Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

du Peuple? N'est-ce pas sa popularité qui a popularisé le Comité de Salut public et la Convention elle-même? Et puisqu'il y avait rupture subite entre la Convention et lui; puisqu'il fallait choisir, sans examen, entre des hommes inconnus et cet homme éprouvé; puisque la perfidie et la trahison pouvaient se trouver dans ses adversaires aussi bien que dans lui, la prudence et la raison ne criaient-elles pas au Peuple de tout préjuger en faveur de Robespierre, et de courir sans hésitation autour de lui? En abandonnant un moment son chef et son ami, le Peuple s'est perdu!...

Mais Robespierre n'est-il coupable de rien envers le Peuple? $ 40. Le Peuple seul peut lui faire un reproche. Malheureusement Robespierre n'est pas homme d'action, comme Rousseau qui l'inspirait de sa philosophie ne le serait pas lui-même, comme Jésus-Christ n'en a pas joué le rôle....... Et ce défaut, dans sa position, lui a fait faire des fautes énormes que nous avons déjà signalées : ce sont des fautes d'avoir quitté le Comité de Salut public; d'avoir laissé la direction des affaires à des adversaires qui ne lui inspiraient point de confiance; d'avoir abandonné au Comité de Sûreté générale l'exécution de la terrible loi du 22 prairial; de n'avoir pas demandé l'épuration des Comités avant de parler d'accusation; d'avoir demandé la punition d'un trop grand nombre de coupables dans la Convention; de n'avoir pas désigné les Députés menacés; de s'être trop isolé; et de n'avoir pas discuté la question de manière à fixer parfaitement l'opinion, non-seulement de la Convention mais de la France et de Paris surtout.

Ce sont des fautes immenses notamment de ne pas avoir préparé l'insurrection pour le 7 thermidor, ni pour le 8, ni pour le 9; d'avoir refusé, le 8, de désigner les membres menacés ; d'avoir empêché d'enlever, le soir, les membres des Comités; de n'avoir pas appelé les 3,000 élèves-officiers de l'Ecole de Mars; d'avoir empêché Henriot de l'enlever du Comité de Sûreté générale; enfin d'avoir désapprouvé l'insurrection de la Commune.

Nous concevons encore qu'il n'ait pas voulu être délivré par Henriot, dans le Comité de Sûreté générale, à 6 heures (p. 95), et qu'il ait voulu paraître devant le Tribunal révolutionnaire, quoique la Convention eût violé toutes les règles en lui refusant la parole, quoiqu'il l'eût appelée lui-même une Assemblée de brigands et d'assassins qui PERDAIENT la République... Nous concevons qu'il pouvait encore tout sauver en s'expliquant devant des Juges, s'il n'était pas poignardé auparavant (ce qui était à craindre), s'il n'y avait pas d'émeute, et si les Jacobins, la Commune, le Peuple, se levaient avec calme, seulement pour protéger la liberté de sa défense: son accusation se serait presque certainement transformée en triomphe.

Mais quand la Commune, les Jacobins, une partie du Peuple, se sont (à tort ou à raison) compromis, pour lui personnellement autant que pour la République ; quand le tocsin sonne; quand la générale bat; quand l'insurrection est proclamée; quand le glaive est tiré; quand le Rubicon est passé; quand il ne s'agit plus, pour lui, pour son frère et ses amis, pour la Commune, pour les Jacobins et pour le Peuple, que de vaincre ou de périr; quand le mal, en cas de défaite, serą mille fois plus grand que s'il était condamné lui seul; quand il a exhorté les Jacobins, hier soir (p. 81), à renouveler un 31 mai, si le rapport de Saint-Just et son nouveau discours étaient insuffisants; quand il a reconnu lui-même que les conjurés l'assassinaient en lui refusant la parole et perdaient la République (p. 94); quand la Commune lui déclare qu'il ne s'appartient pas et qu'il se doit tout entier au Peuple et à la Patrie; quand son frère, Saint-Just, Lebas, Couthon, le pressent de sauver la République ; quand personne n'est plus convaincu que lui qu'il s'agit du sort de la France et même de l'Humanité; comment peut-il hésiter un moment?... Est-ce la crainte de succomber, de laisser une mémoire flétrie, de passer pour un ambitieux, pour un usurpateur, pour un Cromwell?.. Mais il triompherait presque certainement ; et d'ailleurs, il s'agit bien de cela, de sa mémoire, de lui!

C'est de la France qu'il s'agit, de l'Humanité! Périsse notre mémoire pourvu que la Patrie soit sauvée, voilà le seul cri qui convient à son indubitable dévouement... Puis, après la victoire, s'il tient à mettre son désintéressement à l'abri de tout soupçon, il se constituera prisonnier; il demandera d'être jugé par la Nation; il se démettra de toute fonction ; il proposera un autre Dictateur; il se plongera s'il veut dans le néant de la retraite et de l'obscurité !

Ce n'est pas assez, pour le justifier, de répondre qu'il a payé ses fautes de sa vie : dans la position que son zèle et les événements lui avaient donnée, le salut de la Patrie était dans sa main; il a demandé qu'on se reposât sur lui du salut commun; il est donc responsable de tous les malheurs qu'ont entraînés ses fautes.

