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tique d'une volonté déjà manifestée par la Nation (non)... Le titre qui vous est décerné n'est qu'un tribut que la Nation paie à sa propre dignité et au besoin qu'elle sent de vous donner chaque jour des témoignages d'un RESPECT et d'un attachement que chaque jour voit augmenter. »

Ainsi, ce n'est pas Napoléon qui a du respect pour la Nation, c'est la Nation qui a du respect pour Napoléon!... Et tout cela pour la dignité de la Nation!

« Comment le Peuple français, conservant le souvenir des maux qu'il a soufferts lorsqu'il fut livré à lui-même, pourrait-il penser sans enthousiasme au bonheur qu'il éprouve depuis que la Providence lui a inspiré de SE JETER dans vos bras? >

Peut-on mentir et blasphemer ainsi !

« Le Sénat a pensé qu'il devait SUPPLIER Votre Majesté Impériale D'AGRÉER que les dispositions organiques reçoivent immédiatement leur exécution (sans être soumises à l'acceptation du Peuple); ef pour la gloire comme pour le bonheur de LA RÉPUBLIQUE, il proclame à l'instant même Napoléon Empereur des Français... »

Non, le Sénat de Rome n'a jamais été plus abjectement servile! Oui, ce Sénat anti-français dirait :

Et vous leur fites, Seigneur,

En les croquant beaucoup d'honneur. »>

Napoléon daigne répondre :

Tout ce qui peut contribuer au bien de la Patrie est essentiellement lié à mon bonheur. J'accepte le titre que vous croyez utile à la gloire de la Nation. Je soumets à la sanction du Peuple la loi de l'hérédité (pas le reste). J'espère que la France ne se repentira jamais des honneurs dont elle environnera ma famille. »

Puis, le Sénat va présenter à la petite Joséphine (comme disait Napoléon, p. 488), travestie en Majesté Impériale, l'hommage de son respect et l'expression de la gratitude des Français, et pourquoi ? parce qu'elle est bonne et qu'elle oblige des malheureux (surtout des Emigrés et des Nobles), comme si Marie-Antoinette, la Duchesse d'Angoulême, même la Dubarry, n'étaient pas bonnes pour tous les courtisans qu'elles enrichissaient! comme si Joséphine ne donnait pas

l'argent du Peuple et des pauvres! comme si ce n'était pas un bourreau d'argent pour sa toilette, pour sa vanité, pour ses plaisirs!

Puis, le Sénatus-Consulte est immédiatement promulgué, en grande pompe; et Napoléon agit en Empereur, sans soumettre son nouveau titre et la nouvelle Constitution à l'acceptation du Peuple. Ce n'est qu'ensuite qu'il sera consulté, et seu. lement sur la question de l'hérédité en faveur de Joseph et de Louis; et ce n'est que le 12 brumaire an 13 (3 novembre 1804), que les 60,870 registres seront dépouillés par une Commission du Sénat, qui déclarera avoir trouvé seulement 2,569 non et 3,521,675 oui, en y comprenant 400,000 votes de l'armée de terre et 50,000 de l'armée navale. Mais, nous l'avons déjà dit et nous le répétons avec Carnot, cette acceptation est dérisoire et radicalement nulle; on aurait obtenu le même résultat pour Louis ou pour Joseph seul, ou pour Lucien et Jérôme; il n'est pas un Empereur romain qui n'aurait obtenu tous les votes de toute la populace romaine, etc.; Louis XVIII, Charles X, Louis-Philippe, en obtiendront tout autant s'ils veulent, comme ils auront autant d'hommages de respect, d'admiration, de reconnaissance et d'amour, comme le Sénat royal saluera le Duc d'Angoulême du titre de Héros.

Et voilà le dénouement du 18 brumaire, l'enfantement d'un Pacha ou d'un Sultan, après les discussions de l'Assemblée Constituante, de la Législative, de la Convention; après les Constitutions de 91, de 93, de l'an 3; après que la France a fait tant de sacrifices depuis 13 ans; après qu'elle a sacrifié un million de ses enfants pour acquérir la liberté! La voilà enchaînée, muselée, rendue sujette, esclave, muette, par le trompeur qui lui disait que ses sacrifices ne devaient pas être perdus (p. 433 et 507), par le menteur qui lui prodiguait les promesses de République, de liberté, d'égalité, de gouvernement représentatif, de droits du Peuple, de garanties! Que Louis XVIII, qui a toujours déclaré la guerre au pays, lui impose de vive force une Charte octroyée,

T. IV.

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s'il est ramené par la Coalition victorieuse, on le conçoit; mais qu'un soldat, nourri et élevé par la France, et qui s'est toujours présenté comme le plus fidèle serviteur de la liberté, veuille ainsi la fouler à ses pieds, c'est un excès d'ingratitude et de perfidie que la Postérité aura peine à croire. Et d'ailleurs, la Charte royale de 1814 et celle de 1830 seront la liberté même comparées aux Constitutions du Consulat et de l'Empire, comme la Diplomatie pourrait paraître la franchise et la sincérité comparée à toutes les ruses que nous avons vues employées pour tromper la Nation; car, dans le maître et dans les valets, nous ne voyons presque aucune parole et aucun acte qui ne soit une déception; l'esclavage est appelé gloire et dignité!

