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mence par l'appeler un fanatique, UN MONSTRE... Mais comment concilier tout cela? - Quand Bonaparte assiste à la prise des Tuileries au 10 août (t. 3, p. 54 ); quand il écrit le souper de Beaucaire en 1793 (t. 3, p. 458); quand il se lie avec Robespierre jeune, en mission à l'armée de Nice; quand celui-ci lui fait lire les lettres qu'il reçoit de son frère; quand il correspond lui-même avec lui; il ne trouve pas que Robespierre est un monstre; il l'admire au contraire, à tel point que ses lettres, saisies par les Thermidoriens (et qu'il aura bien soin de se faire rendre plus tard), le feront destituer comme complice de Robespierre.

Il est tout naturel et tout tout simple ensuite que, devenu l'ami de Barras, que Robespierre voulait punir et qui a tué Robespierre, devenu l'époux de la maîtresse de Barras (amie de madame Tallien), devenu l'ennemi des Démocrates par ambition, devenu Consul et Empereur, il devienne le détracteur officiel de Robespierre et de son système, tout en accordant à sa sœur, sur la proposition de Fouché (qui avait dû l'épouser), une pension de 3,000 francs (qui sera continuée et réduite à 1,500 francs par Louis XVIII). Mais, parce que Robespierre aura cru, avec toute la France, que la Terreur était nécessaire pour sauver le pays, comment peut-il l'appeler un fanatique et un monstre, lui qui se croira soumis à d'horribles nécessités, lui qui croira nécessaire de mitrailler la Garde nationale au 13 vendémiaire, de faire massacrer, à Jaffa, 4,000 prisonniers à qui la capitulation aura promis la vie, de déporter 37 Représentants du Peuple, de faire fusiller le Duc d'Enghien, et de faire tuer des millions d'hommes sur les champs de bataille, sans savoir comme lui électriser la Nation pour empêcher l'invasion étrangère; car n'oublions pas que c'est à Robespierre que Bouillé et De Maistre (p. 129) attribuent le salut de la France en 1792 et 1793!

Du reste, écoutez comme on traitera Napoléon lui-même ! «Le règne de Bonaparte était le plus odieux des opprobres pour quiconque est digne d'être Français. La bouche de ce Corse, au teint de plomb et à l'œil de tigre, n'a jamais souri qu'au carnage! »

« Le 20 mars, le Tyran, protégé par une soldatesque parjure,vint usurper la place dans un palais en deuil et dans une capitale orpheline... » « La souplesse de jarrets avec laquelle il a grimpé si rapidement sur l'échelle du Northumberland pour s'enfuir en Amérique, toutes ces belles menaces de passer de cette vie dans l'autre, se sont bornées à passer du Bellerophon sur le Northumberland, et à déployer dans ce passage tout le talent d'un danseur de corde.... Cet homme est un des meilleurs acteurs qui aient paru; le mélodrame lui convenait comme la farce; il pleurait avec la même facilité qu'un Crocodile. »

Voilà ce que dira de Napoléon un grave Journal (les Débats), en juin 1815; et voici ce que le même journal dira du même homme, en mai 1840:

Napoléon ne fût-il qu'un grand guerrier, nous nous inclinerions devant lui, comme devant un nom sans égal peut-être dans l'histoire: mais notre époque, qui sait être juste envers tous, ne peut oublier que c'est Napoléon qui a dompté l'anarchie révolutionnaire, qui a relevé la France humiliée, qui a ramené la Religion proscrite; que tout ce que nous possédons aujourd'hui d'institutions fortes et durables, le Conseil-d'État, l'Université, le Code, c'est à lui que nous les devons; que cette centralisation énergique, que cette forte administration qui nous a permis de survivre à tant de convulsions politiques, c'est l'ouvrage de Napoléon. Aussi nous associons-nous complètement au noble projet qu'à conçu le Gouvernement. La reconnaissance pour les services rendus, l'admiration pour le génie, le culte des souvenirs, c'est là le premier devoir des Nations, le signe le plus certain de leur grandeur, l'encouragement le plus efficace qu'elles puissent accorder aux grandes vertus politiques. ›

Nous n'examinerons pas si ces éloges ne conviennent pas un peu à Robespierre: nous remarquerons seulement que, puisqu'on a fini par rendre justice aux Gracques et à Napoléon, longtemps calomniés et flétris, les calomnies accumulées sur Robespierre n'empêcheront pas la justice de la Postérité.

