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livrées par la trahison; une vaste conspiration royale, dont le Comité central réside à Paris, embrasse la France entière... Un système machiavélique éteint toute énergie républicaine... Je demande que la Patrie soit déclarée en danger. »

A l'instant éclate la plus furieuse tempête; le Président ne peut, en se couvrant, arrêter le tumulte; les deux partis se menacent de la voix et du geste; les Tribunes crient vive la République! - Et il paraît que, dans le tumulte, on accuse Sieyes de trahison; car Chénier vient le défendre et soutient que des bruits d'un traité avec un Roi, d'une Constitution monarchique, ne peuvent suffire pour «< faire con<<< damner un homme qui, dès l'aurore de la Révolution, a «< servi la cause de la liberté avec tant de lumières et de «<courage. » Mais Lucien, qui conspire en faveur de son frère et qui craint un mouvement révolutionnaire qui ne lui laisserait plus de chances, s'oppose à la déclaration de la Patrie en danger, et demande au contraire qu'on donne au Directoire toute la latitude constitutionnelle.

« Il faut, dit-il, de la vigueur au bras chargé de sauver la Patrie. Lorsqu'un Etat est en proie aux factions, il ne peut se sauver qu'en donnant de la force au Gouvernement existant, ou en le changeant (Oui, créez une Dictature!). J'entends parler de Dictature; mais il n'est aucun de nous qui ne fût prêt à poignarder le premier qui oserait se porter pour Dictateur de la France (Applaudissements)... Au 30 prairial, j'ai été d'avis de changer le Directoire : mais je ne vois dans le Directoire actuel ni ineptie ni trahison, et je crois devoir me réunir à lui. »

Et nous verrons bientôt que Lucien conspire avec Sieyes contre ce Directoire et contre la Constitution dont il se dit hypocritement le défenseur.

Daunou combat aussi la déclaration de la Patrie en danger, dans la crainte qu'elle n'entraîne plus loin qu'on ne voudrait dans les mesures révolutionnaires, et qu'elle ne perde la Constitution de l'an III, qu'il va travailler à détruire.

La discussion redevient brûlante et volcanique : Quirot, Blin, Destrem, Lamarque, proclament la trahison, les dangers intérieurs et extérieurs, la nécessité de l'énergie popu

laire; Frison crie qu'il n'y a que les complices de la trahison qui peuvent s'opposer à la déclaration demandée; et les deux partis se menacent comme deux armées ennemies... Tout-àcoup, au milieu de la discussion, on annonce que le Ministre de la guerre Bernadotte et le commandant de Paris Marbot (remplaçant Joubert), viennent d'être destitués...

« Si cet acte, s'écrie Jourdan, n'était que le prélude d'un coupd'état (100 membres se lèvent en criant: Oui! oui!)... que le Peuple français apprenne que les Représentants sauront mourir (Oui, oui, s'écrient en se levant une foule de Députés)... Ils sauront faire rentrer dans le néant les conspirateurs qui oseraient attenter à la Représentation nationale... Leur devise sera toujours la liberté ou la mort (Oui, oui, s'écrie l'Assemblée).

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« Si l'on voulait attenter à la Représentation nationale, dit Augereau, il faudrait que l'on me coupât le cou avant de mettre la main sur un de mes collègues. »

« Quand je vois, dit Garreau, qu'on parle de mettre à l'Adminis-tration de la Seine un Talleyrand, un Ræderer, un Desmeuniers, je ne puis contenir mon indignation... On veut encore assassiner les Républicains: eh bien, qu'ils se mettent en état de défense!»

« Le premier qui osera porter une main sacrilége sur la Représentation nationale, dit Lucien, passera sur mon corps avant que d'at ́teindre aucun de mes collègues (On applaudit). Une loi rendue avan le 30 prairial met hors la loi quiconque portera atteinte à la liberté et la sûreté de la Représentation nationale. Cette loi sera exécutée. »

Remarquons-le bien, Lucien reconnaît que tout violateur de la Représentation nationale devra être mis hors la loi.

« Je le demande, s'écrie Briot, comment a-t-on pu nommer Talleyrand président de l'Administration centrale de la Seine, cet homme qui est l'auteur de toutes nos calamités, cet émissaire de l'Autriche, cet agent de la contre-révolution? »

Et ce Talleyrand trahit et trahira tout en effet.

« La dernière Coalition, dit Boulay (de la Meurthe), ne s'est formée que par le bruit répandu par le Cabinet anglais que nous voulions républicaniser l'Europe... Soyons sages; restons chez nous ; respectons les Gouvernements étrangers; et la Coalition tombera. »

Quel langage, quand la Coalition menace de noyer la France dans son sang! Car, le fait est manifeste, la Patrie n'a jamais

été plus en danger; le dernier degré de l'énergie populaire, tout l'enthousiasme patriotique, la levée en masse, peuvent seuls assurer son salut; elle est perdue et va périr dans les plus horribles vengeances si, par un miracle sur lequel on ne doit pas compter, Masséna n'arrête pas les Russes à Zurich. En repoussant l'énergie populaire, les peureux, les égoïstes, les anciens Feuillants, compromettent le salut public!

Mais les Démocrates manquent ici d'adresse et d'énergie; et, le 28, après une longue et violente discussion, 245 membres rejettent la déclaration, contre 171 qui la demandent. Ce rejet excite un vif mécontentement dans le Peuple, rassemblé autour de la salle.

