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de la guerre le plus effronté des dilapidateurs, et, pour consommer son ouvrage, vous l'avez envoyé en Italie faire assassiner les vainqueurs de l'Europe. Dans l'intérieur, vous avez anéanti l'esprit public, vous avez muselé la liberté, persécuté les Républicains, brisé toutes les plumes, étouffé la vérité. Le Peuple français, en l'an vi, avait nommé aux fonctions publiques des hommes dignes de sa confiance: vous avez osé dire que les élections étaient le fruit d'une conspiration anarchique ; vous avez mutilé la Représentation nationale. En l'an vii, vous avez souffert qu'un de vos Ministres fît imprimer et distribuer avec profusion une adresse odieuse et perfide dans laquelle le Peuple est calomnié, et son ouvrage présenté comme celui d'une faction de terroristes. -Vous nous parlez de réunion : mais qu'avez-vous fait pour gagner la confiance des Républicains ? Quel accord peut-il y avoir entre un Corps-Législatif qui veut la République et un Directoire qui ne l'a pas voulue, ou qui, s'il la voulait, l'a conduite par son ineptie sur les bords de l'abyme? Vous nous parlez de réunion et moi je vous dis que le Corps-Législatif et l'opinion publique vous repoussent ; que vous devez déposer le manteau directorial que vous avez déshonoré. »

Comme on traite maintenant ces Directeurs qui, tout-àl'heure, parlaient en maîtres et en Dieux!

Boulay de la Meurthe demande la nomination d'une Commission de 12 qui proposera des mesures de salut public.

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L'inepte et atroce système du Directoire, dit-il, est l'ouvrage de deux hommes, Merlin et La Réveillère : ce Merlin, homme à petites vues, à petites passions, à petites vengeances, à petits arrêtés, a mis en vigueur le machiavélisme le plus rétréci et le plus dégoûtant; il était digne d'être le Garde-des-sceaux d'un Louis XVI, et fait tout au plus pour diriger l'étude d'un procureur. (Il avoue que La Réveillère a de la moralité.)... Il faut que ces deux hommes sortent du Directoire; il faut les y forcer en frappant un grand coup il n'y a pas d'autre moyen de sauver la République.

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Et à l'instant, les Conseils déclarent hors la loi quiconque attenterait à leur liberté.

C'est en vain que, dans une réunion des Directeurs, des Ministres et de quelques Députés, La Réveillère traite Barras de misérable, soutient qu'il mérite seul les reproches qu'on peut adresser au Directoire, traite Sieyes de conspirateur, et affirme que Barras, Sieyes et la famille Bonaparte conspirent ensemble contre la Constitution et la République : il est forcé,

ainsi que Merlin, de donner sa démission (30 prairial) pour éviter un déchirement; mais il déclare que la République est perdue; et, toujours honnête, il refuse l'indemnité de 100,000 francs que le Directoire a destinée, sur les fonds secrets, à chaque Directeur sortant, et que Rewbell a acceptée. Roger-Ducos, ancien Girondin, dévoué à Sieyes, et le Général Moulins, sont choisis pour les remplacer.

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Après avoir renversé un Roi, brisé le sceptre de tant de Rois, dit Lucien Bonaparte au nom de la Commission des 12, le Peuple français pouvait-il supporter plus longtemps l'insolent despotime de quelques hommes ineptes? De là la négligence des conscrits à se rendre à la voix de la Patrie; de là le mécontement général.

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Et Lucien, fortifié par le nom de Bonaparte, par ses relations avec Sieyes et par les salons de son frère Joseph, exerce déjà tant d'influence que son discours est envoyé à toutes les Communes et à toutes les armées. Nous le verrons cependant bientôt aider à expulser le Corps législatif, à détruire le Gouvernement républicain, à créer un Roi et à fonder le Despotisme.

