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une révolution! Car une révolution comme une guerre entraîne nécessairement de grands malheurs, et c'est vous qui les aurez causés et qui en serez responsables vis-à-vis de l'Humanité! »

Et maintenant, pour la vérité historique, nous répondrons à M. Thiers que le danger n'a pas cessé; que la République n'est pas définitivement victorieuse; que la guerre continue avec d'effroyables périls; que les contre-révolutionnaires sont toujours dangereux; que le Peuple est toujours irrité contre eux, soit à cause de ses pertes et de ses souffrances journalières, soit à cause des maux qui ne cessent pas de le menacer; et que l'opinion publique demande toujours la punition ou l'immolation des ennemis... Nous ajoutons que les adversaires de Robespierre veulent plus que lui la continuation et le redoublement de la Terreur ; et que lui seul a la volonté et le pouvoir de la faire cesser le plus tôt possible en faisant adopter au Peuple les idées d'ordre, de morale, de justice, et, quoi qu'on en dise, d'humanité.

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Rappelons-nous que Robespierre ne paraît plus au Comité depuis le 15 juin (27 prairial). Depuis cette époque, ce sont ses ennemis, Barrère, Billaud-Varennes et Collot-d'Herbois (au Comité de Salut public), Amar, Vadier, Vouland, Jagot, Louis (au Comité de Sûreté générale), qui dirigent et ordonnent les exécutions d'après la nouvelle loi du 22 prairial. Robespierrre, qui n'applique pas lui-même cette loi et qui ne voulait pas même qu'on l'appliquât fréquemment, a seulement le tort de laisser ses ennemis en abuser. Et nous ne le dissimulerons pas, parce que nous ne cherchons jamais que la vérité et des leçons utiles; Robespierre nous paraît commettre une faute énorme en laissant les Comités abuser de cette loi, si toutefois il est en sa puissance de les en empêcher; car il aurait peut-être démontré son impuissance à cet égard s'il n'avait pas été tué, et toute sa conduite manifeste trop d'humanité pour que nous ne soyons pas enclins à présumer sa justification.

Pour motiver les nouveaux supplices, le Comité de Sûreté

générale ou de police, fécond en expédients et en roueries de toute espèce, imagine une vaste conspiration organisée par les Suspects de toutes les prisons, à la suite de la conspiration imputée au Général Dillon pendant le procès de Danton (t. 3, p. 567). C'est au Luxembourg qu'on place le siége de la conspiration, composée là de 160 prisonniers. Pour connaître les plus dangereux et les transformer en conspirateurs, on envoie dans toutes les provinces des agents de police, espions, mouchards, et plus spécialement moutons ; et pour qu'ils puissent mieux obtenir la confiance des détenus, les tromper et les trahir, on les fait emprisonner eux-mêmes comme Suspects et comme conspirateurs. On obtient ainsi, par le moyen de ces infâmes moutons, de nombreuses listes contenant 100 à 200 prétendus conspirateurs dans chaque prison. Une tentative d'évasion faite à la Force, et peutêtre soufflée par la police, ne sert qu'à accréditer le bruit de cette conspiration. Et pour la juger avec plus d'éclat, FouquierThainville fait élever dans la salle un amphithéâtre qui peut contenir 150 accusés; il veut même faire dresser l'échafaud dans le tribunal; mais Collot-d'Herbois fait enlever l'échafaud, et consent à ce qu'on juge les accusés par bandes de 50 à 60.

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Tout étant ainsi préparé, on commence le procès de la fameuse conspiration le 6 juillet (18 messidor).-Les 160 conspirateurs du Luxembourg sont condamnés et exécutés en trois jours et en trois bandes. Chaque jour qui suit voit la condamnation et le supplice de 50 ou 60 prétendus conspirateurs, parmi lesquels disparaît la sœur de Louis XVI, vainement protégée précédemment par Robespierre (t. 3, p. 540). En un mot, tandis qu'en 15 mois (du 10 mars 1793, jour de sa création, au 10 juin 1794, jour de sa réorganisation) le Tribunal révolutionnaire a condamné 577 personnes, en un mois 17 jours (du 10 juin ou 22 prairial au 27 juillet ou 9 thermidor, il en condamne 1285 en en acquittant 296. Et même ces 1285 condamnations éclatent en 20 jours, du 6 juillet au 26, c'est-à-dire que les supplices sont, propor

tionnellement au temps, 30 fois plus nombreux qu'auparavant!

Et toutes ces dernières exécutions, si nombreuses et si rapprochées, qui sont un véritable 2 Septembre durant 20 jours, sont ordonnées, non par Robespierre retiré, mais par ses adversaires et ses ennemis dans les Comités. Carnot, Prieur, Robert-Lindet, signent beaucoup de ces exécutions avec Billaud, Collot et Barrère, tandis qu'aucune n'est autorisée par la signature de Robespierre. Et la Convention n'empêche pas, tolère, approuve..... Si ces exécutions sont un crime, n'est-ce pas sur la tête des Comités, des Billaud, des Carnot, etc., que le sang doit retomber, et non sur celle de Robespierre? Et si l'on veut lui reprocher son silence, ne faut-il pas accuser la Convention entière? Que les Aristocrates crient contre eux tous, à la bonne heure; mais ni la Convention, ni les Comités, ni Carnot lui-même, ne peuvent rien reprocher ici à Robespierre; c'est lui seul, au contraire, qui travaille, au péril de ses jours, à faire cesser les supplices.

