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Vous vous dites les amis de la vertu, de la modération, de l'humanité, de la République, du Peuple... Non, c'est lui.

Plus tard, quand nous aurons vu la Réaction thermidorienne, le Directoire, le Consulat, l'Empire et la Restauration, nous jetterons, à notre dernière page, un dernier coup-d'œil sur les hommes de la Révolution, et nous acheverons de dire toute notre pensée sur Robespierre: mais dès aujourd'hui, dussions-nous être maudit par une partie des hommes, nous ne retiendrons pas l'expression que nous arrache une conscience indépendante de notre volonté, et nous dirons :

Les ennemis de Robespierre ont torturé son agonie; une foule aveuglée l'a poursuivi, jusqu'à l'échafaud, de ses outrages, de ses malédictions et de ses anathèmes; sa mémoire, calomniée et proscrite dans toute l'Europe, est accablée d'ignominie... Mais Jésus-Christ, condamné par les Prêtres et les Aristocrates de Jérusalem, comme un séditieux, comme un révolutionnaire, comme un usurpateur, comme un démagogue, comme un ami de l'ouvrier, du pauvre et de l'esclave, comme un prédicateur de l'Egalité, de la fraternité et de la communauté des biens, n'a-t-il pas été torturé par ses ennemis, moqué par une soldatesque aveugle, outragé par une population égarée, crucifié comme un voleur et un misérable, et couvert de tous les opprobres, tandis que ses sectateurs ont été martyrisés comme le rebut et la peste du Genre humain? et néanmoins, trois siècles après sa mort, l'Univers ne se prosternait-il pas au pied de ses autels?..... Le jour de la justice ne manquera pas d'arriver aussi pour le martyr du 9 thermidor; et, nous en avons la plus profonde conviction, son désintéressement, son amour du Peuple et son dévouement à l'Humanité, reconnus enfin, lui donneront une place élevée dans la recon. naissance et l'estime des Peuples.

Mais la calomnie n'est pas encore réduite au silence; l'erreur et le préjugé ne sont pas encore détruits: toute invocation du nom de Robespierre, toute démonstration qui tend à remettre publiquement sa mémoire en honneur, ne peuvent

encore que servir de prétexte aux ennemis du Peuple pour calomnier et compromettre sa cause; Robespierre, si prudent, si prononcé contre tous les emblèmes matériels que des traîtres peuvent adopter pour les déshonorer, conjurerait luimême ses plus ardents admirateurs de s'abstenir de toute manifestation qui peut être nuisible sans être nécessaire: c'est la vérité qu'il est utile de délivrer des chaînes du mensonge; et c'est assez que quelques soldats de l'Humanité se dévouent personnellement pour préparer sa délivrance et son triomphe.

$51. Pensées de Saint-Just.

Nous regrettons de ne pouvoir citer en détail les notes trouvées sur Saint-Just au moment de sa mort, et qu'il destinait à entrer dans ses futurs rapports, si la victoire leur eût permis de développer leur plan d'organisation sociale : nous ne pouvons citer que les pensées suivantes :

« Faire exécuter les lois sur l'éducation, voilà le secret... Ne pas admettre le partage des propriétés, mais le partage des fermages..... -Les circonstances ne sont difficiles que pour ceux qui reculent devant un tombeau je l'implore, le tombeau, comme un bienfait de la Providence, pour n'être plus témoin de l'impunité des forfaits ourdis contre ma Patrie et l'Humanité. Certes, c'est quitter peu de chose qu'une vie malheureuse dans laquelle on est condamné à végéter le complice ou le témoin impuissant du crime........ Le jour où je serai convaincu qu'il est impossible de donner au Peuple français des mœurs douces, énergiques, sensibles, inexorables pour la tyrannie et l'injustice, je me poignarderai............ La Révolution doit s'arrêter à la perfection du bonheur et de la liberté par les lois... Il faut que tout le monde travaille: alors l'abondance reprendra son cours; il faudra moins de monnaie; il n'y aura plus de vices publics..... défie qu'il n'y ait plus de malheureux, si l'on ne fait en sorte que chacun ait des terres. Là où l'on voit de très-gros propriétaires, on ne voit que des - Il ne faut ni riches ni pauvres... — Le pauvres..... domaine public est établi pour réparer l'infortune des membres du Corps social... Il faut une doctrine qui assure l'aisance au Peuple tout entier : il faut détruire la mendicité par la distribution des biens nationaux aux pauvres.... Il faut tâcher de donner à tous les Français les moyens d'obtenir les premières nécessités de la vie sans dépendre d'autre chose que des lois.... Les collatéraux autres que les

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frères et sœurs ne succèdent pas...

Il n'y aura point de domesticité celui qui travaille pour un citoyen est de sa famille et mange avec lui..... - Dans toute révolution, il faut un Dictateur pour sauver l'État par la force, ou des Censeurs pour le sauver par la vertu. »

$ 52. Faits divers.

Pour ne pas ralentir ou compliquer le récit du 9 thermidor, nous avons écarté quelques faits intéressants, que nous allons reprendre rapidement.

