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Constitution thermidorienne et directoriale de l'an 3.

Faite par les Girondins vainqueurs et furieux, coalisés avec les renégats Thermidoriens, après d'hypocrites et perfides protestations de respect pour la Constitution de 93, qu'ils ne craignent plus d'appeler un Code atroce et impraticable, la Constitution de l'an 3 ne peut manquer d'être Feuillante, Girondine, Bourgeoise, anti-populaire. Elle institue la République comme celle de 93; mais elle est infiniment moins démocratique.

Ainsi, tous les Français ne sont plus citoyens; on n'est plus citoyen qu'à la condition de payer une contribution directe, foncière, ou personnelle. - Ainsi, l'Egalité consiste seulement en ce que la loi est la méme pour tous, soit qu'elle protége, soit qu'elle punisse.

Les Girondins n'y voulaient pas même une Déclaration des droits mais, forcés par l'opinion publique de conserver cette Déclaration si généralement désirée, ils s'efforcent de la neutraliser autant que possible: elle ne dit plus comme celle de 1793, que le but de la Société est le bonheur commun; elle est accompagnée d'une Déclaration des devoirs, dans laquelle on lit :

« Les obligations de chacun envers la Société consistent à la défendre, à la servir, à vivre soumis aux lois et à respecter ceux qui en sont les organes. >>

« C'est sur le maintien des propriétés que repose la culture des terres, toutes les productions, tout le travail, et tout l'ordre social. »

Tout le mouvement progressif, depuis 89, et surtout depuis 92, vers l'égalité des fortunes, ou du moins vers l'extinc tion de l'opulence et de la misère, se trouve proscrit par la Constitution; elle ne dit et ne fait rien pour les pauvres.

Tous les Français âgés de vingt-un ans payant une contribution directe sont citoyens et membres des Assemblées pri· maires; tous sont éligibles: mais ils élisent seulement des Electeurs; et ce sont les Electeurs élus, réunis en Assem

T. IV.

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blées électorales, qui élisent les Députés. Il suffit d'être citoyen pour être éligible à la Députation; mais pour être élu électeur, il faut être propriétaire, ou usufruitier, ou locataire d'immeubles payant 40 ou 50 francs d'impôt.

Le Corps législatif se compose de 750 Députés : mais il se divise en deux Chambres appelées Conseils, l'un Conseil des cinq-cents, composé de 500 Députés âgés de trente ans, l'autre Conseil des Anciens, composé de 250 Députés âgés de quarante ans, mariés ou veufs, tous deux renouvelables par tiers chaque année et ne pouvant être dissouts.-Le premier a la proposition et la rédaction des lois; le second la sanction. C'est à-peu-près le système des deux Chambres anciennement préparé par Sieyes, Lafayette, etc.

Chaque projet doit être lu trois fois, à dix jours d'intervalle, avant la délibération, excepté dans les cas d'urgence, reconnue par le Conseil des Anciens. C'est ce Conseil qui fixe et change à volonté la résidence du Corps législatif. Chaque Conseil a une Garde. — La législature est incompatible avec toute autre fonction publique. Chaque législateur reçoit une indemnité. Aucun corps de troupes ne

peut approcher moins de 12 lieues du Corps législatif.

Les Assemblées primaires et électorales se réunissent de plein droit, chaque année, les 1er et 20 germinal.-Le Corps législatif se réunit le 1er prairial. - Chaque Conseil élit son Président pour un mois.

Le Pouvoir exécutif est confié à un Directoire composé de 5 Directeurs âgés de 40 ans, élus par le Corps législatif, renouvelables par cinquième tous les ans. Ce Directoire est subordonné et responsable. Il est chargé de faire exécuter les lois par des Ministres et d'autres agents, tous responsables; il dispose de l'armée et négocie avec les Puissances étrangères : mais le Corps législatif seul peut déclarer la guerre et ratifier les traités. Il a aussi une Garde.

En corrompant 126 membres du Conseil des Anciens, le Directoire sera maître de tout.

Le pouvoir judiciaire et le pouvoir administratif sont électifs, comme dans les Constitutions précédentes: mais les Assemblées Communales et de Sections sont supprimées; toutes associations sous le titre de Sociétés populaires ou avec des conditions d'admission, sont interdites; en sorte que le Peuple n'a plus aucune discussion, mais seulement un premier degré d'élection.

La liberté de la presse (qui intéresse la Bourgeoisie et l'Aristocratie plus que le Peuple) est illimitée; la liberté des cultes est également protégée pour tous, sans qu'aucun soit salarié ni nationalisé ; et, pour rassurer et consolider la Révolution, les Emigrés sont bannis à perpétuité, l'irrévocabilité des ventes de biens nationaux est garantie.

La Constitution peut être révisée, quand le Conseil des Anciens déclare cette révision nécessaire, et neuf ans après cette déclaration.

