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Mais écoutez donc l'opinion, non de femmes enthousiastes, mais d'un homme qu'on n'accuse ni de faiblesse, ni de flatterie, ni de bigotisme; écoutez ce qu'écrivait à Robespierre, en 1790, Saint-Just, alors électeur de son Département.

• Vous qui soutenez la Patrie chancelante contre le torrent du despotisme et de l'intrigue, vous que je ne connais que comme Dieu, par des MERVEILLES, je m'adresse à vous, Monsieur, pour vous prier de vous réunir à moi pour sauver mon triste pays. La ville de Coucy s'est fait transférer (ce bruit court ici) les marchés francs du bourg de Blérancourt. Pourquoi les villes engloutiraient-elles les priviléges des campagnes? Il ne restera donc plus à ces dernières que la taille et les impôts! Appuyez, s'il vous plaît, de tout votre talent, une adresse que je fais partir par le courrier, dans laquelle je demande la réunion de mon héritage aux domaines nationaux du canton, pour que l'on conserve à mon pays un privilége sans lequel il faut qu'il meure de faim... Je ne vous connais pas; mais vous êtes un grand homme. Vous n'êtes pas seulement Député d'une province, vous êtes celui de l'Humanité et de la République. >

Et c'est parce que Robespierre est, à ses yeux, le patriotisme personnifié que Saint-Just se dévouera plus tard à lui.

$ 19.- Robespierre déclaré Prophète.

C'est alors qu'on commence à parler d'une nouvelle Secte religieuse, fondée par une vieille folle, Catherine Théot, se disant mère de Dieu et annonçant la prochaine apparition d'un nouveau Messie. Elle proclame deux Prophètes, Robespierre, qu'elle appelle son fils chéri, un Etre surnaturel appelé à de sublimes destinées, et le Chartreux Don Gerle, député à la Constituante (tom. I, p. 383).—Il paraît que Don Gerle croit à la mère de Dieu et à sa propre qualité de Prophète, et qu'ils parviennent tous deux à réunir quelques imbéciles, qui croient aussi ou disent croire, qu'ils initient et qu'ils appellent élus. - Cette Secte ridicule adopte un culte et des pratiques. C'est chez la mère de Dieu, dans son petit logement éloigné, près du Panthéon, que les élus se rassemblent pour admettre de nouveaux croyants. Et tous adorent Robespierre comme un Prophète, comme le fils de la

mère de Dieu, et comme le nouveau Messie qui doit sauver et régénérer l'humanité... Quellé extravagance!

« Probablement, dit M. Thiers, Robespierre est instruit de leurs folies, et, sans être leur complice, jouit de leur erreur. Il est certain qu'il a reçu des visites fréquentes de Don Gerle, et qu'il lui a donné un certificat de civisme signé de lui pour le soustraire aux poursuites d'un Comité révolutionnaire (qui le menaçait comme aristocrate). ►

Si Robespierre est instruit de ces folies, c'est une faute immense de sa part de ne pas les empêcher s'il le peut, car ses ennemis pourront y trouver un prétexte pour le ridiculiser. Mais il a constamment montré trop d'habileté, il connaît trop les piéges qu'on lui tend et le danger des flagorneries, nous venons de le voir se plaindre trop vivement des perfides adulations, pour qu'il soit permis de penser qu'il approuve qu'on le transforme en Prophète et en Dieu : dire qu'il jouit de cette idée est probablement la plus monstrueuse calomnie.

$ 20.-Commencement de divisions dans le Comité. Nous arrivons à l'une des plus grandes crises de la Révolution; et pour la bien expliquer, il faut d'abord faire connaître l'intérieur du Comité. On se rappelle les 12 membres qui le composent (T. 3, p. 489), réduits à 11 par la mort d'Hérault de Séchelles.-De ces 11, deux (Jean-Bon Saint- André et Prieur de la Marne) sont toujours en mission dans les Départements; trois autres, (Carnot, Prieur de la Côted'Or, et Robert-Lindet) s'occupent exclusivement de la guerre, des armes et des subsistances; trois autres, (Robespierre, Saint-Just et Couthon) s'occupent de la haute police et de la haute direction; Saint-Just est même presque toujours aux armées; et les trois derniers, (Barrère, Collotd'Herbois et Billaud-Varennes), font les rapports journaliers, parlent dans les clubs, et correspondent avec les Autorités administratives: on appelle ceux-ci les hommes révolutionnaires, tandis qu'on appelle Robespierre, etc., les hommes de haute main.

Robespierre, Saint-Just et Couthon sont ou se croient supérieurs aux autres comme hommes d'État. Ils considèrent

Barrère comme un être faible et pusillanime, ayant le talent de parler et d'écrire pour tous les partis; Collot-d'Herbois comme un déclamateur; et Billaud-Varennes comme un esprit médiocre, sombre et envieux. Ils les méprisent secrètement, dit-on, et paraissent les dédaigner tous trois. Et l'on devine sans doute qu'un pareil assemblage est un grand malheur; car comment des hommes qui, mettant tous les jours leurs têtes en commun, ont besoin d'une union parfaite, pourront-ils être toujours unis s'ils n'ont pas les uns pour les autres une estime, un dévouement, une fraternité à toute épreuve?

C'est au plus capable, au plus philosophe, au plus dévoué à la cause du Peuple et de l'Humanité, c'est à Robespierre en un mot à faire tous les sacrifices personnels nécessaires à l'union; et s'il était vrai que ses dédains excitassent la haine de Billaud, quelque blâmable que fût cette haine à nos yeux, nous blâmerions plus encore les dédains de Robespierre, parce que plus ses qualités lui donnent de puissance pour diriger les autres, plus cette puissance lui impose le devoir d'éviter tout ce qui peut nuire au pays en fournissant un aliment aux mauvaises passions de ses collègues.

