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-Masséna, Augereau, Kléber, ont eu beaucoup de voix pour entrer au Directoire. - Et Bailleul fera plus tard, 26 ventôse an 6 (16 mars 1798), un long rapport pour démontrer la conspiration royaliste et la trahison de Pichegru.

Le Peuple, désarmé, destitué, enchaîné, étranger à ce mouvement du 18 fructidor, se réjouit de la défaite des Royalistes, qu'il considère toujours comme ses premiers ennemis, et regrette même qu'on ne les frappe pas plus vigoureusement. Mais les Patriotes éclairés blâment le Directoire d'avoir laissé prendre tant de force aux Royalistes, et de violer la Constitution pour les réprimer, au lieu d'employer les voies légales qui seraient suffisantes; car, si le Directoire, appuyé déjà par l'armée et par une forte Minorité dans les Conseils, avait voulu s'appuyer surtout sur la Démocratie et sur le Peuple, les satisfaire et ne leur donner aucun motif de juste plainte, il aurait facilement arrêté la conspiration royaliste sans violer la Constitution.

Ainsi, la Majorité des Conseils et la Minorité du Directoire conspirent pour renverser la Constitution! - Ainsi, la Minorité des Conseils et la Majorité du Directoire violent cette Constitution sous prétexte de la conserver! - Ainsi Barras, Sieyes et les Thermidoriens, qui accusaient faussement Robespierre de conspirer contre la Représentation nationale et d'aspirer à la Dictature, font eux-mêmes ce qu'ils lui reprochaient injustement.-On proposera même, dans les 500, de confier au Directoire une Dictature temporaire et d'ajourner le Corps législatif jusqu'à la paix, ou de proroger les pouvoirs des Députés actuels pendant 7 ans et ceux des Directeurs pendant 10, comme s'il y avait aujourd'hui des hommes de taille à porter la Dictature! -- Ainsi, ce sont les Gouvernants d'un côté, ce sont les Législateurs de l'autre, c'est Sieyes, qui donnent l'exemple du parjure, du mépris pour les lois, de la violation de la Constitution, de l'attentat à la Représentation nationale! - Ainsi, le Directoire donne encore l'exemple de corrompre, de séduire, de provoquer à

la défection et à la trahison, la Garde-du-Corps législatif ! Et ces violateurs du serment et des lois sont l'élite de la Société, l'Aristocratie et la Bourgeoisie!... Et l'on est inexorable, impitoyable envers le Peuple, quand le désespoir le pousse au moindre mouvement!

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Tout n'est-il donc décidé sur la terre que par la ruse et la force, par le parjure et la trahison, par les conspirations et les révolutions...! Et ce Barras et les autres Thermidoriens, qui ont amené toutes les conspirations royalistes, qui devraient être responsables de toutes ces conspirations et de tous les attentats qu'ils commettent eux-mêmes pour les arrêter, vont triompher comme les Sauveurs de la Patrie, tandis qu'ils tuent la liberté et consolident l'esclavage du Peuple en préparant le Despotisme militaire !

Quant à Carnot, qui s'est vanté d'avoir renversé Robespierre, et qui ne sait rien empêcher, rien diriger, ni le Directoire, ni les Républicains, ni les Royalistes, le voilà proscrit comme royaliste et réduit à se réfugier en Allemagne !

Cependant, les 53 Départements dont les élections ont été annulées n'auront pas de Députés jusqu'en prairial an 6 (mai 1798), et c'est le Directoire qui, jusque-là, nomme tous leurs fonctionnaires publics, en choisissant des patriotes. Il fait condamner et exécuter beaucoup d'Émigrés par les Commissions militaires dans les Départements. On propose même, aux 500, de bannir tous les ex-nobles; mais on rejette cette proposition parce qu'il faudrait bannir Barras et Bonaparte, et l'on soumet seulement les nobles à remplir les formalités imposées aux étrangers pour devenir Français.

Voyous maiutenant le jugement de M. Thiers sur ce 18 fructidor. Après avoir raconté que les Députés sont arrêtés ou dispersés par les soldats, il ajoute :

« Triste et déplorable spectacle, qui présageait la prochaine et inévitable domination des Prétoriens! Pourquoi fallait-il qu'une faction perfide eût obligé la Révolution à invoquer l'appui des baïonnettes...! Si le Directoire se mit sous l'égide de la puissance militaire, il subit une triste mais inévitable nécessité. »

Mais nous, nous disons: pourquoi faut-il que le Directoire ait tellement opprimé le Peuple et tellement encouragé les Contre-révolutionnaires que, pour empêcher la Contre-révolution, il n'ait pas d'autre remède qu'un coup - d'Etat et le Despotisme militaire ! Pourquoi faut-il que, pour réparer ses fautes et ses crimes, le Directoire y ajoute le nouveau crime de violer la Constitution et la Représentation nationale! Car ce n'est pas la Révolution qui invoque l'appui des baïonnettes, dont elle n'a pas besoin si l'on ne l'enchaîne pas ; c'est le Directoire seul qui invoque cet appui en sacrifiant la Révolution à son intérêt personnel. Et le Directoire répétera quatre autres 18 fructidor, en Hollande, en Suisse, en Italie ! Et M. Thiers dira que c'est un gouvernement légal et modéré ! Nous allons voir Moreau soupçonné

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Oh! que l'histoire est désolante! Voici Moreau soupçonné de n'être aussi qu'un traître! Ce qui est certain, c'est que Moreau, remplaçant Pichegru à l'armée du Rhin, dès le commencement de 1796, intercepte et saisit dans un fourgon autrichien, 2 à 300 lettres entre Pichegru, alors retiré dans le Jura, et le Prince de Condé, capture qu'il tient longtemps secrète. Ce n'est que le 19 fructidor, à Strasbourg, quand le télégraphe, dit-on, lui apprend le coup - d'Etat, qu'il adresse cette correspondance au Directoire en choisissant le Directeur royaliste Barthélemy. - Le Directoire, qui reçoit ces pièces en place de Barthélemy, mande aussitôt Moreau.