$47. Tardif hommage à la mémoire de Robespierre.

Un grand nombre des ennemis de Robespierre finiront par regretter sa chute et rendre hommage à sa mémoire, même les plus acharnés d'abord, notamment Cambon et Vadier, qui l'ont attaqué dès le 8 thermidor; Thuriot, qui l'a empêché de parler le 9; Léonard Bourdon, qui l'a arrêté; Mer

lin de Thionville, Amar, Lecointre, Lesage-Senaut, même Louvet qui a commencé de l'accuser de Dictature.

Exilé en Belgique, le vieux Vadier, l'inventeur du sceau à fleurs-de-lis, ne parlera de Robespierre qu'en ótant son chapeau, et dira souvent avec douleur, à la porte du tombeau, ce grand homme, nous l'avons assassiné!

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« Il était impossible à Robespierre de remplir le rôle d'Usurpateur (il ne l'arnbitionnait pas): mais pourquoi lui fut-il donné de survivre à tous ces révolutionnaires fameux qui lui étaient si supérieurs (non) en génie et en puissance, à un Danton, par exemple?.... Robespierre était intègre, et il faut une bonne réputation pour captiver les masses; il était sans pitié (non), et elle perd ceux qui en ont dans les révolutions. (Il en avait autant que Danton et tous les autres, plus que ses vainqueurs, et c'est ce qui l'a perdu lui-même); il avait un orgueil opiniâtre et persévérant (pas prouvé, calomnie), et c'est le seul moyen de se rendre toujours présent aux esprits (non; le zèle, le dévouement, l'enthousiasme, la vertu, le talent, sont des moyens plus sûrs). Avec cela il dut survivre à tous ses rivaux (non; il fallait d'autres qualités). Mais il fut de la PIRE ESPÈCE des hommes: un DÉVOT sans passions, SANS LES VICES auxquels elles exposent, mais sans le courage, la grandeur et la sensibilité qui les accompagnent ordinairement, un DÉVOT ne vivant que de son orgueil et de sa croyance, se cachant au jour du danger (est-ce qu'il s'était caché à l'Hôtel deVille? Est-ce qu'il y avait un homme plus compromis chaque jour depuis 5 ans? Est-ce qu'il n'est pas mort sur l'échafaud et avec courage?), revenant se faire adorer après la victoire remportée par d'autres, est un des êtres LES PLUS ODIEUX qui ont dominé les hommes, et on dirait des PLUS VILS, s'il n'avait eu une conviction forte et une intégrité reconnue. »

Et nous, nous soutenons que c'est la plus monstrueuse des contradictions de dire qu'un homme qui a une conviction forte et une intégrité reconnue puisse être un des êtres les plus ODIEUX! Moïse, Socrate, Jésus-Christ (qui s'indignait contre les Pharisiens et les riches, qui les appelait race de vipères et qui les vouait aux enfers), n'avaient-ils pas aussi des convictions fortes?

Nous soutenons que c'est l'une des plus inconcevables er

reurs ou l'une des plus étonnantes inconséquences, ou même l'une des plus révoltantes calomnies, après tous les faits ci-dessus racontés, d'appeler dévot, homme de la pire espèce et des plus odieux, ce Robespierre nourri de la philosophie de Rousseau qu'il étudiait sans cesse, ce même homme dont M. Thiers disait à l'époque du 7 mai (car c'est par la bouche de M. Thiers que nous voulons répondre à M. Thiers) (p. 13).