Barrère, Billaud et Collot, qui se croient méprisés et dédaignés par Robespierre et ses deux amis, ne leur pardonnent pas ces dédains, et commencent à ne plus dissimuler la haine qui les enflamme, et même à comploter la perte de leurs collègues devenus pour eux des ennemis, sans se laisser désarmer par l'idée qu'ils ne sont pas de taille à les remplacer et qu'ils perdront peut-être la Patrie en les renversant.

Ainsi, après tant de luttes terribles, après tant de périls et tant de victoires, quand le vaisseau de la Régénération échappe à tant de tempêtes et touche au port, c'est peut-être l'amourpropre blessé par d'imprudents dédains, c'est peut-être la jalousie et l'envie qu'excite une popularité méritée par la vertu qui va perdre la Révolution! Pauvre Humanité!

Quoi qu'il en soit, Billaud, Collot et Barrère, complotant la ruine de Robespierre, de Couthon et de Saint-Just, travaillent d'abord à flatter, à séduire, à gagner Carnot, Prieur et

T. IV.

3

Robert, afin d'être 6 contre 3.

Ils travaillent également à

s'attacher le Comité de Sûreté générale.

Ce Comité de Sureté générale, borné à la police, subordonné au Comité de Salut public, surveillé par lui et souvent contrôlé dans ses opérations, commence à se trouver humilié de sa dépendance.... Quoi, dira-t-on, ce serait encore de la vanité, de l'orgueil, de la rébellion, de l'anarchie, qui ferait entrer ce Comité dans le complot?.... Oui, c'est de l'orgueil, de la vanité, de petites et mauvaises passions personnelles, et non quelque différence d'opinion politique; car ce sont les membres les plus cruels, dit M. Thiers, du Comité de Sûreté générale (Amar, Vadier, Vouland, Jagot, Louis du Bas-Rhin) qui sont les plus indisposés contre Robespierre, etc., de même que Billaud et Collot, même Barrère quelquefois, sont presque des ultrà-révolutionnaires. Il y a plus, c'est parce que Robespierre, Saint-Just et Couthon, veulent modérer la violence et les excès du Comité de Sûreté générale que celui-ci s'irrite contre eux.

-

◄ On se plaint beaucoup, dit M. Thiers, des arrestations (ordonnées par le Comité de Sûreté générale) qui deviennent toujours plus nombreuses et qui sont souvent injustes, car elles portent sur une foule d'individus connus pour être d'excellents patriotes; on se plaint des rapines et des vexations des nombreux agents (de police) auxquels le Comité de Sûreté générale a délégué son inquisition.

D

Alors ce Comité est bien coupable! presque aussi coupable que s'il était agent de l'étranger pour perdre la Révolution!... Robespierre, Saint-Just et Couthon, ont voulu, comme c'était leur devoir, remédier à ce mal immense: ́mais, n'osant ni faire abolir ce Comité, ni faire changer ses membres, ils ont imaginé d'établir, dans le sein du Comité de Salut public, un Bureau de police chargé d'inspecter le Comité de Sûreté générale, comme ils en avaient certainement le droit puisque ce Comité est placé sous leur autorité. Ce Bureau a d'abord été dirigé par Saint-Just, puis en son absence par Robespierre. C'est alors que Saint-Just, ou Robespierre, a fait élargir (comme il en avait le droit) beaucoup de patriotes arrêtés

par le Comité de Sûreté générale: mais celui-ci, blessé et furieux, a fait élargir, par un abus d'autorité, ceux que le Comité de Salut public avait fait arrêter. — Quoi qu'il en soit, de cette lutte anarchique sort bientôt une brouille ouverte entre Robespierre, Saint-Just, Couthon, d'un côté, et le Comité de Sûreté générale, de l'autre côté ; et c'est alors que Billaud, Collot et Barrère, se liguent avec ce Comité pour ne former qu'un seul complot. Puis, ils travaillent tous ensemble à se rattacher tous les membres de la Convention qui peuvent être les ennemis secrets ou connus de Robespierre. Et comme Robespierre est l'ennemi de tous les Députés concussionnaires, voleurs et sanguinaires, ils vont réunir contre lui beaucoup de redoutables conspirateurs.

Dans la Convention, Robespierre a pour ennemis : 1o les Royalistes cachés; 2o les Girondins restés; 3° les amis de Danton; 4° quelques ultrà-révolutionnaires; 5° des Athées déclarés et tous ceux qui ont applaudi d'abord à l'abolition du Christianisme, 6o tous les corrompus, les concussionnaires, les prévaricateurs, dont plusieurs cherchent à cacher leurs vols en affectant de venir à la tribune en sabots, en carmagnole, le bonnet rouge sur l'oreille; 7° tous ceux des Représentants en mission dont il a demandé le rappel parce qu'ils déshonoraient et compromettaient la Révolution par leurs cruautés et leurs exactions; 8° enfin, tous les ambitieux qui voudraient entrer au Comité de Salut public, et qui sont blessés de le voir confirmé et prorogé chaque mois. A la tête de cette masse d'ennemis sont: Tallien, Fouche, Fréron, Barras, Bourdon de l'Oise, Thuriot, Legendre, Lecointre, Merlin de Thionville. Tous sont d'anciens amis de Danton, considérés comme reste du parti des corrompus; presque tous vivent scandaleusement dans la débauche. La plupart ont prévariqué dans leurs fonctions ou dans leurs missions, et sont connus pour des pillards enrichis, qui redoutent l'application du système de la justice et de la probité. Tallien est le plus inquiet, parce qu'on l'accuse généralement d'avoir

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