La Coalition en général, et spécialement le Gouvernement Anglais, désiraient et provoquaient si vivement l'assassinat de Robespierre comme seul moyen de perdre la République que, dans des bals masqués à Londres, on permettait de présenter publiquement deux masques, dont l'un représentait Robespierre et l'autre Charlotte Corday le poursuivant avec un poignard....... Et les journaux Anglais publièrent cette provocation à l'assassinat.

On se rappelle sans doute l'Armoire de fer et le serrurier Gamin, qui donnait des leçons de serrurerie à Louis XVI, qui a fait et dénoncé cette armoire : le 8 floréal an 2 (27 avril 1794) il adressa à la Convention une pétition dans laquelle il exposait que :

« Le 22 mai 1792, Louis XVI l'appela de Versailles pour lui faire faire cette armoire. Aussitôt l'ouvrage fini, le Roi (d'autres disent que c'est la Reine) lui apporta lui-même un grand verre de vin....... Quelques heures après (retournant à Versailles), il fut pris d'une colique violente... Quelques cuillerées d'élixir (données par un pharmacien) lui firent rendre tout ce qu'il avait bu et mangé... Mais une maladie terrible, qui a duré 14 mois, l'a mis hors d'état de travailler pour soutenir sa famille. »

Après un rapport foudroyant contre Louis XVI, la Convention rendit le décret suivant :

« F. Gamin, empoisonné par Louis Capet, jouira d'une pension de 1,200 francs, à compter du jour de l'empoisonnement. »

Nous ne dirons rien de la fête de la Fédération ou du 14 juillet, qui n'a consisté qu'en chants de victoire et en mu

sique dans le Jardin National (des Tuileries); ni d'une fête en l'honneur de Chálier, Maire populaire de Lyon, que les Girondins et les Royalistes ont condamné pendant l'insurrection Girondine, dont la tête n'a été tranchée qu'au quatrième coup, et qui, au 3me, a demandé qu'on lui attachât une cocarde tricolore; ni des fêtes pour conduire au Panthéon les jeunes Barra et Viala, le Représentant du Peuple Fabre de l'Hérault, tué à l'armée des Pyrénées, et le pavillon du Vengeur (p. 21).

Mais nous ne pouvons passer sous silence les repas civiques ou fraternels, commencés en juillet, pendant le redoublement des exécutions : les tables étaient dressées dans les rues, devant les maisons; et les domestiques s'y asséyeaient avec leurs maîtres, sur le pied de l'égalité... On soupçonna bientôt que c'était une invention et un piége de l'Étranger et de l'Aristocratie, qui croyait trouver là un moyen facile de se populariser en affectant les principes de fraternité....... Aussi, la Commune et le Comité de Salut public blâmèrent cet usage et firent remarquer que les Aristocrates n'en étaient pas moins Aristocrates, puisqu'ils conservaient leurs domestiques, et les traitaient toujours en maîtres dans l'intérieur de la maison,

Néanmoins, le sentiment de fraternité que pouvaient exciter ces repas civiques était aussi sincère dans le Peuple qu'hypocrite chez les Aristocrates, les principes de morale, de probité, de dévouement patriotique, proclamés dans les discours de Robespierre, de Saint-Just, de Barrère et de Billaud, avaient rapidement introduit dans la population, chez les femmes comme chez les hommes, les mœurs et les vertus républicaines. La disette ne cessant pas, on s'imposait un caréme civique ; les montagnards Basques envoyaient leurs jambons à leurs frères les Parisiens; les Jacobins portaient des sabots pour envoyer leurs souliers à leurs frères des armées.

Ces Jacobins, qui donnaient l'impulsion pour toutes les pratiques de morale et de probité, on les calomniera désormais comme Robespierre on dira que leur devise liberté,

fraternité ou la mort, ou bien vivre libre ou mourir, signifiait pense comme moi ou je te tue, tandis qu'elle signifiait nous préférons la mort à l'esclavage. On dira aussi que cette question qu'ils adressaient au récipiendaire, qu'as-tu fait pour étre pendu signifiait quel vol, quel assassinat astu commis, tandis qu'elle signifiait quel acte patriotique astu fait pour la Révolution contre la Restauration?

Sans doute il faut déplorer le sang versé pendant la Terreur : mais n'était-ce pas la faute de l'Aristocratie? La Coalition, attirée par elle, ne continuait-elle pas à menacer la France de toutes les calamités? Ne conspirait-elle pas sans cesse pour amener l'invasion et la contre-révolution? Ne soufflait-elle pas toujours dans l'intérieur les divisions, la discorde, les trahisons, et même les assassinats? Des milliers de patriotes ne périssaient-ils pas tous les jours sur les champs de bataille et même sur les échafauds, et n'était-elle pas la première cause de tous ces meurtres commis sur le Peuple? Toutes les grandes vengeances révolutionnaires n'ont-elles pas été provoquées par d'immenses dangers et par de grands attentats, comme l'invasion, l'insurrection Girondine, la trahison de Toulon, l'assassinat de Marat, la tentative contre Robespierre et Collot, et les provocations étrangères contre les membres du Gouvernement?

Et quoique le nombre des victimes populaires soit déjà bien supérieur à celui des victimes aristocrates (Léonard Gallois prétend qu'il est dix fois plus grand), que de nouvelles victimes patriotes nous verrons désormais immolées par les contre-révolutionnaires et leurs alliés!

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