Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

de

sur l'escalier jusqu'à minuit. Quand Collot-d'Herbois rentre chez lui, l'assassin lui tire à bout portant un premier coup pistolet qui ne part pas, puis un second qui rate encore, puis un troisième qui ne frappe que la muraille. Aussitôt accourt une patrouille qui, par hasard, passait devant la porte; Ladmiral s'enfuit dans sa chambre, s'y barricade, et déclare qu'il va faire feu. Il blesse en effet presque mortellement d'un coup de fusil le serrurier Geoffroy, qui ouvre la porte et ose entrer le premier mais on l'arrête, et il déclare intrépidement qu'il a voulu tuer Robespierre ou Collot-d'Herbois, que personne ne l'a conseillé, qu'il a cru rendre service à son pays, que son action n'est point un crime, et que son unique regret est de n'avoir pas réussi.

On conçoit l'agitation et l'irritation populaires! Le lendemain, Barrère raconte l'événement à la Convention, et attribue à Pitt ce nouvel assassinat.

Les Factions intérieures, dit-il, ne cessent de correspondre avec ce Gouvernement, marchand de coalitions, acheteur d'assassinats, qui poursuit la liberté comme sa plus grande ennemie. Tandis que nous mettons à l'ordre du jour la justice et la vertu, les Tyrans coalisés mettent à l'ordre du jour le crime et l'assassinat... Partout vous trouverez le fatal génie de l'Anglais, dans nos marchés, dans nos achats, sur les mers, sur les continents, chez les Roitelets de l'Europe comme dans nos cités. C'est la même tête qui dirige les mains qui assassinent Basseville (agent français) à Rome, les marins français dans le port de Gênes, les Français fidèles en Corse ; c'est la même tête qui dirige le fer contre Lepelletier et Marat, la guillotine contre Chaslier (à Lyon), et les armes à feu contre Collot-d'Herbois. ▾

Il lit ensuite plusieurs lettres, écrites de Londres et de Hollande, et interceptées.

« Nous craignons beaucoup, dit une de ces lettres, l'influence de Robespierre plus le Gouvernement républicain sera concentré, plus il aura de force et plus il sera difficile de le renverser. »

Ce rapport excite le plus vif intérêt en faveur des Comités et surtout de Robespierre ; et la Convention le couvre d'ap plaudissements. Couthon demande qu'il soit imprimé dans toutes les langues, affiché partout sur les places et dans les camps; et cette proposition est adoptée par acclamations.

[ocr errors]

Mais, ajoute Couthon, la loi dont le règne épouvante nos ennemis a le glaive levé sur eux; elle les frappera tous: le Genre humain a besoin de cet exemple, et le Ciel qu'ils outragent l'a ordonné. »

Puis, Barrère propose de décréter qu'on ne fera plus de prisonniers anglais... Et ce décret est adopté au milieu d'unanimes applaudissements.

Robespierre monte ensuite à la tribune, et fait le tableau des conjurations organisées et payées par Pitt. Puis, il exalte la sagesse et la vertu du Peuple, qui verse son sang pour féconder la liberté. Puis, il invoque l'union, le concert et l'énergie, contre les intrigants, les frippons, les contre-révolutionnaires hypocrites, les successeurs des Brissot, des Hébert et des Danton.

En disant ces choses, j'aiguise peut-être contre moi des poignards, et c'est pour cela même que je les dis. Vous persévérerez dans vos principes et dans votre marche triomphante; vous étoufferez les crimes et vous sauverez la Patrie. »

« Achevez, citoyens, achevez vos sublimes destinées! Vous nous avez placés à l'avant-garde pour soutenir le premier effort des ennemis de l'humanité; nous méritons cet honneur, et nous vous tracerons de notre sang la route de l'immortalité. Puissiez-vous déployer constamment cette énergie inaltérable dont vous avez besoin pour étouffer tous les monstres de l'Univers, conjurés contre vous, et jouir ensuite en paix des bénédictions du Peuple et du fruit de vos vertus! »>

Et des applaudissements prolongés accompagnent encore Robespierre quand il descend de la tribune.

Le même jour 23 mai, une jeune fille, Cécile Renault, est arrêtée voulant entrer chez Robespierre avec un paquet dans lequel on trouve deux couteaux. Pressée de questions, elle refuse de répondre, déclare seulement qu'elle est royaliste, soutient qu'elle voulait voir comment était fait un tyran, et demande courageusement l'échafaud.

Le lendemain, à Choisy-sur-Seine, un moine (Saintanax) est arrêté disant :

« Il est malheureux que ces scélérats du Comité aient échappé; mais j'espère que tôt ou tard ils seront atteints. ▾

Alors se répand partout le bruit qu'une bande d'assassins

est organisée contre Robespierre et le Comité; on accourt pour les garder et les défendre; les Sections assemblées envoient des députations et des adresses; elles disent que c'est la Providence qui vient de sauver Robespierre et Collotd'Herbois, et que c'est pour sauver la République qu'elle a sauvé ces deux hommes; l'une d'elles offre une garde de 25 citoyens.

Le surlendemain, Robespierre et Collot-d'Herbois paraissent aux Jacobins : la foule est immense; les Sections ne peuvent pas même entrer; le Président les embrasse fraternellement au nom de la Société ; les applaudissements et l'enthousiasme vont jusqu'au délire. Legendre dit que la main du crime s'est levée pour frapper LA VERTU, mais que le Dieu de la Nature a empêché que le forfait ne fût consommé. Il demande une garde pour le Comité, et offre de s'enrôler le premier; mais Couthon, au nom du Comité, repousse toute espèce de garde, et soutient que les Despotes seuls en ont besoin. -Robespierre monte ensuite à la tribune, où les applaudissements l'empêchent longtemps d'ouvrir la bouche.

