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les imbéciles Montagnards osent à peine murmurer... Puis, Sieyes se hâte de monter à la tribune et de proposer sa loi martiale ou de grande police, destinée à combattre l'insurrection. Mais à peine a-t-il achevé son rapport, au milieu des cris d'indignation de la Montagne, qu'un tumulte épouvantable arrive du dehors.

Nous avons dit que beaucoup de patriotes et beaucoup de jeunes gens se trouvent dans le jardin mais la masse de la Jeunesse dorée, au nombre de 1,000 à 1,200, se trouve autour du Comité de Sûreté générale, qui les dirige et qui prévoit ou qui veut provoquer du trouble. Une rixe s'étant élevée dans le jardin, et trois jeunes gens ayant été jetés dans le grand bassin, la masse, autorisée par le Comité, se précipite avec des cannes sur les Jacobins, les expulse, après une longue lutte, et en fait refluer, du côté de la Convention, une partie, qui se jette tumultueusement dans les tribunes, on pousse des cris à la porte. Peut-être même ce tumulte et ces cris viennent-ils des jeunes gens, d'accord avec le Comité, pour fournir à Sieyes un bon prétexte... Aussitôt, en effet, le Président se couvre; la Majorité se lève en criant que le danger prévu par Sieyes est arrivé et qu'il faut voter à l'instant son projet. Aux voix, aux voix! s'écrient une foule de Députés; et le projet est décrété, sans discussion, au milieu des plus vifs applaudissements.

Cependant, le tumulte (probablement factice) ayant cessé, la Montagne, qui n'a pas voté, réclame contre l'opération : mais le Président répond que la loi est rendue et qu'on n'y peut plus revenir (ce qui n'est pas, comme on va le voir).

« On (la Montagne) conspire ici avec le dehors, dit l'impudent Tallien n'importe! Il faut rouvrir la discussion sur le projet, et prouver que la Convention sait délibérer même au milieu des égorgeurs. »

Oh l'infame!... La Jeunesse dorée se présente alors, sous prétexte de protester de son dévouement, pour paraìtre avoir sauvé la Convention, qui, d'accord avec les jeunes gens pour jouer la Comédie, les couvre d'applaudissements.

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Et,

comme vous le pensez bien, le projet de Sieyes est voté de nouveau, sans désemparer et presque sans discussion.

Eh bien, comment les Thermidoriens, la Plaine, les Girondins, Sieyes, oseront-ils reprocher à Robespierre, aux Montagnards, aux Jacobins, les moyens employés par eux du 21 septembre au 9 thermidor! Mais comme ces pauvres patriotes se font bâtonner par la Jeunesse dorée! voilà ce que c'est que de n'avoir ni chefs, ni direction, ni discipline!

$ 23. Discussion brûlante sur Billaud, etc.

Le lendemain (22 mars), on doit accuser enfin et entendre Billaud, Collot, Barrère et Vadier: c'est le procès à l'ancien Comité de Salut public, à Robespierre, à la Convention et au Peuple d'avant le 9 thermidor.

Dès le matin, la Jeunesse dorée occupe la plus grande partie des tribunes et empêche les femmes d'entrer. Quelques patriotes seulement peuvent s'introduire, tandis qu'un grand nombre d'autres se rassemblent autour de l'Assemblée. Dans l'intérieur, en attendant la séance, les uns chantent le Réveil du Peuple, et les autres la Marseillaise, c'est-à-dire que les deux partis se menacent partout où ils se rencontrent.

Aussitôt que les quatre prévenus sont à la barre, Robert Lindet monte à la tribune et demande la parole. Mais Bourdon de l'Oise, qui devine qu'il veut s'associer à leur cause, a l'infamie de s'y opposer.

D

« C'est tout le Gouvernement qu'on veut juger, répond Robert Lindet; et, comme j'en ai été membre, je demande ma part de responsabilité. » Puis, dans un long discours (de six heures), il retrace les immenses travaux et les immenses services du Comité, et soutient que, s'il y a des excès, c'est la lutte qui les a entraînés... Et n'est-ce pas de même pour Robespierre?

« Mais des ingrats, dit M. Thiers, oubliant déjà les services des acaccusés, trouvent trop long le discours qui les justifie. »

Et les services de Robespierre? L'ingratitude envers lui?

Le lendemain, Carnot imite Robert Lindet: il explique que l'immensité du travail a forcé les 12 membres du Comité à s'accorder réciproquement une Dictature individuelle, à chacun dans sa partie. Il apprend qu'il s'est élevé LE PREMIER contre Robespierre et Saint-Just, et qu'il les a attaqués comme des usurpateurs, parce qu'ils avaient fait arréter un de ses meilleurs employés... Ainsi Carnot l'avoue, chaque membre du Comité était Dictateur dans sa partie, et lui-même était Dictateur pour la guerre, tout aussi bien que Robespierre pour la direction générale et la haute police politique. Et il avoue encore que c'est lui qui le premier (trompé sans doute et poussé par Billaud) s'est élevé contre Robespierre, et par conséquent qu'il est la première cause de sa chute. Eh bien, nous sommes désolés qu'il assume sur sa tête une pareille responsabilité! Quelque respect que méritent sa réputation de probité, ses talents militaires et ses services, Carnot ne nous paraît être qu'une Spécialité, un Ministre de la guerre, nullement un homme d'Etat. C'est un de ces honnêtes hommes dont la confiance est facile à surprendre, et dont l'honnêteté devient funeste au pays quand elle est exploitée par des frippons et des perfides. C'est ainsi que nous le verrons bientôt impliqué dans une conspiration royaliste, et que nous le verrons, en 1815, membre du Gouvernement provisoire, se laisser jouer par Fouché, qui le proscrira, auquel il demandera courageusement où veux-tu que j'aille, traitre? et qui lui répondra insolemment où tu voudras, imbécile!