Voilà donc un nouveau coup d'état, une nouvelle violation de la Constitution, par la Représentation nationale, pour empêcher une pareille violence par le Gouvernement! Et cela en faveur, dit-on, de la Démocratie! Et sous la direction de Sieyes et Lucien, qui bientôt feront un autre coup d'état contre la Démocratie et contre la même Représentation nationale!

Et remarquons que personne ne parle de Barras, quoique tous les reproches adressés au Directoire soient infiniment. plus mérités par lui que par Merlin et La Réveillère! On le ménage, on le conserve, parce qu'il a trahi ses collègues en révélant leurs projets à Sieyes et aux Conseils, et en les abandonnant pour être conservé! C'est lui qu'il faudrait attaquer surtout! C'est un mensonge, une injustice, une scandaleuse déloyauté, de parler de Triumvirs sans flétrir Barras comme le chef du Triumvirat.

Voici donc un nouveau Directoire, composé de Sieyes, Barras et Roger Ducos, qui forment une Majorité contraire

à la Constitution, de Gohier et de Moulins, qui forment une Minorité favorable à la Démocratie, qui sont d'honnêtes gens, mais qui sont tellement incapables, tellement jouets et dupes des trois autres qu'on peut leur reprocher d'avoir accepté un pareil poste.

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Sieyes, qui voulait avoir Talleyrand et Cambacérès en place de Gohier et Moulins, n'en sera pas moins le véritable Directeur et le maître.. - Il choisit pour nouveaux Ministres : Cambacérès, Justice; Rheinard, créature de Talleyrand, Affaires étrangères; Quinette, Intérieur; Robert-Lindet, Finances; Bernadotte, puis Dubois-Crancé, Guerre; Bourdon, Marine; Bourguignon, puis Fouché, Police.

Et ce Talleyraud, qu'on n'ose pas conserver Ministre parce qu'on lui reproche de tous côtés d'avoir laissé reformer la Coalition, on lui conserve sa funeste influence en lui donnant pour successeur sa créature, et en lui destinant la Présidence de l'Administration départementale! Et ce Fouché, que Barras a fait nommer successivement Ambassadeur en Piémont et en Hollande, le voilà Ministre de la police!

« Fouché, dit M. Thiers, ci-devant Jacobin, devenu un souple et bas courtisan de Barras, associé par lui au trafic des Compagnies, est placé par lui sur la voie des honneurs. Parfaitement instruit de l'esprit et des secrets des Jacobins, nullement attaché à leur cause, ne cherchant qu'à sauver sa fortune, Fouché est éminemment propre à espionner ses anciens amis. »

Et voilà Sieyes, Barras, Talleyrand, Cambacérès, Fouché, qui gouvernent la France! Que les patriotes sont dupes en tolérant de pareils hommes!

Puis, pour exécuter leur coup-d'état, Sieyes et Barras choisissent le jeune Général Joubert, qu'ils nomment commandant de la 17o division militaire à Paris, mais qui sympathise avec Gohier et Moulins plus qu'avec eux.

Les Conseils se divisent aussi en trois fractions les Conventionnels ou les politiques ou les modérés, qui veulent une autre Constitution, et qui se rallient à Sieyes; les Démocrates, qui veulent ranimer la Démocratie et l'enthousiasme populaire contre la Coalition, en respectant la Constitution

pour ne la démocratiser que constitutionnellement; et le Centre, qui contient quelques Royalistes et une masse flottante qui désire une autre Constitution avec plus de centralisation. -Les Démocrates sont faibles aux Anciens mais ce sont eux, au nombre de 250, qui vont diriger le Conseil des CinqCents, en attendant que Sieyes ait levé le masque.