Cependant, le Directoire a destitué Bernadotte, connu par son Républicanisme; et pour empêcher les soupçons et la colère que pourrait causer cette destitution, il annonce que le Ministre a donné sa démission pour raison de santé mais Bernadotte lui donne un démenti; et les deux Directeurs républicains, Gohier et Moulins, se plaignent vivement de cette mesure, prise inconstitutionnellement à leur insu.

Bientôt, la découverte de billets clandestinement imprimés par ordre de Lucien, membre de la Commission des Inspecteurs, pour une convocation extraordinaire des Conseils, excite de violents soupçons et une vive explication.-Tout annonce donc un nouveau coup-d'état de la part du Directoire; et comme il ne peut l'opérer qu'avec un Général et l'Armée, comme il ne peut compter ni sur Bernadotte ni sur Lefebvre, commandant de Paris, ni sur Jourdan, ni sur Augereau, on croit qu'il choisit Moreau, qui va quitter l'armée d'Italie pour venir à Paris.

S46.-Masséna sauve la France.

Cependant, graces à l'habileté des Généraux et à la bravoure des soldats, les armées françaises reprennent partout l'avantage avant même que la nouvelle levée ait pu leur donner de nouveaux combattants en Hollande, Brune bat les Anglo-Russes à Berghem et à Calscroom, les force à capi

tuler, et ne leur accorde la faculté de se rembarquer qu'à la condition de rendre 8000 Français et Hollandais faits prisonniers depuis la guerre et détenus en Angleterre.

Mais c'est Masséna qui va décider des destinées de la France; car, s'il est battu, 50,000 Russes et plus de 200,000 Autrichiens vont envahir la France sur toute la frontière, sans qu'il soit possible alors de les empêcher d'entrer à Lyon et à Paris; et l'imagination est épouvantée quand on pense au sang que verseraient le féroce Suwarow, ses féroces soldats Russes, ces Autrichiens si longtemps humiliés et exterminés, ces implacables Emigrés qui reviennent avec les Russes, tous les Chauffeurs et tous les Chouans de l'intérieur! Caroline de Naples enverrait faire, contre les Jacobins français, ce qu'elle a fait faire contre les Républicains de son pays! Et quel pillage en France, après tant de pillage commis en pays étranger par le Directoire, par ses agents et par les états-majors!

Heureusement, l'Angleterre, l'Autriche et l'Allemagne, s'effraient de voir la Russie arriver à Corfou, à Malte, à Gênes, et décident que les Russes se concentreront en Suisse et que le Prince Charles se séparera d'eux pour se concentrer en Allemagne. Heureusement surtout que Masséna (aidé par Foy, Soult, Oudinot, Lecourbe), attaquant successivement Korsakof avec 30,000 Russes près Zurich (auquel il tue 8000 hommes, fait 5000 prisonniers, prend 100 canons, tous les bagages et le trésor), Hotze, avec près de 30,000 Autrichiens (auquel il en tue 5 à 6,000), et Suwarow avec 18,000 Russes (auquel il en tue 8,000), les écrase séparément tous les trois, du 3 au 8 vendémiaire (25 au 30 septembre), les force à ramener leurs débris en Allemagne et en Russie, contraint la Coalition à rétrograder partout et même à se dissoudre ; car Suwarow, furieux contre l'Autriche, ne veut plus servir avec elle.

Les frontières d'Italie restent menacées par Mélas et les Autrichiens mais, démoralisés par les catastrophes de Suisse et de Hollande, ils n'oseront pas tenter l'invasion, que l'en

thousiasme réveillé en France rend chaque jour plus difficile; et l'on peut dire hardiment que Masséna vient de sauver la France et de garantir ponr un temps la sécurité du midi.

Gloire donc, gloire immortelle, reconnaissance éternelle à Masséna et à ses braves, qui viennent de déployer leur courage et leur talent et de vaincre pour défendre le sol de la Patrie! Bonaparte, avec plus de génie, n'a jamais rendu un aussi grand service; et jamais décret ne fut plus national que celui qui déclare, le 18 vendémiaire, que les armées d'Helvétie et de Batavie ont bien mérité de la Patrie.

Aussi, presque tous les Généraux, rendus au repos pour quelque temps, viennent-ils jouir de leur triomphe à Paris.

Mais tout-à-coup, on reçoit des dépêches qui annoncent des victoires en Orient; les journaux se remplissent des bulletins et des proclamations de Bonaparte; les Conseils décrètent en même temps que l'armée d'Egypte a bien mérité de la Patrie; toute l'attention publique, adroitement accaparée par les frères et la femme de Bonaparte, se concentre exclusivement sur lui; et la joie égale la surprise lorsque, le 22, on apprend qu'il a débarqué, le 17 (8 octobre), à Fréjus.

S'il n'est pas rappelé par Sieyes et Lucien, ou par Lucien seulement, il arrive juste au moment où les victoires et l'allégresse publique disposent les esprits à la reconnaissance et à la confiance, où le Directoire a besoin d'un Général populaire pour exécuter son coup-d'Etat, et où tous les partis cherchent des secours pour se défendre ou pour attaquer.

Mais avant d'aller plus loin, retournons pour jeter un rapide coup-d'œil sur l'expédition d'Egypte.

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Nous avons vu les préparatifs et les premiers résultats de l'expédition (p. 374 et 377). Après la bataille des Pyramides et l'entrée au Caire, Desaix conquiert la Haute-Egypte après la sanglante bataille de Sediman, où 2,000 Français écrasent la seule armée qui reste à Murad-Bey, 4,000 Mame

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