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sur-le-champ la Constitution en vigueur, de convoquer les Assemblées primaires, de dissoudre la Convention, et de renvoyer le procès à la nouvelle Législature.--Merlin de Douai appuie vivement cet avis.-Guyton-Morveau propose même d'abandonner définitivement la poursuite.

« Cette procédure, dit-il, est un scandale. Où faudra-t-il s'arrêter, si l'on poursuit tous ceux qui ont fait des motions plus sanguinaires que celles qu'on reproche aux prévenus? On ne sait en vérité si nous achevons ou si nous recommençons la Révolution. »

Mais toutes ces propositions sont rejetées, parce que les Thermidoriens d'abord, puis les Girondins et les Royalistes, ne veulent évidemment que des vengeances, la Dictature et la contre-révolution : tout est faux, injuste, violent, tyrannique, cruel, dans la situation présente de la Convention; elle serait perdue si elle convoquait les Assemblées primaires pour la remplacer; il faut donc, dans son intérêt personnel, qu'elle usurpe, qu'elle opprime, qu'elle tyrannise et qu'elle frappe le parti populaire.-Elle continuera donc le procès, mais seulement tous les deux jours.

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Les 48 Sections réunies le 10 germinal (30 mars) sont trèstumultueuses, mais se bornent à des plaintes et à des cris. La Section des Quinze-Vingts seule rédige une pétition pour le lendemain.

Pourquoi, dit-elle, Paris est-il sans Municipalité? Pourquoi les Sociétés populaires sont-elles fermées? Que sont devenues nos mois sons? Pourquoi les assignats sont-ils tous les jours plus avilis? Pourquoi les jeunes gens du Palais-Royal peuvent-ils seuls s'assembler ? Pourquoi les patriotes se trouvent-ils seuls dans les prisons? Le Peuple enfin veut être libre; il sait que, lorsqu'il est opprimé, l'insurrection est le premier des devoirs. »

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Quelle folie, si l'insurrection n'est pas prête et bien dirigée pour s'emparer du pouvoir! La majorité de l'Assemblée murmure contre cette pétition; le Président (Pelet de la Lozère) renvoie rudement les pétitionnaires; mais la Montagne

les applaudit... La Montagne est folle aussi, si ce n'est pas elle qui dirige l'insurrection!

Le soir du 11, on s'agite dans les faubourgs; on se prépare à l'insurrection pour le lendemain : mais point de chefs, point de plan, point de résolution arrêtée pour reconstituer le pouvoir populaire; le Peuple se rendra seulement en masse à la Convention pour crier Du pain! la Constitution de 93!

Le 12 germinal (1er avril) au matin, l'insurrection commence dans la Section de la Cité, par des rassemblements de femmes et d'enfants; puis, on y bat la générale; puis, la population du Temple et du faubourg Saint-Antoine se lève presque entière; et les insurgés (hommes, femmes et enfants) s'avancent sur la Convention aux Tuileries, par les quais et le boulevard, avec des bâtons et cette inscription sur leurs chapeaux Du pain et la Constitution de 93.

La Convention n'ayant qu'une faible troupe pour sa garde, le premier détachement populaire qui arrive, et qui se précipite impétueusement, force l'entrée, enfonce les portes, et pénètre dans l'Assemblée en agitant ses chapeaux et criant Du pain! la Constitution de 93!

La Majorité murmure, mais la Montagne applaudit.

Puis, la foule envahit les places vides, et s'assied au milieu des Députés sans leur faire aucune violence, tandis que le reste est debout et obstrue tous les alentours.

Legendre veut parler à la tribune: à bas! à bas! lui criet-on de tous côtés.

Merlin de Thionville quitte sa place pour tâcher de séduire le Peuple en l'embrassant, en lui témoignant de l'intérêt... Mais bientôt un second détachement populaire arrive comme un torrent qui reflue jusque dans la salle, en poussant les mêmes cris: Du pain, la Constitution de 93!

Mais l'insurrection a-t-elle des Commissaires qui vont parler et demander pour elle? - Personne d'abord! on n'entend que du bruit; et quelques Montagnards, qui voudraient que l'Assemblée pût délibérer, font de vains efforts pour obtenir de la

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foule quelque silence. Un commissaire (Vanec) paraît enfin et prend la parole au nom du Peuple.

« Représentants, dit-il, vous voyez devant vous les hommes du 14 juillet, du 10 août, et encore du 31 mai. (Ici les Tribunes, l'insurrection et la Montagne, applaudissent à outrance)... Ces hommes ont juré de vivre libres ou de mourir... Vos divisions déchirent la Patrie : elle ne doit pas souffrir de vos haines. Rendez la liberté aux Patriotes et du pain au Peuple! Faites-nous justice de l'armée de Fréron et de ces messieurs à bâtons. Et toi, Montagne sainte, toi qui as tant combattu pour la République, les hommes du 14 juillet, du 10 août, du 31 mai, te réclament dans ce moment de crise; tu les trouveras toujours prêts à te soutenir, toujours prêts à verser leur sang pour la Patrie! »

Les orateurs de plusieurs autres Sections parlent aussi dans le même sens... On applaudit, on crie: mais personne ne fait aucune demande positive, et plusieurs heures se perdent stupidement ainsi sans aucun résultat.