Nous ne nous arrêterons pas à examiner si, comme le disent Napoléon et ses séïdes dans leur intérêt commun, la République ne. convient pas à la France, et si elle était impossible à conserver; car il est trop manifeste (et même avoué par Portalis) (p. 511) que la France voulait la Démocratie, et que la République aurait fait son bonheur et sa gloire si Bonaparte avait fait autant d'efforts pour la défendre qu'il en a fait pour l'attaquer; ce n'est qu'en feignant de l'embrasser et de l'aimer qu'il a pu l'assassiner; même après sa mort, il veut faire croire qu'elle vit encore en mettant sur les monnaies, d'un côté, République française, de l'autre, Napoléon Empereur, et l'on ne peut douter qu'il aurait pu républicaniser ou du moins démocratiser l'Allemagne, la Hongrie, la Prusse, la Pologne et même l'Angleterre, comme la Révolution a républicanisé la Belgique, la Hollande, la

Suisse et l'Italie.

Quant au titre de Sauveur qui motive le don de l'Empire pour récompense, l'histoire est là qui proteste contre la flatterie. Ce sont Masséna, à Zurich, Jourdan, à Fleurus, Kellermann et Dumouriez, à Valmy, qui ont sauvé la France par des victoires décisives dans des dangers décisifs; et ce titre de Sauveur n'est même rien pour Dumouriez, qui l'a détruit par une trahison postérieure. Jusqu'à présent, Bo

naparte n'a jamais trouvé la France sur le bord de l'abime et ne l'a jamais sauvée : la campagne d'Italie, tout brillante qu'elle est, était une campagne de conquête et non de salut, utile et non nécessaire; et d'ailleurs, il n'aurait rien fait en Italie sans des Généraux comme Masséna, Augereau, Lannes, etc., ni si Jourdan, Hoche, Moreau, n'avaient pas vaincu l'Allemagne et frappé aux portes de Vienne. La bataille de Marengo, tout utile qu'elle a pu être, n'était pas une bataille de salut, parce que Mélas seul, avec une armée de moins de 60,000 Autrichiens, ne pouvait pas mettre la France en péril; et d'ailleurs encore, Bonaparte l'aurait probablement perdue sans Desaix, tandis que Moreau, amené par de nombreuses victoires jusques sous les murs de Vienne, aurait, tout seul, forcé l'Autriche à la paix. Est-il quelqu'un qui puisse affirmer que, si Bonaparte était resté en Egypte, ou s'il avait péri sur un champ de bataille, la France aurait été inévitablement perdue, sans pouvoir être sauvée ni par Masséna, ni par Jourdan, ni par Brune, ni par Ney, ni par Bernadotte, ni par Moncey, ni par Championnet, ni par Moreau, ni par tous ces Généraux qui ont gagné tant de batailles avant lui et sans lui? Il serait plus exact de dire qu'il a rendu de grands services comme une foule d'autres, mais qu'il a souvent compromis la France par son ambition, qu'il a perdu Saint-Domingue et 100,000 soldats d'élite, et que, s'il a sauvé quelque chose, c'est l'Autriche et Vienne, en empêchant trois fois Hoche, Augereeu et Moreau, d'y porter la révolution.

Qu'on ne dise pas non plus qu'il a été choisi par la Nation; car il est trop évident qu'il s'est imposé, ou plutôt qu'il a escamoté le pouvoir: si quelques conspirateurs le lui ont abandonné ou vendu, ces conspirateurs n'étaient pas la France, et la France n'a certainement rien choisi: elle n'a pas même ratifié formellement; car les trois acceptations sont trop dérisoires pour qu'on puisse raisonnablement les invoquer. Louis-Philippe aura certainement plus de droit de se dire choisi, puisqu'il sera nommé par deux Chambres, tandis

que Bonaparte a été formellement repoussé et condamné par l'immense majorité de l'Assemblée la plus populaire.

L'Empire ne sera donc qu'un gouvernement de fait, un gouvernement imposé, toléré, subi, la France étant maîtrisée par l'armée à-peu-près comme l'Égypte par les Mamelucks. Les fonctionnaires et l'armée le soutiendront, parce que l'Empereur leur sacrifiera tout; partie des Émigrés, des anciens Nobles et du Clergé, se rallieront à lui, parce qu'il leur offi ira les avantages qu'ils trouvaient dans l'ancienne Monarchie; le Peuple applaudira l'homme, parce qu'il sera ébloui par sa gloire, parce qu'il sera longtemps trompé par la presse ministérielle qui parle toute seule depuis le 18 brumaire : mais la Bourgeoisie ou la masse indépendante et éclairée de la Nation souffrira impatiemment l'esclavage; l'Armée et le Peuple, mécontents dès la promulgation de l'Empire, blâmeront le Despotisme tout en aimant la personne du Despote; ses complices finiront par détester le joug de la servitude; et la Nation, même sa propre famille, finiront par l'abandonner et le laisser tomber, tandis qu'une partie des Émigrés, des Nobles et des Prêtres, ne cesseront jamais de lui faire sourdement la guerre et traceront de lui ce portrait :

Je subsistai vingt ans et d'emprunt et d'aumône;
Vil suppôt de Barras, j'épousai sa catin;
J'étranglai Pichegru, j'assassinai d'Enghien.
Pour prix de mes forfaits, le Sénat me couronne.

Quant à sa famille, à ses frères, pourquoi a-t-il exclu, et par conséquent condamné, pour ainsi dire, et flétri Lucien et Jérôme ? On dira qu'il a exclu Lucien de l'hérédité parce que celui-ci était trop Républicain et blâmait l'Empire; et cette opinion redonnera de la popularité à Lucien avec la réputation de républicanisme : mais la chose est impossible, puisque nous avons vu Lucien se faire peindre en Empereur romain et se rendre le premier complice de son frère pour le 18 brumaire et pour l'Empire contre la République et la Démocratie. D'abord Ministre de l'intérieur, puis Ambassadeur en Espagne, où il s'enrichit et où il fait scandale en en

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