S 10. Carrier à Nantes.

On se rappelle les menaces et les ordres d'extermination contre la Vendée. Les Prêtres et les Nobles qui ont entraîné les pauvres paysans sont en effet bien criminels; et le jeune et féroce Carrier, envoyé pour les punir, les traite impitoyablement. Mais les pauvres paysans sont plus malheureux que coupables; et le Comité de Salut public, qui voulait principalement les désarmer et les empêcher de nuire, a promis leur grâce à tous ceux qui mettraient bas les armes après leur déroute du Mans et celle de Savenay (p. 54). Aussi, plus de 10,000 se sont rendus, ou se sont réfugiés dans les fermes voisines. Cependant Carrier les fait tous arrèter, même les femmes et les enfants, tandis que les Colonnes républicaines qui parcourent la Vendée arrêtent et lui envoient tous les Prêtres, tous les Nobles, tous les Chefs, qu'elles peuvent rencontrer. Il fait arrêter aussi un grand nombre de Nantais suspects de fédéralisme ou de royalisme. - Puis, il

institue une Commission révolutionnaire, lui fait condamner chaque jour les détenus par 100 à 200, fait guillotiner les Nantais, et fait fusiller ou mitrailler en masse les Vendéens. -Puis, il embarque 90 Prêtres sur une gabarre, sous prétexte de les déporter, et fait échouer la gabarre, pour les faire périr. -Puis, il fait noyer les condamnés en les entassant dans de mauvais bâtiments, sous prétexte de les transporter dans une île, et en faisant couler subitement les bâtiments. Ce barbare fait ainsi périr 4 à 5,000 Vendéens, et continuerait ses noyades (car rien n'est plus facile que de tuer quand on a le pouvoir), si le Comité de Salut public n'y mettait un terme en le rappelant à Paris. Nous le verrons devenir un des plus violents ennemis de Robespierre, qu'il accuse de son rappel.

$11.

Tribunal révolutionnaire d'Orange.

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Le Comité de Salut public a fait organiser à Orange (département de Vaucluse) un Tribunal révolutionnaire pour tout le Midi. Là, le Représentant Maignet fait arrêter et condamner tous les contre-révolutionnaires, et fait incendier le bourg de Bedonin, qui s'est révolté.

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Lebon, Prêtre fanatique dans sa jeunesse, envoyé dans les Départements du Nord, a organisé un Tribunal révolutionnaire à Arras avec l'autorisation du Comité, a parcouru les villes voisines avec ses juges et la guillotine, et a fait exécuter partout un grand nombre d'Aristocrates. M. Thiers affirme qu'il assiste aux exécutions dessus son balcon, qu'il fait alors jouer ou chanter l'air Ah! ça ira, qu'il fait ensuite des orgies avec ses Juges, et qu'il y admet le bourreau. Les Autrichiens s'étant approchés de Cambrai, et Saint-Just qui s'y trouve croyant que beaucoup d'habitants conspirent pour livrer la ville à l'ennemi, Lebon s'y transporte, fait exécuter les principaux Aristocrates, et dit avoir ainsi sauvé Cambrai. - Cependant, une Députation d'Arras vient se plaindre des cruautés

de Lebon; le Député Guffroy le dénonce à la tribune; et le Comité le rappelle pour examiner sa conduite.

Mais le Comité le renvoie bientôt à Arras; et Barrère vient le défendre au nom du Comité.

« Nous avons, dit-il, recherché les motifs de sa conduite... Des formes un peu acerbes ont été employées; mais ces formes ont détruit les piéges de l'Aristocratie. Le Comité a pu les improuver; mais Lebon a complètement abattu les Aristocrates et sauvé Cambrai. D'ailleurs, que n'est-il pas permis à la haine d'un Républicain contre l'Aristocratie! De combien de sentiments généreux un patriote ne trouve-t-il pas à couvrir ce qu'il peut y avoir d'acrimonieux dans la poursuite des ennemis du Peuple ! Il ne faut parler de la Révolution qu'avec respect, des mesures révolutionnaires qu'avec égard. La Liberté est une vierge dont il est coupable de soulever le voile.

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Et remarquons-le bien, ce n'est pas Robespierre qui parle ainsi; ce n'est pas même Billaud ou Collot; c'est Barrère, le même qui, entraîné par le torrent, a dit : « Il faut saigner le haut commerce (p. 16)... Il faut battre monnaie sur la place de la Révolution... Il n'y a que les morts qui ne reviennent pas (discours du 16 messidor.) » C'est-à-dire que les adversaires de Robespierre veulent la Terreur plus que lui; et cependant c'est lui qu'ils accuseront audacieusement d'être le seul auteur de la Terreur !

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L'opinion demande-t-elle la fin de la Terreur ?

L'opinion est disposée, dit M. Thiers, et le moment est arrivé où un mouvement au nom de l'humanité contre la violence révolutionnaire est possible. La République étant victorieuse et ses ennemis terrifiés, on va passer de la crainte et de la fureur à la confiance et à la pitié. C'est la première fois, depuis la révolution, qu'un tel événement devient possible. Quand les Girondins, quand les Dantonistes périrent, il n'était pas temps encore d'invoquer L'HUMANITÉ; le Gouvernement révolutionnaire n'avait encore perdu alors ni son utilité ni son crédit. >>

D'abord, il n'est pas certain que le Peuple ne veuille pas, comme les Billaud, etc., les Vadier, même les Carnot, etc., la continuation de la Terreur contre les Aristocrates; et nous

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