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France que j'avais laissée si brillante? J'avais laissé la paix, et j'ai retrouvé la guerre... J'avais laissé des victoires, et j'ai trouvé des revers... J'avais laissé les millions de l'Italie, et j'ai trouvé des lois spoliatrices et la misère. »

Comme s'il était déjà Roi quand il est parti! Comme si ce n'était pas lui qui a amené la guerre, les désastres, la perte des millions de l'Italie! Comme s'il n'avait pas subi lui-même des revers à St-Jean-d'Acre et dans la rade d'Aboukir! Comme si quelqu'un devait éprouver d'aussi grands revers que lui, à St-Domingue, en Espagne, à Moscou, à Waterloo ! Comme si Masséna n'avait pas tout sauvé avant son arrivée !

« Que sont devenus 100,000 Français que je connaissais, tous mes compagnons de gloire ?... Ils sont morts! >>

Comme si on ne pouvait pas lui répondre : « Que sont devenues la paix et l'alliance avec la Porte? Qu'avez-vous fait des 40,000 soldats, des 10,000 matelots, des magnifiques canons, des bâtiments et des millions, qui vous ont été confiés ? Qu'avez-vous fait de la capitulation de Jaffa, de vos blessés, de vos pestiférés, de vos compagnons?

« Cet état de choses ne peut durer; avant trois mois, il uous mènerait au Despotisme. Mais nous voulons la République, la République assise sur les bases de l'égalité, de la morale, de la liberté civile et de la tolérance politique. Il est temps enfin que l'on rende aux défenseurs de la Patrie la confiance à laquelle ils ont taut de droits! NouS NE VOULONS PAS de gens plus patriotes que les braves qui sont mutilés au service de la République !

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Nous verrons si c'est la République, l'égalité, la morale, qu'il veut établir, et si c'est le Despotisme qu'il veut éloigner! Du reste, le complot est conduit avec une grande habileté on travaille l'esprit public; on accapare les écrivains; on tapisse les murs de Paris, non-seulement de proclamations, mais d'écrits de tous genres, qui invitent le Peuple à s'attacher :

« A la fortune du héros dont le nom, la gloire, le génie, l'existence, peuvent seuls assurer l'existence de la République. »

On remarque un dialogue entre un membre des Anciens et un membre des 500. Celui-ci craint un César, un Crom

well; celui-là répond en citant Bonaparte lui-même qui, quelques jours auparavant, dans une réunion particulière, a dit :

« Mauvais rôle, rôle usé, indigne d'un homme de sens quand il ue le serait pas d'un homme de bien... Ce serait une pensée sacrilége que celle d'attenter au gouvernement représentatif dans le siècle des lumières et de la liberté. Il n'y aurait qu'un fou qui voulût, de gaieté de cœur, faire perdre la gageure de la République contre la Royauté, après l'avoir soutenue avec quelque gloire et tant de périls. D

Nous verrons si Bonaparte n'est pas ce fou qui choisit le rôle sacrilege, indigne d'un homme de bien, pour faire perdre la gageure de la République contre la Royauté !

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Bonaparte s'établit en permanence aux Tuileries, comme un Roi ou un Général en chef qui dirige tout. Là viennent Sieyes et Roger-Ducos pour donner leur démission et diriger avec lui, les Ministres Cambacérès et Fouché, les deux Commissions des Inspecteurs de la Salle. Il charge Murat d'aller occuper Saint-Cloud; Serrurier d'aller occuper la route au Point-du-Jour; Lannes de garder les Tuileries; Moreau d'aller bloquer les trois Directeurs au Luxembourg. Il ordonne à Jubé, commandant leur Garde, de les trahir, de les abandonner et de venir le rejoindre. - D'accord avec Talleyrand et Réal, Fouché suspend l'Administration départementale et les 12 Municipalités, et fait afficher une proclamation dans laquelle il les invite à l'ordre (à la servitude) en protestant qu'il s'agit de sauver la République. Ainsi, tout est organisé pour la conspiration et l'attaque; tout est désorganisé pour la défense.

C'est alors seulement que Gohier et Moulins s'aperçoivent de la conspiration. Ils courent chez Barras, qui s'emporte en injures contre le trompeur Bonaparte, et qui promet de résister avec eux.--Mais à peine l'ont-ils quitté qu'il envoie son secrétaire Bottot aux Tuileries pour savoir ce qui s'y passe, et que Talleyrand vient de la part de Bonaparte lui demander sa démission, en lui offrant repos et fortune; et, trahissant de nouveau ses deux collègues, il consent à

tout, et part à l'instant pour sa terre de Gros-Bois, escorté par 30 dragons.

Gohier et Moulins ne s'en rendent pas moins aux Tuileries pour essayer de ramener Sieyes, Roger-Ducos et Bonaparte lui-même quelle niaiserie!

C'est là que Bonaparte, apprenant que le faubourg St-Antoine s'agite autour de Santerre (ce qui indique que la Nation n'est pas toute avec lui), dit à Moulins : « Santerre est votre «< parent : avertissez-le que, s'il bouge, je le fais fusiller. » Comme si ce ne serait pas un assassinat ! Comme si l'on n'avait pas plus de droit de le fusiller lui-même!

Puis, il répond aux reproches de Gohier: « La Républi« que est en péril; il faut la sauver; je le veux..... Vous « n'êtes plus que deux; vous ne pouvez rien. » Et il les fait emprisonner séparément par Moreau chacun chez lui, ce qui est un attentat, une violation de toutes les lois et de la Constitution, un assassinat contre la liberté. Les deux Directeurs envoient une adresse aux Conseils pour leur annoncer qu'ils iront à Saint-Cloud pour défendre la Constitution : mais Bonaparte viole encore celle-ci en interceptant l'adresse.

