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courage de dire la vérité. Je suis loin de faire l'apologie de la Faction exécrable contre laquelle j'ai combattu pendant 3 ans, et dont j'ai failli plusieurs fois être la victime; ma haine contre les traitres égale mon amour pour la Patrie; et qui osera douter de cet amour ?.. » Je répète que, parmi les hommes mis en état d'arrestation, il s'en trouve beaucoup de bonne foi, qui ont été égarés par la Faction la plus hypocrite dont l'histoire ait jamais fourni l'exemple... S'il se trouve encore de nouveaux coupables, on verra alors si je ne serai pas le premier à appeler sur leurs tètes toute la vengeance des lois ! »

Et, par son courage, il sauve les 73, qui plus tard sont envoyés et détenus à Brest.... C'est ainsi qu'il sait, à l'inflexible énergie contre le crime inexcusable et dangereux, unir la modération, la prudence et l'humanité.

Mais, dans la situation actuelle des choses, le mal est si grave qu'il faut un remède énergique, et la guerre est tellement déclarée qu'il est nécessaire que l'un des partis se retire ou soit vainqueur de l'autre.

Assurément Robespierre n'est pas un être parfait; mais qui d'entre tous ses adversaires est moins imparfait que lui? Qui a plus de capacité, d'antécédents, de qualités, de vertus, de modération, de philosophie, d'humanité mème, de principes d'ordre et de dévouement patriotique? Qui a plus de renommée, de popularité, d'influence en France et en Europe? C'est donc lui qui, dans l'intérêt du Peuple, doit chercher à triompher de ses adversaires. Ne pas apprécier les autres serait de sa part inhabileté; ne pas s'apprécier lui-même serait, non de la modestie, mais de la faiblesse et de l'aveuglement. D'ailleurs, s'il croyait les autres plus capables, il devrait leur céder la place: mais il est bien convaincu que personne n'est plus désintéressé, plus dévoué au Peuple, plus puissant par sa popularité, plus désireux et plus capable de sauver le pays; il connaît son devoir; il est prêt à sacrifier sa vie pour l'accomplir; et par conséquent il est résolu à combattre pour écarter ses adversaires et ses ennemis.

Mais que doit-il faire pour réussir? - D'abord il devrait rester à son poste et chercher à se faire, dans les Comités et dans la Montagne, comme au dehors, le plus grand nombre

possible d'alliances, de partisans et d'amis, en leur ouvrant son âme dans l'intimité, sans tarder à faire revenir SaintJust. Ensuite, comme les Comités doivent être renouvelés tous les mois, il devrait faire connaître les divisions qui les paralysent, et demander la suppression du Comité de Sûreté générale ou le remplacement de ses adversaires dans ce Comité et dans celui de Salut public... Pour mieux réussir, il devrait, comme on l'a fait contre les Girondins longtemps avant le 31 mai, exposer et soumettre la question au Peuple, la faire discuter dans toutes les Sociétés populaires et dans toutes les Sections, éclairer parfaitement l'opinion publique sur ses rivaux et sur lui, et solliciter des pétitions et des adresses... Il devrait ne demander que 3 ou 4 des Députés les plus coupables parmi les prévaricateurs, et rassurer complétement tous les autres, sans leur laisser aucune espèce d'inquiétude pour leur conduite passée... Et si une insurrection était nécessaire, appuyé sur les Jacobins et sur la Commune, qui lui sont dévoués, il devrait renouveler un 31 mai, en annonçant plus de sûreté pour les patriotes et la cessation de la Terreur aussitôt qu'elle ne serait plus indispensable... Il obtiendrait certainement tout ce qu'il voudrait, ferait ensuite cesser les exécutions, proposerait même une amnistie et l'abolition de la peine de mort, et pourrait achever le développement de son système de moralité, de probité, de justice, de vertu, d'Egalité et de bonheur général.... Malheureusement nous ne le verrons pas déployer assez de prudenceet d'adresse, ni assez d'énergie, de résolution et d'activité.

