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Amar, Vadier, Ricord, Choudieu, Drouet; les ex-Généraux Rossignol, Lamy, Parrein; les ex-Adjudants-Généraux Massard, Jarry; les écrivains Antonelle, Félix Lepelletier, etc.

Drouet parvient à s'échapper de l'Abbaye, aidé par le geôlier et même, dit-on, par le Directoire. Une tentative d'émeute pour enlever les prisonniers du Temple, dans laquelle figure un drapeau blanc, n'a d'autre effet que de faire dire au Ministre de la police que les Démocrates se sont alliés avec les Royalistes. Tous les prisonniers sont transférés à Vendôme dans la nuit du 9 au 10 fructidor (août).

Mais, avant de voir le procès et la doctrine de Babeuf, voyons une autre catastrophe plus déplorable encore, qui suit l'arrestation et précède le procès.

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$9. Catastrophe du camp de Grenelle.

Après l'arrestation de Babeuf et de ses amis, dit Buonarotti, d'autres Démocrates entreprennent de briser leurs fers et de continuer leur ouvrage. Deux amis de Barras s'introduisent auprès de ces derniers, et leur persuadent que celui-ci partage leurs vœux et désire seconder efficacement leurs efforts. C'est par leurs conseils qu'on forme le projet de faire fraterniser les Démocrates et les militaires du camp de Grenelle, avec lesquels ils marcheraient ensuite sur le Directoire. Les promesses faites au nom de Barras par ses amis, une somme de 24,000 francs distribuée par eux, les protestations de quelques officiers du camp, déterminent les Démocrates à s'y présenter en foule, sans armes, en chantant, aux cris de vive la République.

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C'est le 23 fructidor (9 septembre) que 6 à 700 Démocrates, armés seulement de pistolets et de cannes à épée, trahis et conduits dans un piége par Barras et Grisel (quelle incroyable crédulité!), se rassemblent à Vaugirard, se portent sur le camp, et se dirigent vers le poste qu'ils savent occupé par un régiment sur lequel ils comptent. Mais Grisel et Barras les ayant trahis une seconde fois, on a changé les postes peu de temps auparavant; en place du régiment sur lequel comptent les Démocrates, on met le 21me de dragons (1),

(1) M. Thiers affirme que ce 21e de dragons venait d'être formé avec la Légion de police licenciée, que Babeuf et les Démocrates considéraient

dont le Commandant, Malo, est un des plus furieux ennemis du Peuple; et quand les Démocrates arrivent en chantant et en criant: Vive la Constitution de 93! A bas les tyrans! Malo et ses dragons, enivrés dès le matin, se précipitent sur eux, les sabrent, les écrasent, en tuent beaucoup et blessent presque tous les autres, dont 132 sont arrêtés, parmi lesquels on trouve le Général Fyon, contumace dans la conspiration Babeuf; et l'on profite de ce prétexte pour arrêter dans leurs domiciles tous les principaux Démocrates.

Le Directoire et les Conseils, violant la Constitution, décident que les prisonniers seront distraits de leurs juges naturels, privés du recours en cassation, et livrés à une Commission militaire choisie parmi les officiers du camp de Grenelle. Le Directoire demande même qu'on ne leur accorde qu'un défenseur pour tous mais les Conseils repoussent cette injustifiable mesure.

En quelques jours, la Commission militaire en condamne à mort 32, parmi lesquels on remarque l'ex-montagnard Javogues et deux autres, et l'ex-maire de Lyon Bertrand. Tous sont fusillés dans le camp de Grenelle, malgré leurs protestations d'incompétence et leurs pourvois en cassation. Le Tribunal suprême déclarera plus tard l'incompétence de la Commission militaire; mais le Directoire aura fait exécuter ou plutôt assassiner. Que de cruautés, que d'iniquités envers les Démocrates, qui ont rendu tant de services à la Révolution, tandis qu'on a montré tant d'indulgence envers les Royalistes du 13 vendémiaire, qui ont tant versé de sang alors et avant, tandis qu'on acquittera tout-à-l'heure l'Agence royaliste, qui tentera d'insurger le même camp de Grenelle pour massacrer les patriotes! Mais l'opinion se prononce tellement contre Babeuf et les Démocrates qu'elle excuse ou tolère tous les attentats du Directoire. Voilà la conséquence ordinaire des conspirations manquées!

De ce moment, le parti Démocrate se trouve anéanti, perdu;

conmme leur étant dévouée. Si le fait est vrai, c'est un nouvel exemple du danger de croire aux jactances des agents de conspiration.

et voilà où l'ont conduit les insurrections de germinal, de prairial, de Babeuf et du camp de Grenelle! Voilà l'effet des trahisons de Tallien et Barras !

Et ce qu'il faut bien remarquer pour tirer au moins de ces catastrophes une leçon utile, c'est que l'adresse se trouve toujours du côté des ennemis du Peuple, et l'imprudence, la témérité, la folle confiance, du côté du parti populaire... C'est par, imprudence que le Peuple se fait battre!

Nous anticipons sur les autres événements pour arriver immédiatement aux débats du procès de Babeuf, qui ne s'ouvriront que le 2 ventose an 5, longtemps après que les Démocrates ont été définitivement écrasés au camp de Grenelle, après qu'une nouvelle conspiration royaliste aura été déjouée, lorsque le Directoire et le Juste-milieu seront complétement vain. queurs et tout-puissants, lorsque (suivant Buonarotti) l'éner gie républicaine sera partout ailleurs anéantie.