Puis, les conspirateurs tiennent conseil, le soir, aux Tuileries, sur ce qu'on fera le lendemain ; et les meneurs des Anciens, effrayés déjà de la domination militaire, voudraient qu'on se bornât à remplacer Barras, Gohier et Moulins, en nommant Bonaparte, Sieyes, Roger-Ducos et deux autres : mais Bonaparte exige l'annullation de la Constitution de l'an 3 et du DIRECTOIRE, l'ajournement du Corps-Législatif et la nomination de 3 Consuls provisoires, lui, Sieyes et Roger-Ducos, avec la Dictature et le droit de faire une nouvelle Constitution; et les faibles, timides, lâches et criminels Anciens, plus effrayés, subjugués, consentent à tout le décret est rédigé.

Le révolutionnaire Sieyes propose même d'arréter, dans la nuit, 40 des principaux Députés des 500 mais Bonaparte repousse cette précaution comme inutile.

Mais que font donc les Démocrates, quand la conspira

tion, déjà presque évidente depuis le retour de Bonaparte, devient manifeste aujourd'hui ? Comment lutter en respectant la Constitution contre des conspirateurs qui la violent? Comment empêcher le coup d'état militaire, si les Députés se rendent dans la souricière de Saint-Cloud (loin du Peuple et au milieu de l'Armée); si les Généraux démocrates Bernadotte, Jourdan, Augereau, ne se mettent pas à la tête de quelques troupes et les Députés à la tête des patriotes; si personne ne parle et n'écrit pour démasquer les conspirateurs, pour éclairer les soldats et le Peuple? Comment résister à César ou Cromwell autrement qu'en imitant Brutus ? - Mais, tandis que la conspiration a un chef et un chef habile, une armée de Généraux et de grands fonctionnaires, une autre armée de soldats, tous disciplinés, ambitieux, ardents au combat, le Parti Démocrate, qui compte beaucoup d'excellents citoyens, courageux et capables de dévouement, ne possède aucun homme supérieur qui puisse le rallier et le diriger; le vieux Jourdan, aussi dévoué que brave, aussi estimé que respecté, n'est ni assez homme politique ni assez actif; Augereau est trop peu éclairé et trop emporté; Bernadotte, qui pourrait être chef, n'est pas alors assez ambitieux ou assez dévoué ou assez hardi pour en prendre le rôle ; et c'est inutilement que les patriotes courent, s'agitent, s'indignent, s'échauffent et voudraient résister: faute de direction et d'ensemble, le Parti populaire, quoique plus nombreux et plus fort, ne peut faire que des fautes, des témérités et d'impuissantes tentatives; et, il faut le dire, il faut le proclamer, ici comme depuis le 9 thermidor, la cause du Peuple succombe par imprudence et par inhabileté, tandis que la cause de la Bourgeoisie triomphe par l'adresse et la capacité de ses chefs.

Tous les Députés Démocrates sentent le péril pour leurs personnes; tous prennent courageusement la résolution de tout braver pour remplir leur mandat mais point de chef, point de direction, point d'ensemble... Y aura-t-il au moins un Brutus ?

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Bonaparte a fait préparer à Saint-Cloud trois salles, la galerie de Mars pour les Anciens, l'Orangerie pour les Cinq-Cents, et une troisième pour lui, Sieyes et les conspirateurs, entre les deux premières, qui se trouvent ainsi sans communication.

Le 19, on arrive à midi; mais les salles n'étant pas encore prêtes, on se promène dans la cour jusqu'à deux heures ; les Députés des Cinq-Cents manifestent leur résolution de défendre la Constitution; et les Anciens, qui ne s'attendaient pas à cette courageuse résistance, et qui redoutent de plus en plus la domination militaire, commencent à s'épouvanter et à reculer. Plusieurs des conspirateurs voudraient se réunir aux Cinq-Cents, résister avec eux, révéler la conspiration, dénoncer Bonaparte et leurs complices, et courir soulever le Peuple à Paris... Que va-t-il arriver? Bonaparte sera-t-il poignardé, mis hors la loi, fusillé?... La victoire est si douteuse que Sieyes et beaucoup d'autres ont fait préparer des chaises de poste pour prendre la fuite. Mais, auparavant, l'ambitieux et cruel Sieyes propose et fait adopter les violences les plus sanguinaires. Si Jourdan, Augereau, Bernadotte, veulent haranguer les troupes, on les sabrera sans les laisser parler... Si les Cinq-Cents se présentent en masse, on les fusillera...

Enfin, à deux heures, la séance s'ouvre aux Anciens, au bruit de la Marseillaise; les troupes (auxquelles, dès le matin, on a envoyé toutes les brioches trouvées à Paris pour les mieux exciter à boire, qu'on a enivrées, irritées par mille calomnies contre les avocats et les pékins), sont en bataille, et Bonaparte est à cheval avec tous ses Généraux.

Aux Anciens, la Minorité, qui n'a point été convoquée hier, commence par se plaindre de cette escobarderie qui rend nul le décret de translation. Les Inspecteurs ont l'impudence d'affirmer qu'ils ont convoqué tous les membres; et quand on apprend que quatre Directeurs ont donné leur démission, on pousse l'hypocrisie jusqu'à demander aux CinqCents des candidats pour les remplacer.

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