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Sous la Constituante, il a demandé l'abolition de la peine de mort; il l'a demandée encore après la condamnation de Louis XVI; il s'est indigné du vote du duc d'Orléans contre son cousin.

Voudra-t-on lui reprocher son approbation du Gouvernement révolutionnaire? Mais s'il était cruel pour l'avoir approuvé, tous les membres des Comités et de la Convention, les innombrables Jacobins de toute la République, le Peuple, Paris, la France presque entière et l'Armée, seraient aussi cruels que lui. C'est lui, au contraire, qui, sans crainte de se perdre, a sauvé les 73 Girondins que les ultrà-révolutionnaires voulaient immoler et qui vont être rappelés (p. 46); c'est lui qui a bravé la vengeance de Ronsin, etc., pour empêcher un nouveau 2 Septembre (t. 3, p. 546); c'est lui qui a empêché Billaud-Varennes, etc., de sacrifier avec Danton tous ses amis (t. 3, p. 564); c'est lui qui voulait sauver la sœur de Louis XVI, dont la mort lui paraissait inutile; c'est lui qui a fait rappeler les plus féroces Proconsuls, les Tallien, les Fouché, les Carrier, pour les empêcher de continuer leurs cruautés; c'est parce qu'il voulait punir les barbaries de que!ques Représentants qu'il s'en est fait de dangereux ennemis. Il n'était pas cruel l'homme qui disait hier aux Jacobins (p. 81): Je défends encore une fois les hommes faibles, dussé-je étre demain LEUR VICTIME; et si l'on s'obstinait à l'appeler cruel, il faudrait dire que les Carnot, les Prieur, les RobertLindet, eux-mêmes, sont plus cruels que lui, puisqu'ils ont signé, en son absence, toutes les dernières boucheries (p. 87).

Loin d'être un homme impitoyable et cruel, c'est parce qu'il a préféré la douceur à la violence qu'il a péri lui-même. Oui, il faut le dire, il faut le répéter sans cesse, Robespierre n'a péri que parce que les moyens violents et sanguinaires répugnaient à sa philantropie et à son humanité!

Mais du moins Robespierre n'est-il pas orgueilleux, fa• rouche?- Ecoutons l'Histoire parlementaire :

<< Les Montagnards qui trahirent la cause de Robespierre le 9 thermidor, et dont la défection fut la seule cause de cette journée, allèguent, entre autres motifs de leur démarche, que l'orgueil du chef des Jacobins les avait tous humiliés ou froissés. Ils ajoutent que ses idées religieuses, et notamment son discours du 7 mai, ainsi que la fête du 10 juin, avaient fini de le perdre dans leur esprit. Tous ou presque tous étaient matérialistes; et, disaient-ils, ils n'avaient pas condamné Louis XVI à mort pour se donner un maître. Tel est le sentiment que nous avons recueilli, tant dans les écrits des Montagnards qui ont publié des Mémoires que dans la conversation du petit nombre de ceux que nous avons pu consulter. La portée toute négative de la Convention nationale ne saurait être mieux caractérisée. Il n'y avait dans cette Assemblée qu'un principe de destruction. »

« On conçoit fort bien pourquoi les Montagnards se sont accordés à reprocher à Robespierre d'avoir de l'orgueil: hommes d'un talent médiocre pour la plupart et d'une probité plus que suspecte, le pouvoir dont les investissait le titre de Représentant du Peuple les avait enivrés. Aussi, lorsqu'il arrivait à quelques-uns d'oublier leur qualité de Représentants pour ne faire attention qu'à leur pauvre et méprisable individualité, devaient-ils entrer en fureur. Il était tout simple que Robespierre, qui connaissait leur ignorance et leurs prétentions, qui savait les scandales de la vie privée, les prévarications, les crimes, d'un grand nombre, laissât percer devant ces personnages le profond dégoût qu'ils lui inspiraient, et qu'il prît avec eux le ton d'un supérieur. C'est l'orgueil démesuré des Montagnards qui leur en a fait trouver chez Robespierre. >

« Ceux qui ont vécu dans son intimité louent avec enthousiasme la pureté de ses mœurs, sa bonté, son affabilité, sa douceur. Les qualités que ses amis lui attribuent expliquent seules, en effet, ce cortége de dévotes dont on a voulu lui faire un ridicule. Certes, celui qui inspirait un zèle si ardent pour sa cause, parmi ce qu'il y avait à Paris de femmes plus morales et plus dévouées, devait être un homme BON et MORAL. A la fin d'un siècle qui avait affiché, enseigné, le plus grand mépris pour les femmes, qui s'était plu à les dépeindre comme des êtres frivoles, passionnés pour le plaisir, naturellement dépravés et corrompus, et cela afin d'autoriser toutes les séductions et toutes les entreprises criminelles que l'on tenterait contre elles, celui qui estimait et qui respectait encore les femmes, celui qui croyait à leur valeur morale et à leur vertu, était certainement un honnête homme. On dit trivialement, mais avec beaucoup de raison, que la question de femmes et la question d'argent jugent la probité des individus : or, le témoignage à peu près uniforme de l'Histoire atteste que Robes

pierre se conserva PUR à l'égard de ces deux questions, tandis qu'elle nous montre ses ennemis dissipant dans des orgies, avec des filles de joie et des femmes corrompues, le produit des vols qu'ils faisaient à la France. »

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Robespierre est la principale cause de tout ce que la
Convention a fait de bien.