S 7. - Retraite de Robespierre.

De ce moment, vers le milieu de juin, il cesse de paraître au Comité, abandonne la direction des affaires à ses ennemis ; se contente de faire surveiller leurs démarches par son Bureau de police et par Couthon, et se borne à s'attacher davantage les Jacobins.

« Cette retraite, dit M. Thiers, prouve de quelle nature est son

ambition. Un ambitieux n'a jamais d'humeur; il s'irrite par les obstacles, s'empare du pouvoir, et en écrase ceux qui l'out outragé. Un Rhéteur faible et vaniteux se dépite, et cède quand il ne trouve plus ni flalleries ni respects. »

Oui, Robespierre n'est pas ce qu'on peut appeler un ambitieux ; il n'a pas la fièvre du pouvoir, la passion d'être le sauveur de sa Patrie; et c'est un malheur pour la France et pour l'humanité; car elles ne peuvent être sauvées que par un Dictateur, et personne n'est plus digne et plus capable de la Dictature : oui il a tort (nous le croyons du moins) d'abandonner le Comité; mais dire qu'il cède n'est pas exact, et dire qu'il n'est qu'un RHÉTEUR faible et vaniteux, dépité de ne plus trouver de flatteries ni de respects, c'est une injure et une calomnie contre Robespierre; c'est une calomnie contre le Comité, la Convention et la France entière, qui subissent son influence. Nous dirions presque c'est une absurdité.

M. Thiers lui-même reconnaît qu'il ne cède pas la victoire; car il ajoute un peu plus bas :

« Robespierre espère dépopulariser les Comités par sa retraite et par ses discours aux Jacobins; et il se propose ensuite de saisir un moment favorable pour les attaquer ouvertement à la Convention. »

Il ne cède donc pas ! Les reproches et les injures de toutà-l'heure étaient donc sans fondement et sans justice! Seulement, il ne prend peut-être pas le meilleur moyen d'attaquer et de vaincre. On ne peut lui reprocher que des fautes dans sa manière d'attaquer le crime.

$8.

Dévouement constant des Jacobins pour Robespierre.

«< Au milieu de ces luttes, dit M. Thiers, les Jacobins sont toujours dévoués à Robespierre... Celui-ci, qui vient de défendre la loi du 10 juin (22 prairial), est toujours pour eux le premier et le plus grand citoyen de la République; et tous ceux qui se sont opposés à la loi ne sont que des intrigants qu'il faut achever de détruire... Ils ne manquent pas d'exclure Tallien, qui ne s'est pas justifié des accusations de Robespierre... Et, dès ce jour, Billaud et Collot s'abstiennent de paraître au milieu d'eux; car que pourraient-ils dire? Ils ne pourraient exposer leurs griefs tout personnels, et faire le public juge entre leur orgueil et celui de Robespierre.

T. IV.

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C'est-à-dire qu'ils auraient certainement tort au jugement des Jacobins et du Peuple : les adversaires de Robespierre, sentant bien que la discussion publique les confoudrait, évitent donc toute discussion. Ils vont intriguer, manoeuvrer, calomnier, conspirer. Robespierre et Couthon, au contraire, expliquent publiquement aux Jacobins leurs intentions et leurs projets. Cela seul ne suffit-il pas pour les juger?

