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s'insurgerait malgré la capitulation, que l'on dépaverait les rues pour jeter les pavés sur les alliés à leur entrée ; que sais-je encore? Je me permis de combattre ce système insensé de défense, quoiqu'il fût présenté avec ce ton d'autorité qui impose quelquefois. Je dis qu'il y avait de la folie à croire que Paris pût résister aux nombreuses troupes qui devaient y entrer le lendemain ; que la suspension d'armes consentie par les alliés ne l'avait été que pour avoir le temps de rédiger une capitulation plus régulière; que l'on ne pouvait rompre cette suspension, sans fouler aux pieds toutes les lois de l'honneur. J'ajoutai que l'opinion se tournait vers un meilleur avenir; que Francais étaient las d'un gouvernement absolu, et de l'état misérable dans lequel des guerres continuelles, qui moissonnaient annuellement trois cent mille hommes, avaient réduit le commerce et l'industrie. Quand un peuple est tombé à un tel état de misère, ajoutai-je, son espoir ne peut plus être que dans l'avenir, et il est naturel qu'il s'y livre, même sans réflexion. Joseph lui-même, dis-je encore, désespérant de sauver l'empire de son frère qui s'écroulait, a quitté la partie et s'est retiré par le bois de Boulogne, après avoir expédié l'autorisation de capituler, et donné l'ordre

les

à tous les ministres de quitter Paris et de rejoindre l'impératrice à Blois. La plupart des personnes présentes abondèrent dans mon sens; l'accord fut unanime; et le maréchal me dit plus tard: « On me blâme, mon cher ami; mais vous étiez «< chez moi le trente mars; mais vous avez vu les « vœux de l'élite de la population de Paris. Je «< n'ai agi comme on m'a tant pressé de le faire, «< que parce que je n'ai vu chez moi qu'une réu« nion d'hommes tout-à-fait désintéressés, et qui n'avaient rien à attendre du retour des « Bourbons. »

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Telle est l'exactitude des faits que l'on a cherché à altérer pour la plus grande gloire de Napoléon; je n'ignore pas qu'on les a rapportés de diverses manières, mais à l'égard des versions qui s'éloigneraient de la mienne, je n'ai qu'une objection à faire, et la voici : j'y étais; j'ai vu èt entendu!

CHAPITRE II.

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La France sauvée par la capitulation de Paris. - Impossibilité de défense.-Conquêtes de la paix et les monumens conservés.-M. de Blacas et M. Ferrand.-Conduite honorable de Marmont.-L'empereurà Essonne, et prompt retour à Fontainebleau. Le colonel Fabvier, et le colonel Denys. -Dévouement de Savary. Les deux préfets. - Capitulation de Paris. Espérances causées par l'absence de l'empereur d'Autriche. - La matinée du trente et un mars. — Les mouchoirs déchirés, et les cocardes improvisées. La cavalcade royaliste.MM. Sosthènes de la Rochefoucauld, le comte de Froissard, le duc de Luxembourg, le duc de Crussol, Seymour, etc. Une députation chez Alexandre.-M. de Châteaubriand et sa brochure.—Séance chez M. de Morfontaine. L'écharpe blanche.--Entrée des alliés. — Désaffection de la France pour Napoléon. --Alexandre chez M. de Talleyrand. - Ma présence à toutes les réunions.

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Ce que me dit l'empereur de Russie. -Discussion sur le gouvernement à donner à la France. Royalisme de l'abbé de Pradt.-Paroles décisives de M. de Talleyrand.

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Déclaration d'Alexandre. Retour assuré des Bourbons. Proclamation d'Alexandre.-Rapidité de publication.—Ma nomination à la direction générale des postes.

La capitulation de Paris sauva la France. On a dit depuis, sans doute pour donner quelque fon

dement à l'exaspération de regrets ambitieux et de haines injustes, que si Paris eût été défendu un jour de plus, c'en était fait des alliés ; que la plaine de Saint-Denis s'en allait être métamorphosée en nouvelles fourches caudines; et l'on en a donné pour preuve que les armées étrangères venaient de brûler leurs dernières munitions; ces contes sont bons pour amuser les eufans. Quand même il eût été vrai que leurs munitions fussent épuisées, qui pouvait le savoir? avions-nous été regarder dans la giberne des Russes, des Prussiens et des Autrichiens? Ce ne fut que long-temps après l'occupation de Paris que l'on imagina de faire ces belles découvertes; mais ce qui était évident pour tout le monde, ce que je voyais aussi bien que les habitans de Paris, aussi bien que la garde nationale qui avait à regretter d'honorables citoyens, des pères de famille, c'est qu'il n'était pas possible de défendre Paris deux heures de plus ; c'est que les deux maréchaux chargés de sa défense avaient fait plusqu'il n'était humainement possible d'attendre des talens les plus expérimentés, à la tête de la poignée de braves qui leur restaient. Si une capitulationn'eût été la suite de la suspension d'armes du trente mars, l'ennemi se jetait sans obstacles sur la capitale; Paris pouvait devenir le théâtre

d'un combat épouvantable, du meurtre des citoyens, de l'incendie des édifices, du pillage des maisons. Napoléon n'en fût pas moins tombé, et pour adieux, il aurait laissé à cette belle France, qu'il avait tant aimée, un monceau de cendres pour capitale.

Quel fut au contraire le résultat immédiat de la capitulation de Paris? La paix conquise comme par enchantement; l'Europe était en armes contre nous; au bout de quarante-huit heures, il n'y avait plus un seul coup de fusil de tiré. Napoléon avait frappé partout d'immenses contributions de guerre; pas un sou de contribution ne fut exigé en 1814. Dans nos Musées, sur nos places publiques, s'élevaient des trophées, enlevés aux capitales de l'Europe; ces trophéesrestèrent comme monument de notre gloire. Je ne saurais trop insister sur ce point, car il y aurait une cruelle injustice à rendre 1814 solidaire de 1815; où, comme s'ils eussent agi de complicité, Napoleon, M. de Blacas, la ligne courbe et la ligne droite de M. Ferrand, et la prodigalité des grades et des croix à ceux qui n'y avaient aucun droit, coûtèrent quinze cents millions à la France et valurent à Paris la dévastation des Musées.

Pour moi, je ne cacherai pas la vive satisfaction

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