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Le Directoire excitait tant de mépris et de haine que tous les partis applaudissent au coup-d'état du 30 prairial, quoique le plus coupable des Directeurs soit conservé. — Les Royalistes, encouragés par ces divisions, par ces convulsions et par l'Etranger, essaient de reprendre l'influence comme après le 9 thermidor: mais c'est en vain qu'ils s'agitent en Vendée, en Bretagne, et qu'ils s'insurgent dans la Haute-Garonne; ils ne peuvent que voler, piller, assassiner isolément un grand nombre de patriotes. Le mouvement démocratique est plus décidé, sans doute à cause du danger de la Patrie. De tous côtés arrivent des adresses de félicitation pour la nouvelle Législature et des dénonciations contre l'ancien Directoire et contre Barras. Les 250 Députés démocrates des Cinq-Cents organisent aussitôt la Société des Amis de l'Egalité et de la Liberté ou le Club du Manége, qui s'ouvre le 18 messidor, et qui rappelle le Club Breton et le Club des Jacobins ; et tandis que ce Club, dans lequel accourent les Démocrates non Députés, s'efforce de ranimer l'enthousiasme démocratique, les Conseils s'occupent de brider le Despotisme ministériel et de garantir la liberté.

Le 9 messidor, le Directoire adresse le message suivant :

« Les brigands qui infestent l'intérieur ont reparu avec audace; l'assassinat commis à Rastadt a été pour eux le signal de recommencer leurs brigandages et leurs meurtres; organisés en bandes nombreuses, ils ravagent à force ouverte les départements du Midi et de l'Ouest. Par eux les acquéreurs de biens nationaux sout égorgés, les voitures publiques et les contributions pillées, les voyageurs arrêtés, les hommes connus par leur attachement pour la Républi

que assassinés au sein de leur famille, dans l'intérieur de leurs maisons; et tous ces crimes se commettent au nom de l'autel et du trône. Dans plusieurs points, la guerre civile est près de se rallumer; nos frontières sont menacées; il faut lever des hommes, armer des bataillons, leur assurer la subsistance et les objets d'équipement. Le Directoire doit vous le dire, il doit le dire à la Nation : le corps politique est menacé d'une dissolution totale, si on ne se hâte de retremper l'esprit public. Le premier de tous les moyens, c'est l'énergie du Peuple français, c'est son dévouement à la cause de la liberté. A votre voix, la France reprendra sa première attitude, et la Coalition nouvelle sera vaincue. »

« Il faut, dit aussitôt le Général Jourdan, que les Républicains se réunissent partout, que la jeunesse s'arme et vole aux combats, que les citoyens dont les propriétés sont menacées paient de leur bourse. La Commission (nommée à l'instant) propose : 1o de mettre en activité toute la conscription (près d'un million d'hommes); 2o de lever sur les riches un emprunt forcé et progressif de 100 millions. » Puis, la Représentation nationale adresse une proclamation aux Français pour leur demander de sauver la Patrie.

Voilà donc que, dans le péril amené par les fautes et les crimes des Thermidoriens et du Directoire, on demande encore au Peuple de verser son sang pour ceux qu'il a déjà dix fois sauvés, qui l'ont toujours payé par l'ingratitude, la calomnie, l'outrage, la proscription et l'esclavage. Pauvre Peuple! Il va courir encore aux frontières pour être encore caJomnié et tyrannisé!-Cependant, on commence par prendre des mesures révolutionnaires : considérant les assassinats de l'intérieur comme un système adopté par les Royalistes, on décrète (22 messidor) la loi des otages, qui rend les parents d'Emigrés, les ci-devant nobles et les parents des chouans des chauffeurs, etc., personnellement et civilement responsables des assassinats, et qui les soumet à être enfermés comme étages et privés de leurs biens. C'est une nouvelle loi des suspects.- Puis, le 24, la Commission des CinqCents propose de mettre en accusation les ex-Directeurs Rewbell, Merlin, Treilhard, La Réveillère, et les ex-Ministres Schérer et François de Neufchâteau, comme auteurs ou complices d'une conspiration, comme ayant déporté en Arabie Bonaparte et l'élite de l'armée, comme ayant violé la li

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