Il a volontairement couru la chance d'être victime des hommes faibles plutôt que de les exposer dans une insurrection mais les hommes faibles, instruments des méchants, vont égorger le Peuple ou l'enchaîner !

:

Ses ennemis doivent lui rendre grâce de ce qu'il a préféré la douceur à l'insurrection; mais le Peuple et la Révolution peuvent lui reprocher d'avoir perdu ses amis pour avoir voulu ménager ses ennemis!

Absout par l'Histoire de ses rigueurs envers les contre-révolutionnaires, c'est du mal qu'il fait involontairement au Peuple par sa modération qu'elle lui demandera compte ! Ou plutôt elle gémira de son imperfection révolutionnaire; car c'est l'intention seule qui peut rendre coupable, et quel homme fut jamais plus dévoué au bonheur du Peuple? Comment faire un reproche à celui qui se dévoue et qui meurt pour le Peuple et pour l'Humanité !

[blocks in formation]

Si Robespierre avait été jugé par le Tribunal révolutionnaire, et si le Peuple était resté spectateur pacifique du procès, il est probable qu'il aurait été acquitté et porté en triom

phe la victoire sur la Convention était encore assurée. En l'enlevant de sa prison malgré lui, sans avoir préparé dès le matin l'insurrection, et sans marcher immédiatement et résolument sur la Convention, la Commune l'a compromis et l'a perdu en se perdant elle-même. Et voyez le danger de l'anarchie, pour le Peuple surtout et surtout en Révolution ! Tout est perdu parce que la Commune agit sans consulter Robespierre, et que Robespierre résiste à l'impulsion de la Com

mune.

Mais, il faut l'avouer, toutes les fautes du 9 sont la suite de la faute commise par Robespierre en négligeant de préparer l'insurrection dès le 8 au soir ou dès le 9 au matin.

$ 42.

· Mémoire de Robespierre nécessairement calomniée. Les vainqueurs n'avouent jamais qu'ils n'avaient pas raison, et soutiennent toujours que les vaincus avaient tort... Après la vengeance surtout, et plus le vainqueur se montre impitoyable et cruel, plus la mémoire du vaincu doit être calomniée... Jugez donc des calomnies contre la mémoire de Robespierre, puisqu'on l'a assassiné sans lui permettre aucune défense, puisqu'on égorge 103 de ses amis en trois jours, puisqu'on immolera tout le Tribunal révolutionnaire, accusateur, jurés et juges! Pour expliquer une pareille boucherie, il faut transformer les victimes en brigands et en scélérats.

Jugez aussi des cris et des anathèmes des Aristocrates, des contre-révolutionnaires, des Emigrés et des Rois, habitués à entendre nommer Robespierre comme le Chef du Gouvernement révolutionnaire! Ils savent bien que les Thermidoriens étaient plus cruels contre eux que Robespierre: mais c'est adroit de leur part de leur accorder une trève, de paraître croire à leur innocence, de les caresser même, et de faire cause commune avec eux pour concentrer toutes les attaques sur Robespierre, parce qu'en flétrissant le plus pur des révolutionnaires ils flétriront indirectement tous les autres et la Révolution elle-même en sa personne. Tous s'accordent donc à rejeter sur lui tous les excès et tous les crimes.

Sa mémoire, désormais à la merci de ses ennemis triomphants (et quels ennemis)! sera donc nécessairement calomniée et flétrie... Admiré, vanté, vénéré, adoré de son vivant, il va devenir le bouc émissaire chargé de toutes les iniquités d'Israël.

Et ses ennemis saisissent tous ses papiers, tous ceux de Lebas, de Saint-Just, etc., tous ceux des Jacobins, tous ceux de la Commune, et disposent de tous ceux des Comités.

Et Courtois, qui fera un rapport sur ces papiers, longtemps après, sera maître de supprimer tous ceux qui le justifient, d'altérer les autres, de ne les imprimer que tronqués et dénaturés, et d'y substituer même de fausses pièces accusatrices.

Et l'infâme Fouché, qui va devenir Ministre de la police, sera maître de piller et de voler les Archives publiques des Comités et de la Convention pour en enlever tout ce qui pourrait le condamner lui et ses amis et justifier leur victime.

Et tous les Gouvernements qui vont se succéder, tournant de plus en plus le dos à la Révolution, auront intérêt à jeter l'exécration sur son nom pour enchaîner la Démocratie. Robespierriste, Jacobin, Démocrate, deviendront des titres tellement proscrits que personne n'osera les prendre dans la crainte des persécutions, et que tous les ambitieux les accableront d`anathèmes pour obtenir les faveurs du Pouvoir.

Et, son frère mourant avec lui, il ne laisse aucun parent capable d'élever la voix pour prendre sa défense, mais seulement une sœur, qu'on jette en prison, qui n'aura d'autre ressource sur la terre que la générosité d'un citoyen ( Maihon), assez courageux pour la recueillir dans sa famille, ni d'autre consolation que l'amitié d'une jeune fille (mademoiselle Mathon) qui lui consacre son existence par dévouement pour la mémoire de Maximilien.

Ce n'est pas non plus la famille Lebas ni la famille Duplay qui pourront prendre sa défense; car tous les Duplay sont jetés dans les cachots, même la mère, que les vainqueurs y feront étrangler ou pendre le vieux père de Lebas, aussi patriote

« ZurückWeiter »