Vous le savez, Robespierre était le Chef des Jacobins, de la Commune, du Comité de Salut public et de la Convention : c'est lui qui, dans le Comité, dirigeait l'ensemble, la haute politique et la réforme sociale; le Comité, puis la Convention, adoptaient presque sans discussion ses idées, ses plans, ses propositions; c'est lui qui a pris l'initiative sur une foule de mesures capitales; il n'est pas un grand principe qu'il n'ait proposé ou adopté et défendu, comme il n'est pas un homme qui se soit autant identifié que lui avec la Révolution et les réformes: aussi l'Europe, l'Emigration, l'Aristocratie, ses ennemis, lui attribuent-ils tout le mal, comme s'il était réellement Dictateur; mais, pour être juste, il faut surtout lui attribuer tout le bien, même postérieur, même les victoires, parce que tout a été la conséquence de quelques grands et féconds principes présentés par lui.

$38.

La France aurait jugé en sa faveur.

A l'époque du décret de reconnaissance de l'Etre-Suprême (p. 12), à celle de la fête à l'Etre-Suprême (8 juin, p. 38), il était incontestablement le premier homme des Comités, de la Convention, de la France. Et si la question entre ses adversaires et lui avait été solennellement discutée devant la Convention en présence de la France; s'il avait exposé les divisions et l'anarchie des Comités, la nécessité de choisir entre ses rivaux et lui, et sa résolution de faire immédiatement ou bientôt cesser la Terreur, nous ne doutons pas un moment que la Convention et la France l'auraient préféré, en écartant ses concurrents. Nous ne doutons même pas que, comme nous l'avons déjà dit, si l'on avait voulu choisir un Président, un

Consul, un Dictateur, c'est sur lui que tous les suffrages se seraient réunis. Nous ne doutons pas non plus que, s'il avait demandé le sacrifice de 4 ou 6 principaux prévaricateurs, un comme cruel, un autre comme concussionnaire, un troisième comme intrigant, etc., il les aurait obtenus comme gage d'un nouveau système de modération, de probité, de loyauté et de moralité.

C'est donc la bonne cause qui a été vaincue et la mauvaise qui a triomphé; en comparant Robespierre à ses ennemis, c'est la vertu qui a succombé sous les coups du vice et du crime.

Et comme les Jacobins, la Commune, le Peuple en masse, l'adoraient et le vénéraient à cause de sa vertu; comme la Convention n'a pu détacher le Peuple de lui qu'en le trompant pour perdre son meilleur ami, c'est le Peuple lui-même que la Convention a assassiné.

§ 39. — Le Peuple a-t-il été coupable d'inconstance ou d'ingratitude.

Les Jacobins et la Commune ont peut-être commis de grandes fautes dans la journée du 9 thermidor; mais loin d'abandonner Robespierre, tous se sont compromis, dévoués et perdus, pour le défendre.-Une grande partie des Sections et du Peuple ne sont pas accourus à sa défense ou l'ont même abandonné, mais ni par inconstance ni par ingratitude, uniquement parce qu'on a négligé de leur faire connaître la vérité, et parce que les Comités et les Représentants les ont trompés par mille calomnies et par leurs décrets de mise

hors la loi.

Quant aux applaudissements et aux transports de joie excités par le supplice de Robespierre, ce n'est pas au Peuple qu'il faut les attribuer, mais à la foule des membres de la Convention, de leurs nombreux clients ou amis, des aristocrates, des contre-révolutionnaires et des parents des Suspects qui, trompés par la calomnie, s'imaginent que Robespierre est l'unique cause de la Terreur et qu'elle va finir avec lui.

Le Peuple n'est donc pas coupable vis-à-vis de Robespierre. Mais ne l'est-il pas envers lui-même ?

-

Quand le Peuple a vu tant de prétendus amis (les Mirabeau, les Lameth, les Lafayette, les Dumouriez et les Danton, etc., etc.) qui se sont vendus ou donnés à ses ennemis; quand on lui parle tant d'une Faction étrangère qui prend le masque du patriotisme pour mieux le trahir; quand il voit tant d'hypocrites et de traîtres; nous concevons qu'il ne sache plus à qui se fier et qu'il soit exposé à prendre son plus fidèle ami pour le plus hypocrite de ses ennemis. Quand la Révolution proclame la Souveraineté de la loi; quand Robespierre a constamment prêché au Peuple le respect pour la Représentation nationale; quand il a constamment recommandé la Convention comme le drapeau de la République et son ancre de salut; nous concevons encore que ce Peuple soit exposé à croire cette Convention et les Représentants, lorsqu'ils affirment et jurent qu'on vient de découvrir que Robespierre n'était, comme tant d'autres, qu'un conspirateur contre-révolutionnaire hypocrite qui voulait se faire Roi ou restaurer un Roi... Cependant, de tous les Représentants, n'est-ce pas Robespierre qui était le plus connu dans sa vie, dans son caractère, dans ses habitudes, dans ses principes? Depuis 1789, est-il un seul Député, un seul homme, qui ait plus parlé, plus écrit, ouvert son âme avec plus de franchise et de courage? Est-il un patriote plus constamment sur la brèche, moins courtisan, moins flatteur, même envers le Peuple? En est-il un qui soit plus anciennement Républicain (il l'était dès 1789, quoique jugeant prudent de ne pas parler alors de République)? En est-il un qui ait plus contribué à la chute de la Royauté, à la condamnation de Louis XVI et à celle des d'Orléans? En est-il un qui soit plus détesté de l'Etranger? En est-il un à qui toute transaction, toute palinodie, toute abjuration, soient plus impossibles? Ne sont-ce pas sa simplicité, sa frugalité, son incorruptibilité naturelle, sa moralité longtemps éprouvée, sa vertu, son éclatant dévouement, qui l'ont rendu si populaire? N'estce pas lui qui était le véritable conseiller et le véritable guide

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