Telle est cette Constitution de l'an 3. Il n'est pas douteux qu'elle est un acte d'usurpation et de tyrannie, de la part des Girondins et des Thermidoriens, puisque la Constitution de 93 a été votée par la Représentation nationale, acceptée par la Nation, jurée et invoquée par la Convention, et toujours demandée par le Peuple, qui n'a donné son sang qu'à cette condition. Il n'est pas douteux que le Peuple rejeterait cette nouvelle Constitutior s'il était libre de le faire. Mais, dans la situation désastreuse où les Girondins et les Thermidoriens ont placé le pays, le Peuple est forcé d'accepter cette Cons titution pour éviter la restauration de la Royauté. Ce n'en est pas moins un premier pas vers cette restauration.

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Le 2 thermidor, après un long discours, Sieyes a présenté un autre projet de Constitution contenant: 1o un Gouverne ment de 7 membres proposant et exécutant; 2o un Tribunat discutant; 3° une Legislature jugeant et décrétant sans dis cussion; 4o un Jury constitutionnaire ou conservateur. Mais,

après discussion, ce projet a été rejeté; et le dépit de Sieyes a été tellement manifeste qu'un Député a dit à son voisin Delbret (qui le rapporte dans une notice publiée par lui):

« Ce faiseur d'utopies est tellement orgueilleux, tellement tenace dans ses idées, que, si d'un projet par lui présenté on retranchait une virgule, il n'hésiterait pas, s'il en avait l'occasion et les moyens, à faire une révolution pour rétablir la virgule.

Tout prouvera que dès ce moment Sieyes travaillera effectivement à renverser cette Constitution pour y substituer la sienne par tous les moyens, sans reculer devant aucun. Il refusera d'entrer au Directoire à son origine, parce que les circonstances ne lui permettraient pas une révolution si prochaine; mais il y entrera dans quatre ans, parce qu'il lui sera plus facile d'exécuter la révolution du 18 brumaire pour reproduire sa Constitution favorite.

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Rupture entre les Thermidoriens et les Royalistes.

Beaucoup de Girondins sont royalistes violents, quoique cachés; la masse Girondine incline certainement au Royalisme; plusieurs Thermidoriens sont aveuglement vendus aux Bourbons; et si les autres Thermidoriens, Tallien, Fréron, Fouché, etc., étaient bien sûrs de n'être jamais repoussés et proscrits par les Royalistes, il n'est presque pas douteux qu'ils persévéreraient dans leur trahison et favoriseraient définitivement la restauration: mais les Royalistes sont si vindicatifs, si violents et si perfides en même temps, que Tallien et ses amis redoutent d'être punis par eux, comme ils redoutaient d'être punis par Robespierre; et, par intérêt personnel, ils veulent conserver la République.

<< Ne voyez-vous pas, dit Dubois-Crancé, que les meneurs d'aujourd'hui ont le même système que ceux d'autrefois, celui d'une entière destruction de la Représentation nationale? Lisez la Quotidienne du jour: à peine trouve-t-elle vingt Députés dignes de son estime. Il est donc bien démontré que ce n'est point aux actions que l'on déclare la guerre, mais aux opinions, mais au gouvernement. Ne prenez pas le change sur le terrorisme que l'on vous dit prêt à renaître: il

est des hommes pour qui vous êtes tous des terroristes, car tous vous avez déclaré le Roi coupable de trahison, et voté la République. »

C'est ce danger qui a porté les Thermidoriens à faire la Constitution républicaine; et maintenant que les Royalistes ne dissimulent plus leur colère et leurs projets de vengeance, c'est la guerre entre eux et les Thermidoriens.

Les Sections Royalistes et leurs journaux demandent que tous les prisonniers soient jugés par la Commission militaire et que la Convention achève de s'épurer en chassant de son sein tous les Montagnards. La Droite de l'Assemblée les appuie; le Girondin Henri-Larivière répète l'ancien mot des Girondins: « Il n'y a point de paix possible entre le crime et la vertu. » La Droite demande même la rentrée des Emigrés partis depuis le 2 septembre. Mais Louvet, effrayé de la réaction royaliste, s'écrie:

« Dussé-je être appelé terroriste, je dirai que nulle composition n'est possible avec les Emigrés; il n'y a pour eux que la mort... Je dirai que les agents de Robespierre ne sont pas les seuls ennemis que vous ayez à surveiller et à frapper... Sans doute c'étaient des hommes de sang ceux qui, sous le régime de Robespierre, envoyaient l'innocence à l'échafaud; mais ne sont-ce pas des hommes de sang aussi ces affreux Chouans qui, ayant surpris quelques défenseurs de la Patrie, leur ont arraché les yeux avec des TIRE-BOURRES? J'en jure par vous, jamais la Terreur ne relevera ses échafauds ; mais aussi jamais le Terrorisme nouveau, quelles que soient ses exécrables manœuvres, ne parviendra à nous rendre la honte de la Royauté.

Tallien et Legendre se prononcent aussi contre les Royalistes, et exhortent les Patriotes à l'union et à l'énergie.

$ 29. Deux fameux Décrets constitutionnels pour la réélection forcée des deux tiers des Conventionnels.

Le 5 fructidor (22 août), la Convention décide que les deux tiers de ses membres seront continués en fonctions pendant un et deux ans, que l'autre tiers seulement sera remplacé, et que ces deux tiers anciens avec le tiers nouveau composeront le nouveau Corps législatif.

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