« Les ombres de Danton et d'Hébert, dit Couthon, se promènent encore parmi nous; elles cherchent à perpétuer le trouble et la division; ce qui s'est passé dans la séance du 12 juin (24 prairial) en est un exemple frappant : on veut diviser le Gouvernement, discréditer ses membres en les peignant comme des Sylla et des Néron; on délibère en secret, on se réunit, on forme de prétendues listes de proscription, on effraie les citoyens pour en faire des ennemis de l'Autorité publique. On répandait, il y a peu de jours, le bruit que les Comités devaient faire arrêter 18 membres de la Convention, et déjà même on les nommait. Défiez-vous de ces insinuations perfides! Ceux qui répandaient ces bruits sont des complices d'Hébert et de Danton; ils craignent la punition de leur conduite criminelle; ils cherchent à s'accoler des gens purs dans l'espoir que, cachés derrière eux, ils pourront aisément échapper à l'œil de la Justice. Mais, rassurez-vous ! le nombre des coupables est heureusement très-petit; il n'est que de 4, de 6 peut-être, et ils seront frappés; car le temps est venu de délivrer la République des derniers ennemis qui conspirent contre elle. Reposez-vous de son salut sur l'énergie et la justice des Comités. »

Et les Jacobins applaudissent.

C'est adroit sans doute de cacher ici les divisions du Comité, de ne menacer que des Députés étrangers aux Comités, et d'en réduire le nombre à 4 ou 6; mais il vaudrait mieux commencer par renouveler des Comités qui conspirent et qui trahissent pour soutenir ces Députés; il faudrait aussi nommer les 4 ou 6, afin de les isoler en rassurant tous les autres : faute de les nommer, un grand nombre (60 peut-être) qui se croient compris dans les 4 ou 6 continuent à ne pas coucher chez eux, deviennent autant d'ennemis, conspirent, intéressent à leur sort leurs femmes, leurs maîtresses et leurs amis, et remuent ciel et terre pour renverser Robespierre. C'est naturel et facile à prévoir.

La situation devient alors volcanique; car, pendant ce temps, les exécutions du Tribunal révolutionnaire se multiplient plus que jamais, par ordre du Comité de Sûreté générale; et tous les Suspects détenus et leurs familles, croyant que c'est par l'ordre de Robespierre, sont disposés à faire cause commune avec les nouveaux conspirateurs, qu'ils croient leurs sincères amis tandis qu'ils sont leurs bourreaux.

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Le projet, dit M. Thiers, est de se délivrer de la plus grande partie des Suspects, parce qu'on s'est accoutumé à les considérer comme des ennemis irréconciliables qu'il faut détruire pour le salut de la République... Les immoler semble désormais une chose toute naturelle. La facilité à faire mourir et à mourir soi-même est devenue extraordinaire... Les premiers meurtres commis en 93 provenaient d'une irritation réelle et motivée par le danger : mais aujourd'hui les périls ont cessé (cela n'est pas vrai), la République est victorieuse (pas encore définitivement), on n'égorge plus par indignation (toujours), mais par l'habitude funeste qu'on a contractée du meurtre. Cette machine formidable, qu'on a été obligé de construire et d'opposer à des ennemis de toute espèce, commence à n'être plus nécessaire: mais une fois mise en action on ne sait plus l'arrêter... Les choses humaines ne vont pas autrement : pourquoi d'affreuses circonstances ont-elles obligé de créer un Gouvernement de mort qui ne vaincrait que par la mort!... Ce qui est plus effrayant encore c'est que, lorsque l'idée est établie qu'en immolant on sauvera l'Etat, tout se dispose pour ce but affreux avec une singulière facilité : chacun agit sans remords, sans répugnance; on s'habitue à immoler comme le Juge à envoyer des coupables au supplice, comme le médecin à voir des ètres souffrants, comme le Général à ordonner le sacrifice de 20,000 soldats. »

Sans doute tous ces malheurs divers sont lamentables et déplorables: mais c'est l'histoire de l'Humanité et des révolutions dans tous les temps, dans tous les pays, avec tous les partis; la Société, la justice, la médecine, la guerre civile et la guerre étrangère, ont leurs terribles et horribles nécessités; et l'Histoire ou la Philosophie, au lieu de se borner à gémir et à pleurer ou à condamner, doit en tirer une utile leçon et crier aux Gouvernements :

N'opprimez pas les Peuples! Ne faites rien qui puisse amener

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