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L'infame Grisel paraît à l'audience comme le principal et presque l'unique témoin. Protégé, loué par le Gouvernement et par l'accusateur, il révèle tout et donne l'effroyable spectacle d'un infernal traître insultant à ses victimes et développant avec la plus scandaleuse effronterie les ruses qu'il a employées pour connaître, pousser et trahir ceux qu'il embras sait comme des frères... Il affirme que Babeuf n'était qu'un instrument, que les véritables Chefs se cachaient derrière lui; et, si le fait est vrai, c'est pour affaiblir l'effet de la conspiration que le rusé Directoire l'appelle conspiration Babeuf.

Si du moins les accusés présentent le spectacle de véritables frères, unis, disciplinés, désintéressés, fermes sans violence, et se dévouant héroïquement au martyre; s'ils chargent Babeuf et un ou deux autres de la défense, en ne prenant eux-mêmes la parole que pour protester contre l'incompé tence de la Haute-Cour, pour refuser de répondre et pour accabler Grisel de malédictions; si Babeuf et Darthé, bravant

courageusement la mort, démontrent qu'ils n'ont eu pour but que le bonheur du Peuple et de l'Humanité !... - Mais Babeuf n'exerce pas assez d'influence sur ses compagnons pour leur faire accepter sa direction, et les accusés se divisent : tandis que les uns veulent avouer la conspiration et ne songer qu'à justifier son but et leur doctrine, les autres veulent tout nier et ne travailler qu'à sauver leurs têtes; et, pour éviter le funeste scandale d'une division publique, on convient que tous nieront la conspiration, quoique Babeuf l'ait avouée dans sa lettre au Directoire, et quoique le complot soit prouvé par 500 pièces de conviction. On convient qu'on ne justifiera qu'hypothétiquement la conspiration et la Communauté. Tous déclinent la compétence de la Haute-Cour et protestent contre son jugement. Mais Darthé seul refuse de répondre et attaque sans ménagement ce Directoire que Babeuf a ménagé dans sa lettre. - Au contraire Pillé, secrétaire de Babeuf, a la faiblesse de reconnaître toutes les écritures et toutes les signatures, dans l'espérance de se sauver. Puis, contrefaisant l'imbécile, il parle d'un bon et d'un mauvais génie qui le poussaient alternativement; et Babeuf le traite de fou. Mais alors, blessé de cette qualification, Pillé s'efforce de ridiculiser Babeuf et de le présenter comme fou lui-même, racontant qu'il courait dans sa chambre, renversait les chaises et criait «< Voici l'insurrection! l'insurrection commence! » Babeuf répond qu'il s'agitait ainsi, à l'exemple des grands écrivains, pour s'animer et trouver un style mâle. On conçoit combien de pareils débats sont malheureux, et quel parti les journaux ennemis peuvent tirer de pareilles scènes! Babeuf voudrait tout avouer et tout justifier; mais, gêné par le système de défense adopté, il ne peut que montrer du courage personnel, sans pouvoir développer sa doctrine, tandis que l'accusateur public la flétrit comme une extravagante chimère et signale les accusés comme des scélérats avides de butin et de sang, des ennemis du Peuple, des monstres. Et comme la prévention est alors presque universelle contre Babeuf et ses amis, l'opinion publique admet généralement l'ac

cusation et repousse la défense; les journaux ministériels et royalistes publient les débats pour rendre les accusés plus odieux; et le Directoire ne les a ajournés pendant un an (jusqu'aux élections) et ne les a prolongés pendant trois mois que dans la conviction qu'ils lui procureraient des élections ministérielles.

Enfin, le 7 prairial (27 mai 1797), après un grand nombre de séances, souvent terminées par des chants républicains et quelquefois troublées par de violentes discussions, les jurés répondent négativement sur la question de conspiration et sur celle d'attentat à la propriété, mais affirmativement sur celle relative au rétablissement de la Constitution de 93. Tandis que le Tribunal criminel de la Seine décide qu'il n'y a pas eu insurrection le 13 vendémiaire et acquitte tous les accusés royalistes, Babeuf et Darthé sont condamnés à mort; Buonarotti, Germain et cinq autres sont déportés; tous les autres sont acquittés.-Aussitôt l'arrêt rendu, Babeuf et Darthé se frappent avec un poignard; mais l'arme trop faible se brise et reste, dit-on, dans la poitrine de Babeuf; et le lendemain, tous deux montent courageusement à l'échafaud, où Babeuf proteste encore de son amour pour le Peuple auquel il recommande sa famille (1).

Et tandis que leurs corps sont jetés à la voierie, tandis que les déportés, enchaînés dans des cages grillées, conduits à Cherbourg, sont insultés, menacés dans plusieurs villes qu'ils traversent, même mis en péril par la colère d'une population égarée, l'exécrable Grisel reçoit des éloges et des récompenses, et l'infâme Barras triomphe au milieu des scandales du palais du Luxembourg.

Telle est la fin de ces Démocrates, qui s'appellent les der

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(1) L'aîné de ses trois fils, Emile, adopté par Félix Lepelletier, tuer a Grisel dans un duel en Espagne, en recevant lui-même une dangereuse blessure. Le deuxième, Camille, élevé par le général Thureau, se précipitera du haut de la Colonne à la seconde invasion de 1815.- Le troisième, Caïus Gracchus, élevé par son frère Emile, disparaîtra à la première invasion de 1814.

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