Et quel motif il donne à son hostilité contre Robespierre! L'arrestation d'un de ses commis, à lui donné par Bourdon de l'Oise, et que Robespierre, chargé de la haute police générale, a proposé d'arrêter, ainsi qu'il en avait le droit et le devoir, comme un dangereux contre-révolutionnaire. Sans doute Robespierre a eu tort s'il a manqué de procédés envers Carnot (ce qui n'est guère probable): mais au fond, Robespierre avait peut-être cent fois raison de faire arrêter un employé qui n'était peut-être qu'un aristocrate déguisé (comme il y en avait tant), et Carnot avait peut-être cent fois tort de

vouloir conserver un employé suspect, qui pouvait livrer le secret des opérations militaires et qui était d'autant plus dangereux qu'il était plus capable. D'ailleurs, en admettant un tort tout personnel de Robespierre envers Carnot, était-ce un motif pour renverser, non pas un simple employé, mais un membre principal du Gouvernement? Et Carnot n'a pas vu ce que voyait Ingrand (p. 86), que, si l'on renversait Robespierre, la République était inévitablement perdue!

Quoi qu'il en soit, réduit à défendre ses collègues contre les Thermidoriens, Carnot fait valoir que Billaud, Collot, etc., se sont élevés les premiers contre le Triumvirat, et que l'indomptable caractère de Billaud a été le plus grand obstacle de Robespierre.

Nous doutons que ce fait suffise pour justifier Billaud aux yeux de ses accusateurs : mais aux yeux de l'Histoire !...

Prieur de la Côte-d'Or imite à son tour Carnot et Robert Lindet ; et comme ces trois hommes sont généralement estimés et considérés comme étrangers aux violences, la solidarité qu'ils invoquent avec les accusés embarrasse les accusateurs.

« Cet exemple n'est-il pas un avertissement pour la Convention, dit M. Thiers? Ne signifie-t-il pas que tout le monde a été plus ou moins complice des anciens Comités et que la Convention doit ellemême venir demander des fers, comme Carnot, etc.? En effet, elle n'a elle-même attaqué la Tyrannie qu'après les trois hommes qu'elle veut punir aujourd'hui comme complices de cette Tyrannie; et, quant à leurs passions, elle les a toutes partagées; elle est même plus coupable qu'eux si elle ne les a pas ressenties, car elle en a sanctionné tous les excès. »

Bien, très-bien! mais tout cela n'est-il pas applicable, complètement applicable à Billaud, etc., à Carnot, etc., aux Comités, à la Convention, à tout le monde, vis-à-vis Robespierre?

La discussion continue les 24, 25 et 26, au milieu d'un effroyable tumulte, parce que beaucoup de Députés se trouvent successivement nommés et compromis, et que tous en accusent d'autres pour se défendre. Mais nous allons voir le procès interrompu par une nouvelle émeute,

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Ce procès excite une agitation extrême, surtout dans les faubourgs on y dit tout haut qu'il faut marcher sur la Convention pour lui demander du pain, la Constitution et la liberté des patriotes poursuivis... Le 27, les arrivages de farine ayant manqué la veille, et chacun étant réduit à la demiration de pain, vous concevez l'effroi et l'irritation du Peuple! Les femmes de la Section des Gravilliers, quartier du Temple, refusent la demi-ration, s'attroupent en criant, et se rendent à la Convention, entraînant avec elles toutes les autres femmes qu'elles rencontrent.- Mais on n'en laisse entrer que vingt, qui crient vainement du pain, du pain! La Convention les renvoie avec des promesses, et des patrouilles dispersent le rassemblement féminin.

Pendant ce temps, les meneurs de la même Section se sont illégalement rassemblés dans la salle de la Section, ont nommé un Président et un Bureau, et veulent proclamer une insurrection mais la Convention envoie la Garde nationale et un Représentant, qui les force à se disperser; et les chefs sont arrêtés pendant la nuit.

Tous ces mouvements partiels ne serviront qu'à affaiblir le Peuple, à fortifier la Convention, à décréditer les Jacobins, et à décourager les patriotes en les habituant à être battus et bafoués. Il n'est pas vrai qu'une émeute soit toujours utile.

$25.

Proposition de dissoudre la Convention.

L'agitation causée par le procès commence à inquiéter l'Assemblée, et fait craindre une insurrection générale pour le décadi suivant, 10 germinal (30 mars), jour de réunion pour les 48 Sections. Pour éviter l'insurrection, on décrète que les Sections ne se réuniront plus le soir, mais de 1 à 4 heures.— Puis, on propose de terminer le procès par l'ostracisme.

Merlin de Thionville, ce fougueux thermidorien, qui commence aussi à s'effrayer de la Réaction, propose de mettre

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