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Conspiration de Georges, Pichegru, Moreau.

Pendant que se prépare, des deux côtés de la Manche, une horrible guerre qui peut couvrir l'Océan de cadavres et de débris, les Bourbons qui désespèrent avec Bonaparte, et l'Aristocratie anglaise qui redoute une descente, conspirent de nouveau pour le faire assassiner. Ce n'est pas le Peuple, ce sont des Princes, des Rois futurs, des Grands Seigneurs de Londres, qui font publier que «TUER n'est pas ASSAS« SINER », et que «< il est nécessaire de sacrifier un pour le «< salut de tous. » Ne doutant pas de l'assassinat du Premier Consul, le Cabinet anglais ordonne aux Émigrés à sa solde de se rendre sur le Rhin pour y attendre l'événement. Le Duc d'Enghien s'y rend en effet, tandis que le Duc de Berry se rendra en Vendée et que le Comte d'Artois se tiendra prêt à se rendre à Paris.

Ce sont Georges Cadoudal et Pichegru qui doivent faire exécuter l'assassinat, le même Pichegru, déjà coupable d'une horrible trahison, et qui, ainsi que Dumouriez, conseille l'Angleterre contre sa Patrie. Et, croyant la coopération de Moreau nécessaire pour assurer ensuite la révolution, ils commencent par lui envoyer l'Abbé David et le Général Lajolais, pour négocier son alliance avec Pichegru. Le négociateur revient assurer qu'il consent ou paraît consentir.Alors Georges, porté sur un bâtiment de la Marine royale, débarque à Béville, près Dieppe, le 3 fructidor an 11, avec huit Émigrés, et arrive clandestinement à Paris, par des chemins détournés, en couchant chez des royalistes. D'autres arrivent de même.-Pichegru arrive ensuite, le 25 nivôse an 12 (janvier 1804), avec les frères Polignac, Rivière, Lajolais, etc., et loge d'abord avec Georges, à Chaillot. Georges veut avoir en outre 2 ou 300 Chouans; mais il ne peut réunir en tout que 40 hommes d'exécution.- Quant à Moreau, qui reçoit les visites de Pichegru et de Georges, il veut bien aider à la restauration, mais à deux conditions, que la révolution sera faite par le Sénat, etc. (comme il la fera en

T. IV.

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1814), et que les Bourbons accepteront une Constitution. On soupçonne même qu'il voudrait être Dictateur et remplacer Bonaparte.-Trompés dans leur espérance, Georges et Pichegru n'en persistent pas moins dans leur projet, rendu bien plus difficile

Cependant Bonaparte, qui paie très-chèrement à Londres des Émigrés, de grands Seigneurs et de grandes dames, pour lui faire connaître les complots du Cabinet des Émigrés, est instruit du départ de beaucoup de brigrands qui doivent l'attaquer; et sa police est partout à leur recherche: mais il ignore entièrement l'arrivée de Pichegru, et les journaux anglais le trompent en parlant tous les jours de lui comme s'il était à Londres.

Mais le bonheur de Bonaparte veut que, trois hommes ayant été condamnés à mort comme espions anglais, l'un d'eux, Querelle, fait des révélations pour avoir sa grâce, et apprend qu'il est venu, avec Georges et d'autres, pour tuer Bonaparte. Sur ses indications, on arrête une grande partie des agents subalternes, dont deux se pendent en prison. L'un de ceux-ci, Bouvet de Lozier, ayant été sauvé, fait à son tour des révélations, et dénonce Pichegru et Moreau. On acquiert, d'un autre côté, la certitude que Pichegru est à Paris; et, sans hésiter, Bonaparte fait arrêter Moreau et Lajolais; puis, il annonce publiquement une conspiration tramée contre sa vie par le Gouvernement anglais, Moreau, etc.

Beaucoup ne veulent pas croire Moreau coupable et crient à la jalousie et à la persécution. Mais le Sénat, etc., tous les fonctionnaires, toutes les armées, multiplient les manifestations de dévouement; on entend partout des cris contre le Cabinet anglais, partout des prières pour le salut du Premier Consul.

Et Bonaparte abuse de cet enthousiasme en sa faveur pour faire suspendre le jury dans tous les départements pendant deux ans, lorsqu'il s'agira de complot ou d'attentat.

Pichegru, forcé de changer souvent de logement, réduit

à

payer quelquefois jusqu'à 15,000 francs pour une nuit, trahi dit-on et vendu par un ancien ami, qui reçoit 300,000 francs de la police, est arrêté dans son lit, à trois heures du matin, le 8 ventose, rue Chabannais, sans pouvoir faire usage de ses pistolets et de son poignard placés à côté de lui.

Puis, la peine de mort est prononcée contre ceux qui recéleront Georges; son signalement est publié partout. Enfin, le 18 ventose, vers sept heures du soir, vendu par quelqu'un, Georges est trouvé, par la police, vis-à-vis le Panthéon, au moment où il monte avec Léridan dans un cabriolet qui les emmène rapidement en descendant la rue Saint-Jacques; et ce n'est qu'avec peine que quatre agents peuvent atteindre la voiture rue des Fossés-Monsieur-le-Prince, où deux d'entre eux arrêtent le cheval. A l'instant, Georges les tue tous deux de deux coups de pistolet, saute et s'enfuit, ainsi que Leridan mais on crie, on l'arrête, sans qu'il puisse se servir de son poignard. Presque tous ses agents sont arrêtés.

