau, Dejean, Drouot, Andréossy.

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A 11 heures du soir, les 2 Commissions délibèrent, aux Tuileries, avec les Ministres. —Là, Lafayette et d'autres demandent l'abdication et une négociation pour la paix au nom de la Nation, déclarant que, si l'Empereur n'abdique pas, Chambre prononcera certainement la déchéance demain matin. Les Impériaux refusent ; et l'on se sépare au milieu de la nuit, sans rien décider.

« A l'Elysée (dit Thibaudeau), on flotte entre la violence et la faiblesse Courtisans, Ministres, Princes, Napoléon lui-même, tout est

dans la plus grande perplexité; on sent le pouvoir s'échapper, et l'on n'a ni la volonté de le remettre, ni la force de le retenir. Lucien seul conseille un coup-d'Etat. »

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Encore un 18 brumaire!-A Sainte-Hélène, il dira:

Le 2 septembre (1792) fut l'effet du fanatisme plus que de la scélératesse... Ce terrible événement était dans LA FORCE DES CHOSES. Les Prussiens entraient avant de courir à eux, on voulut faire main-basse sur leurs auxiliaires dans Paris. Peut-être cet événemen influa-t-il sur le salut de la France. Qui doute que, dans ces der niers temps, lorsque les étrangers s'approchaient de Paris, si nous avions immolė leurs amis, on ne PORTERAIT PAS aujourd'hui la cocarde blanche?... Mais je ne pouvais ni ne voulais être un Roi de la Jacquerie.... »

«En arrivant de Waterloo, deux grands partis m'étaient laissés : celui de tenter de sauver la Patrie par la violence, ou celui de céder moi-même à l'impulsion générale. Amis et ennemis, bien intentionnés et méchants, TOUS ÉTAIENT CONTRE MOI (à qui la faute ?); je demeurais SEUL; j'ai dû céder... Le parti de la violence demandait une étrange vigueur. Il eut fallu de grands châtiments. Le sang pouvait couler; et alors sait-on où nous étions conduits? quelles scènes pouvaient se renouveler? N'allais-je pas, moi, noyer ma mémoire dans un cloaque de sang, de crimes et d'abominations? Je devenais pour la postérité le Néron, le Tibère de nos temps! Si encore, à ce prix, j'eusse sauvé la Patrie!... Je M'EN SENTAIS L'ÉNERGIE!... (et il a toujours outragé ceux qui l'ont sauvée!). Mais était-il bien sûr que j'aurais réussi? Eut-ou persuadé que je ne travaillais pas pour moi seul, pour mes avantages personnels? Eut-on convaincu que j'étais désintéressé, que je ne combattais que pour sauver la Patrie ?... Un moment j'eus envie de résister. Je fus sur le point de me déclarer en permanence aux Tuileries; d'appeler autour de moi 6,000 hommes de la Garde que j'avais à Paris; de la grossir de la partie bien intentionnée de la Garde nationale qui était nombreuse, et de tous les FÉ DÉRÉS des faubourgs; d'ajourner le Corps-législatif à Blois ou à Tours; et de travailler seul, par forme de dictature, au salut de la Patrie... Mais le Corps-législatif aurait-il obéi? J'aurais bien pu l'y coutrain dre par la force mais alors quel scandale et quelle complication! Le Peuple ferait-il cause commune avec moi? L'Armée même m'obéi rait-elle constamment?... Avec le concours du Corps-législatif, j'au · rais cru pouvoir répondre du salut de la France... J'aurais eu bien tôt plus de 400,000 hommes. Je me serais entouré d'une Consulté ou Junte nationale, tirée par moi des rangs du Corps-législatif, toute formée de noms nationaux et dignes de la confiance de tous; j'aurais ainsi fortifié ma dictature militaire de toute la force de l'opinion civile; j'aurais eu ma tribune; j'aurais soufflé sur l'Europe le talisman des principes... J'eusse pu le dissoudre, il est vrai... Mais, par cette dissolution, je pouvais tout au plus obtenir de l'ennemi quelque capitulation... Et encore, m'aurait-il fallu du sang et me montrer tyran!... J'en avais néanmoins ARRÊTÉ LE PLAN dans la nuit du 21 ; et le matin du 22 allait voir des déterminations d'une ÉTRANGE VIGUEUR quand, avant le jour, tout ce qu'il y avait de bon et de sage vint m'avertir qu'il n'y fallait pas songer, que tout m'échappait, et qu'on ne cherchait aveuglément qu'à s'accommoder... »

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