Que les défenseurs de la Liberté, dit-il enfin, soient en butte aux poignards de la Tyrannie, il fallait s'y attendre. Je l'avais dit : Si nous battons les ennemis, si nous déjouons les Factions, nous serons assassinés... J'ai senti qu'il était plus facile de nous faire assassiner que de vaincre nos principes et de subjuguer nos armées... Je me suis dit que plus la vie des défenseurs du Peuple est incertaine et précaire, plus ils doivent se hâter de remplir leurs derniers jours d'actions utiles à la liberté. Moi, qui ne crois pas à la nécessité de vivre mais seulement à la vertu et à la Providence, je me sens plus indépendant que jamais de la méchanceté des hommes ; les crimes des Tyrans et le fer des assassins m'ont rendu plus libre et plus redoutable pour tous les ennemis du Peuple; mon âme est plus disposée que jamais à dévoiler les traîtres et à leur arracher le masque dont ils osent se couvrir. Français amis de l'Egalité, reposez-vous sur nous du soin d'employer le peu de vie que la Providence nous accorde à combattre les ennemis qui nous environnent! »

Et d'inexprimables acclamations répondent longtemps à ce discours.

Mais ces tentatives d'assassinat et toutes ces manifestations

contre Pitt et les Factions intérieures accusées d'étre ses complices, ne sont pas propres à faire cesser le système de vengeance, de terreur et d'échafaud contre les Aristocrates.

S 17.- Robespierre presque Dictateur.

La puissance du Comité de Salut public est alors absolue : et comme personne, à tort ou à raison, ne veut de Dictature, ce Comité devrait (dit M. Thiers avec justesse) ne pas s'isoler de la Montagne et repousser tout ce qui pourrait l'élever trop au-dessus d'elle : il devrait ne rien négliger pour éviter toute jalousie, toute défiance et toute rivalité. Cependant, par leur faute ou sans leur faute, les membres du Comité commencent à porter ombrage; on commence à les appeler des Dictateurs; et c'est Robespierre, surtout, dont la haute influence commence à offusquer les yeux. Son influence est tellement prédominante dans l'opinion publique qu'on ne parle presque plus de la Convention ni du Comité, mais de lui; on ne dit plus le Comité veut, mais Robespierre veut ; les agents du pouvoir (dit M. Thiers) nomment toujours Robespierre dans leurs opérations, et semblent le considérer comme la cause et l'ordonnateur de tout ce qui se fait; les prisonniers et leurs parents le considèrent comme le maître de leur sort; enfin la Coalition, les journaux anglais et allemands, appellent les soldats français les soldats de Robespierre.

Toutes ces qualifications prouvent que Robespierre est universellement reconnu comme le premier homme et le Chef de la République, comme celui qui serait élu Président, Consul et même Dictateur, si l'on voulait en élire un. Et puisqu'il en est ainsi, il faut que ce soit un homme bien estimable, et que les reproches qu'on lui fait soient d'horribles calomnies.

Mais Robespierre qui, dans la réalité, n'est pas le maître, et qui ne fait rien pour le paraître, sent au contraire combien est dangereux le rôle qu'on lui prête, et le repousse, soit dans la Convention, soit aux Jacobins, comme une perfidie employée pour le perdre. Son discours à ce sujet est couvert

d'applaudissements; et le lendemain, le Moniteur et le Journal de la Montagne ayant publié ce discours en entier en ajoutant que chaque mot valait une phrase et chaque phrase une page, il vient se plaindre vivement aux Jacobins des journaux qui flagornent les membres du Comité, afin de les perdre en leur donnant les apparences de la toute-puisAprès ces manifestations contre la flagornerie, trop raisonnables pour n'être pas sincères, ne sera-t-on pas étonné d'entendre M. Thiers parler ainsi :

sance.

Robespierre a de la VANITÉ; mais il n'est pas assez grand pour être ambitieux, AVIDE DE FLATTERIES et de respects, il s'en nourrit, et se justifie de les recevoir en assurant qu'il ne veut pas de la toutepuissance.

Est-il possible d'être plus inconséquent, plus contradictoire, plus téméraire et plus injuste envers Robespierre, qu'on dit vénéré pour sa vertu, et qui d'ailleurs est reconnu pour être alors le premier homme de la France ?

S 18.- Robespierre vénéré par les femmes.

Robespierre, dit M. Thiers, a autour de lui une espèce de Cour composée de quelques hommes (s'il est permis de transformer quelques amis en une Cour), et surtout de beaucoup de femmes. Elles témoignent pour sa personne la sollicitude la plus constante: elles ne cessent de célébrer entre elles sa vertu, son éloquence, son génie; elles l'appellent un homme DIVIN et au-dessus de l'humanité. Une vieille marquise est la principale de ces femmes, qui soignent en véritables dévoles ce PONTIFE sanglant et ORGUEILLEUX. ›

Vraiment, nous ne pouvons concevoir ces injures continuelles! Quoi, les Jacobins, la Convention, le Peuple, les femmes, tous s'accordent à célébrer les vertus et la capacité de Robespierre; son éloquence excite toujours et partout des applaudissements; les femmes, si généreuses et si humaines, l'appellent, à cause de sa vertu, un homme divin; David voudra mourir avec lui; Lebas demandera à partager et partagera son supplice; et l'on prétend aujourd'hui que ce n'était qu'un Pontife sanglant et orgueilleux!!!

« ZurückWeiter »