:

Voilà donc Moreau, Pichegru, Georges, entre les mains de Bonaparte! - Pichegru ne veut rien répondre; mais Georges avoue qu'il est venu pour tuer le Premier Consul, d'accord avec les Bourbons et le Cabinet Anglais, sans vouloir compromettre aucune autre personne.— Le Général Lajolais a parlé, et a compromis Moreau.—Quant à Moreau, il a d'abord tout nié, en mentant évidemment, car il avouera qu'il a vu Pichegru; puis, il écrit à Bonaparte une lettre dans laquelle, sans rien avouer et même en niant toujours, il demande grâce en quelque sorte, au lieu d'invoquer une éclatante discussion et seulement de la justice. Quelle faiblesse déshonorante dans un pareil homme! Quelle supériorité dans Bonaparte! Quel bonheur pour celui-ci! car si Moreau, qui n'a pas approuvé l'attentat et qui ne mérite d'autre reproche que de n'avoir rien révélé, voulait avouer noblement la vérité, proclamer son opposition et attaquer le despotisme qui en est la cause, qui peut dire pour qui se prononceraient le Peuple, l'Armée, et même les grands Corps de l'Etat ? Aussi, Bonaparte s'écrie-t-il à ce sujet ; « J'ai une étoile! » - Nous

verrons plus tard le procès, interrompu par une grande exécution, celle d'un Bourbon.

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Certain que les Bourbons veulent le faire assassiner, Bonaparte n'hésite pas à frapper l'un d'eux : mais lequel? Louis XVIII et le duc d'Angoulême sont à Varsovie; le comte d'Artois, le duc de Berry, le duc d'Orléans, le duc de Bourbon, le prince de Condé, sont à Londres; le duc d'Enghien, fils de Condé, est seul près des frontières, à 4 lieues de Strasbourg, à Ettenhiem dans le grand duché de Bade. C'est lui qui sera immolé.

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Ah, l'on m'attaque au corps, dit Bonaparte! Eh bien, je rendrai guerre pour guerre !... La tète du coupable m'en fera justice!

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Mais pourquoi donc alors blâme-t-il la Révolution d'avoir rendu guerre pour guerre aux Bourbons, à l'Emigration, à l'Aristocratie.

« J'ose penser, lui dit Cambacérès, que la rigueur n'ira pas jusqu'à ce point... Que dites-vous? répond vivement Bonaparte. Sachez que je ne veux point ménager ceux qui m'envoient des assassins!... Mais vous (régicide), vous êtes devenu bien avare du sang des Bourbons! »

L'apostrophe est juste mais, puisqu'il invoque aujourd'hui l'exemple de la Convention, pourquoi donc appelle-t-il les votants des assassins, des parricides? Pourquoi ne parle-t-il qu'avec horreur du 21 janvier? Ce qu'il appelle crime dans les autres est-il donc vertu en lui? Et la Convention vengeait et défendait la France, tandis qu'il venge et défend sa personne avant tout! La Convention a jugé solennellement pendant 3 mois, et il va faire tuer clandestinement, en une heure! Mais ce sera un assassinat qui fera crier l'Europe... Mais il faudra violer un territoire étranger et le droit des gens; on s'exposera à irriter tous les Souverains, à leur fournir un prétexte de guerre et de coalition nouvelle... N'importe !

Bonaparte veut; et tout ce qui l'entoure approuve, Talleyrand, tous les autres.

Les généraux Ordenner et Caulaincourt partent avec des gendarmes; le duc est arrêté dans son lit, dans la nuit du 24 au 25 ventôse (15 au 16 mars 1804), amené à Vincennes le 29 à 5 heures du soir, jugé par une Commission militaire, et fusillé, c'est-à-dire assassiné, dans le fossé, à 4 heures du matin... Et le lendemain, la France apprend en même temps l'enlèvement et l'exécution.

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Sans doute les Bourbons n'ont guère le droit de se plaindre mais la liberté, mais la France, qui va peut-être se trouver par-là exposée à une nouvelle coalition?... Pitt dit alors « que Bonaparte vient de se faire plus de mal que ne <«< lui en ont fait les Anglais. » Et Alexandre, qui remplace son père Paul Ier (assassiné, avec son consentement tacite, dit-on, et par des assassins vendus à l'Angleterre), prendra le deuil du duc d'Enghien, se plaindra de la criminelle violation du droit des gens, et s'en servira pour motiver la guerre.

Cependant, aucun des Nobles qui encombrent déjà la Cour de Bonaparte ne la quitte; d'autres ne s'empressent pas moins d'y accourir ; et le Peuple, qui ne voit que le point culminant dans tous les événements, ne donne pas un regret au Bourbon, qu'il ne connaît pas et qu'il considère comme le complice des Anglais, de la Coalition, de l'Emigration et des assassins.

Il y a plus ce Peuple, toujours plus ébloui, ne s'en attache que davantage à Bonaparte, comme celui-ci lui plairait bien plus, ainsi qu'à l'armée, s'il déclarait la guerre aux Emigrés, aux Nobles, aux Prêtres et à toute l'Aristocratie. D'un autre côté, les Régicides et les anciens révolutionnaires, certains désormais que Bonaparte ne pourra jamais transiger avec les Bourbons, sont plus disposés à lui confier l'Empire pour mieux les garantir encore.

Et le Cabinet anglais, qui paie des assassins pour abattre Bonaparte, contribue puissamment à l'élever au trône; car

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