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Robespierre doit être le rapporteur du projet de décret pour la reconnaissance de l'Étre-Suprême plutôt qu'aucun des autres membres des Comités : Il est leur chef à tous, est consulté sur toutes les matières, ne prend la parole que dans les grandes occasions. Il traite les hautes questions morales et politiques. On lui réserve ces beaux sujets comme plus dignes de son talent et de sa VERTU... Aucun ne s'est prononcé plus fortement contre l'athéïsme; aucun n'est aussi VÉNÉRÉ; aucun n'a une aussi grande réputation de PURETÉ et de VERTU ; aucun enfin, par son ascendant et son dogmatisme, n'est plus propre à cette espèce de PONTIFICAT. »

Et c'est ce même Robespierre que le même historien appelle un être de la pire espèce et des plus odieux!!

$ 49.

La chute de Robespierre est-elle heureuse ou malheureuse?

Telle fut, dit M. Thiers, cette heureuse catastrophe qui termina la marche ascendante de la Révolution pour commencer sa marche rétrograde. »

Mais si Robespierre eût été vainqueur, il aurait fallu ́ou QU'IL CÉDAT au sentiment général ou qu'il succombât plus tard. Comme tous les usurpateurs, il aurait été forcé de faire succéder aux horreurs des Factions un régime calme et doux. »

C'est encore ici une des innombrables contradictions de M. Thiers; car nous l'avons vu reconnaître bien souvent que ses collègues et ses adversaires, Billaud-Varennes, Collotd'Herbois, Vadier, Amar, Vouland, etc., étaient plus encore que lui partisans de la Terreur et de sa prolongation.

Si Robespierre avait fait épurer les deux Comités, s'il avait obtenu des collègues partageant complètement ses vues et ses plans, ou s'il avait fait organiser un Triumvirat, sous l'au

torité Suprême de la Convention, ou s'il avait été investi de la toute puissance sous le titre de Président, ou de 1er Consul ou de Dictateur, nous ne doutons pas qu'il aurait bientôt supprimé la Terreur, en rétablissant graduellement, sans réaction et sans secousse, l'empire des lois douces et humaines : nous ne doutons pas qu'il aurait organisé définitivement la Démocratie et fondé solidement le bonheur général d'après ses principes déjà proclamés d'Égalité, de probité, de moralité, de justice, de Divinité et de vertu.

Il n'y avait plus qu'un moment à attendre, et la Révolution triomphante assurait la Réforme sur la Terre au profit de l'Humanité.

Loin d'être heureuse, la catastrophe du 9 thermidor est peut-être ce qui pouvait arriver alors de plus malheureux pour la France, et pour le Monde; car la France va se retrouver lancée dans l'anarchie, les luttes, les vengeances, les réactions, les intrigues, les corruptions, les immoralités, la Terreur, les massacres, les guerres civiles et le Despotisme.

$ 50. Contrepied de la vérité.

De tous les faits qui précèdent ne résulte-il pas manifestement, en résumé, que les historiens qui ont sacrifié Robespierre aux Thermidoriens ont pris le contre-pied de la vérité? Pour nous, nous dirons à ses ennemis vainqueurs :

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Vous l'accusez d'être cruel... Non, c'est vous;- d'être la principale cause de la Terreur... Non, il l'est moins que vous; -d'être l'auteur du redoublement d'exécutions... Non, c'est vous, d'avoir voulu prolonger les supplices... Non, c'est vous; - d'être l'ennemi du Peuple... Non, c'est vous; — d'être un contre-révolutionnaire... Non, ce sont beaucoup d'entre vous; - d'être un usurpateur, un tyran... Non, c'est vous;-d'être envieux, jaloux, orgueilleux... Non c'est vous; il est plutôt trop modeste, et n'a pas assez le sentiment de sa force et de sa supériorité; d'être ambitieux... Non, c'est vous; et c'est un malheur qu'il n'ait pas plus d'ambition. -Vous l'appelez assassin de la Patrie... Non, c'est vous.

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