Avant de quitter Strasbourg, où vient d'arriver la double nouvelle du 18 fructidor et de la trahison de Pichegru, et où l'ancienne armée de ce dernier ne veut pas croire à sa trahison, Moreau publie une proclamation dans laquelle il dit :

A Oui, Pichegru a trahi: une correspondance tombée dans mes mains prouve sa trahison. »

Mais le Directoire le destitue en lui reprochant d'être complice de Pichegru, tandis que d'autres lui reprochent d'avoir

T. IV.

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trahi celui-ci; et pour l'excuser sur ce dernier point, on prétend que tous deux conspiraient ensemble et qu'ils étaient convenus que, dans le cas où la conspiration serait découverte, chacun pourrait faire ce qu'il croirait nécessaire pour se sauver personnellement.

Hoche le remplace, et réunit les deux armées sous le titre d'Armée d'Allemagne. Mais ce jeune héros, qui, simple soldat aux Gardes-françaises, s'éleva, en une seule campagne, au grade de Général en chef, meurt subitement, à 29 ans, empoisonné, par l'Aristocratie, dit-on. Le Directoire lui fait de magnifiques obsèques.

S 26.-Traité de Campo-Formio.

De nouvelles ouvertures de paix avec l'Angleterre, dans lesquelles elle demande le cap de Bonne-Espérance, tandis que le Directoire lui demande la renonciation au titre de Roi de France toujours pris par les Rois anglais, n'amènent encore aucun résultat. Mais la paix avec l'Autriche, commencée à Léoben (p. 348), est définitivement conclue par Bonaparte, à Campo-Formio, quelques jours après le 18 fructidor, le 26 vendémiaire an 6 (17 octobre 1797). On n'a pas oublié sans doute que c'est ce traité qui rend la liberté à Lafayette et aux autres prisonniers d'Olmutz (t. 3, p. 155).

Le Directoire exigeait l'entier affranchissement de l'Italie ; et cet immense résultat, qui aurait peut-être prévenu les guerres postérieures, pouvait être obtenu en une campagne. Mais dans cette campagne nouvelle, c'est Augereau, nommé Général en chef de l'armée d'Allemagne, qui devait entrer à Vienne et dicter la paix; et, pour s'assurer cette gloire à lui-même, Bonaparte se décide à contrevenir aux ordres du Directoire. « Le Directoire et les avocats diront ce qu'ils voudront », s'écrie-t-il, persuadé qu'ils n'auront pas la force de le désavouer et de le punir.

Par ce traité, Bonaparte change encore les préliminaires de Léoben, fait un nouveau partage des Peuples, reprend à Venise les provinces cédées, et à l'Autriche Mantoue et le

territoire jusqu'à l'Adige mais il cède Venise à l'Autriche, et lui laisse encore une partie de l'Italie jusqu'à l'Adige, ce qui facilitera toujours une invasion autrichienne.

« On pouvait regretter, dit M. Thiers, que les Autrichiens ne fussent pas rejetés entièrement hors de l'Italie, et que Venise ne fût pas réunie à la Cisalpine: avec une campagne de plus, ce résultat eût été obtenu. Des considérations particulières avaient empêché le jeune vainqueur de faire cette campagne : l'intérêt personnel commençait à allérer les calculs du grand homme et à imprimer une tache sur le premier et peut-être le plus bel acte de sa vie. »

Les affreux revers qui surviendront bientôt seront peutêtre la conséquence de cet égoïsme et de cette ambitieuse insubordination !

Bonaparte peut donc craindre que le Directoire ne veuille pas ratifier son ouvrage. Il choisit son chef d'état-major Ber thier et le savant Monge, pour le porter à Paris... Arrivés au milieu de la nuit et se rendant à l'instant chez le Président, ils excusent Bonaparte sur sa désobéissance, et se retirent avec la seule réponse que le Directoire en délibérerait dès le matin.

« La nouvelle de la paix s'était déjà répandue dans tout Paris, dit M. Thiers; la joie était au comble... On exaltait Bonaparte et sa double gloire; on était enthousiasmé de trouver en lui le pacificateur et le guerrier; et une paix qu'il n'avait signée qu'avec égoïsme était vantée comme un acte de désintéressement militaire. »

Voilà comme le Peuple en masse est facile à éblouir, à séduire, à tromper, à enchaîner! Mais, remarquons-le bien, le Peuple n'entend admirer en Bonaparte que le républicain, le patriote, le guerrier désintéressé et dévoué à la liberté : il le maudirait s'il le croyait égoïste et ambitieux.

Mais le Directoire, trop coupable d'impopularité pour avoir la force d'éclairer l'opinion, encourage les usurpations de Bonaparte en tolérant sa désobéissance et en ratifiant le traité.

« L'Ambassadeur de Venise à Paris avait employé, dit M. Thiers, tous les moyens pour gagner Barras. Il paraît qu'une somme de 600,000 francs en billets fut donnée à la condition de défendre Venise dans le Directoire. Mais Bonaparte, instruit de l'intrigue, la dé

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