Cependant, le tocsin sonne au Pavillon de l'Unité pour appeler les Sections au secours de la Convention; la générale bat; la Garde nationale prend les armes ; des bataillons viennent délivrer la Convention; et l'insurrection, qui pourrait maintenant faire tout ce qu'elle voudrait, va peut-être bientôt être écrasée.

Les Montagnards, qui le sentent, font tous leurs efforts pour engager la foule à sortir et le Président à ouvrir la délibération mais, faute de discipline et de chefs, la foule résiste aux Montagnards qu'elle prend pour des ennemis; d'un autre côté, le Président et la majorité font tous leurs efforts pour amuser les insurgés et pour temporiser, afin de donner à la Garde nationale dévouée le temps d'arriver.

Elle arrive enfin lorsqu'une partie de l'attroupement s'est déjà retirée sur les exhortations de la Montagne ; et, réunie à la Jeunesse dorée, elle n'a pas de peine à disperser tout le reste... Et l'insurrection est complètement avortée.

Quelques insurgés seulement restent réunis dans la Section des Quinze-Vingts, et dans la Section de la Cité, où ils s'empa

rent de Notre-Dame et semblent vouloir continuer l'insurrection: mais ils seront bientôt battus en détail... D'autres voudront combattre demain aux Champs-Elysées et au Gros-Caillou mais ils seront encore écrasés séparément... Et, vous le voyez, il est impossible de commettre plus de fautes, plus de folies, plus de contre-sens, plus d'absurdités, que le malheureux parti populaire n'en commet dans cette circonstance, parce qu'il est sans discipline, sans chef et sans plan. Avec toutes leurs demi-mesures, le Peuple et la Montagne ont fait beaucoup trop peu pour réussir, et beaucoup trop pour ne pas s'attirer de nouveaux malheurs.

Aussi, nous allons voir la vengeance de leurs adversaires!

§ 27. — Vengeance contre l'insurrection et contre la Montagne.

Aussitôt que l'Assemblée se trouve dégagée, Isabeau lui fait un rapport sur l'insurrection, et rapporte que deux Députés (Auguis et Penières), chargés d'une mission dans Paris, viennent d'être maltraités par les insurgés. Vous devinez les cris d'indignation et de vengeance, car c'est l'affaire personnelle de tous les Députés. — Isabeau propose à l'instant : 1o de déclarer que la liberté de la Convention a été violée; 2o d'ordonner aux Comités de poursuivre les coupables.

La Montagne murmure; mais la Majorité se lève avec violence pour rendre le décret.

«Elle est là (dit en montrant la Montagne, Thibaudeau, qui s'est sauvé dès le commencement de l'orage et qui revient quand il s'agit de vengeance), elle est là la Minorité qui conspire... Le temps de la faiblesse est passé : c'est la faiblesse de la Représentation nationale qui l'a compromise et qui a encouragé une Faction criminelle. »

Le décret est voté au milieu des applaudissements; car c'est toujours avec des transports de joie que ces ardents invocateurs de l'humanité accueillent des mesures sanguinaires; et ce premier décret est le signal d'un débordement de vengeances.-L'athée André Dumont, que la Montagne suspecte de Royalisme, demande la déportation, par mesure de sûreté publique, contre Billaud, Collot, Barrère et Vadier ;

et la déportation à Brest est votée au milieu des applaudissements. — L'infâme Bourdon de l'Oise, que Robespierre regardait avec raison comme un contre-révolutionnaire caché, accuse la Minorité de trahison, et demande l'arrestation de trois Montagnards (Choudieu, Chasles, Foussedoire), qu'il accuse d'avoir encouragé les insurgés ; et l'arrestation est votée. On demande aussitôt celle de trois autres Montagnards (Duhem, Huguet et Léonard-Bourdon) qu'on accuse d'avoir été d'intelligence avec les chefs de l'insurrection; et leur arrestation est encore votée.

Et voyez la marche bizarre des événements! Ce LéonardBourdon qui, le 9 thermidor, a défendu la Convention et pris Robespierre à l'Hôtel-de-Ville, est maintenant arrêté et accusé d'avoir présidé et poussé à l'insurrection l'une des Sociétés populaires !... Nous ne le plaignons pas mais c'est encore une justification pour Robespierre qu'il a assassiné.

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On arrête aussi Amar, le membre le plus abhorré (dit M. Thiers) de l'ancien Comité de Sûreté générale et considéré comme le plus dangereux des Montagnards, ce même Amar que Robespierre voulait punir de ses cruautés et qui s'est montré l'un des plus violents ennemis de Robespierre. On décide que ces 7 Montagnards seront immédiatement transférés au chateau fort de Ham. Puis, on propose de mettre Paris en état de siége jusqu'à ce que la tranquillité soit rétablie; on nomme Pichegru commandant général de la force armée parisienne, en lui adjoignant Barras et Merlin de Thionville; et l'Assemblée se sépare à 6 heures du matin..... Il faut l'avouer, depuis le 8 thermidor, les Thermidoriens, la Plaine, les Girondins et les Royalistes, montrent bien plus d'énergie, de résolution, de discipline et d'habileté, que la Montagne, les Jacobins et le Peuple.

§ 28. Folle émeute.

Le lendemain matin, les 11 Députés sont enmenés, dans des voitures, par la gendarmerie, lorsqu'un rassemblement con

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