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Le lendemain l'armée fut encore attaquée par des Cosaques et des Russes qui cherchaient à lui couper le passage et à la repousser vers le nord; mais ils furent culbutés. Cependant l'empereur, le, roi de Naples, plusieurs maréchaux, retirés dans la pauvre maison d'un tisserand, discutèrent longuement et avec vivacité sur la route que l'armée devait tenir. Cette discussion mit Napoléon dans une telle agitation, qu'il perdit l'usage de ses sens. Il fut décidé que l'on marcherait sur Mojaïsk, et le 26 octobre l'on s'achemina vers cette place.

Le maréchal Mortier, resté à Moscou, obéit à l'ordre qui lui prescrivait de faire sauter le palais des anciens czars, et ce palais fut détruit. Il sortit de Moscou avec huit mille hommes mal montés, et couvrit la marche des différens convois vers Mojaïsk. Napoléon lui avait donné des ordres dont l'exécution était très-hasardeuse. Il eut beaucoup à souffrir, et montra beaucoup de courage soit dans Moscou, soit dans sa retraite.

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Le 28 octobre, l'empereur arriva à Mojaïsk. Ce fut là que l'armée reçut l'ordre de tout incendier derrière elle. Cette armée traversa le camp de la Mosckwa,jonché de cadavres. Parmi eux respirait encore un Français dont les jambes avaient été brisées dans le combat. Abrité dans le corps d'un cheval éventré par un obus, il s'était nourri d'eau bourbeuse et de chair corrompue. Plusieurs actions atroces furent signalées: on marchait de malheurs

en malheurs, de crimes en crimes, et on arriva à Gjatz dans le plus déplorable état.

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Le froid, la faim, la fatigue dénaturaient les hommes, les rendaient sauvages et cruels. Napoléon se rendit à Viazma, où, le 1er novembre, il séjourna. « La route, dit M. de Ségur, était, à >> chaque instant, traversée par des fonds maré» cageux. Une pente de verglas y entraînait les >> voitures, elles s'y enfonçaient pour les en reti»rer, il fallait gravir contre la rampe opposée, >> sur un chemin de glace, où les pieds des che>>vaux, couverts d'un fer usé et poli, ne pouvaient » pas mordre; à tout moment eux et leurs conduc>>teurs tombaient épuisés les uns sur les autres. >> Aussitôt les soldats affamés se jetaient sur ces » chevaux abattus, et les dépeçaient; puis, sur » des feux faits des débris de leurs voitures, ils grillaient ces chairs toutes sanglantes et les dé

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Les cosaques augmentaient le désordre; avec leurs pièces légères, montées sur des traîneaux, ils lançaient des boulets de canon au milieu des travailleurs.

Le 3 novembre, l'armée française approchait de Viazma, lorsqu'elle fut vivement attaquée par l'armée russe; le combat dura pendant toute la journée et une partie de la nuit, et jusque dans les rues de cette ville. Les Français comptèrent quatre mille morts ou blessés, etc.

Le 6 novembre, l'armée fut assaillie par des

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tourbillons très-épais de neige, poussés par la tempête. Le sol, l'atmosphère, les habitans, tout combattait contre elle. Ces fléaux avaient pour auxiliaires la fatigue, la faim et le désespoir.

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Pendant que le soldat s'efforce pour se faire jour à travers ces tourbillons de vents et de fri» mats, les flocons de neige poussés par la tem» pète s'amoncèlent et s'arrêtent dans toutes les » cavités; leur surface cache des profondeurs inconnues qui s'ouvrent perfidement sous nos pas, Là, le soldat s'engouffre, et les plus faibles s'a» bandonnant, y restent ensevelis. Ceux qui sui» vent se détournent, mais la tourmente fouette » dans leurs visages la neige du ciel et celle qu'elle » enlève à la terre; elle semble vouloir avec achar>>nement s'opposer à leur marche. L'hiver mos»covite, sous cette nouvelle forme, les attaque »de toutes parts; il pénètre au travers de leurs lé» gers vêtemens et de leur chaussure déchirée. >> Leurs habits mouillés se gèlent sur eux; cette » enveloppe de glace saisit leurs corps et roidit » tous leurs membres. Un vent aigu et violent >> coupe leur respiration; il s'en empare au mo➤ment où ils l'exhalent et en forme des glaçons.

>> Les malheureux se traînent encore en grelot» tant jusqu'à ce que la neige qui s'attache sous >> leurs pieds en forme de pierre, quelques dé» bris, une branche ou le corps de l'un de leurs » compagnons, les fasse trébucher et tomber. Là, »ils gémissent en vain; bientôt la neige les cou

» vre; de légères éminences les font reconnaître : » voilà leur sépulture! »

Les armes échappaient de leurs mains gelées. Plusieurs s'écartaient de la marché pour chercher un asile, du pain et du repos pour une nuit de seize heures. Enfin, avec beaucoup de peine, où établit des bivouacs.

« Le lendemain, dit M. de Ségur, des rangées » circulaires de soldats étendus raides morts mar» quèrent les bivouacs; les alentours étaient jon» chés des corps de plusieurs milliers de che

» vaux. »

On arriva à Gjatz, à Mikalewska. En passant devant le lac de Semlewo, on y jeta les dépouilles de Moscou: «<< Des canons, des armures gothiques, » ornemens du Kremlin, et la croix du grand» Yvan. Ces biens devenaient à charge; il ne s'a» gissait plus d'embellir la vie, mais de la sauver. »

Le 6 novembre, au moment de ce violent orage de neige, Napoléon reçut une estafette de Paris, qui lui portait la nouvelle de l'éphémère et audacieuse conspiration de Mallet, dont je rendrai compte dans la suite.

Napoléon reçut en même temps une dépêche du maréchal Ney qui lui annonçait les souffrances et la désorganisation de sa troupe, la douleur qu'il avait éprouvée en voyant sur la route des canons et des équipages abandonnés, et qu'il se voyait obligé de reculer précipitamment jusque derrière le Dnieper. Ney eut des combats à livrer et beau

coup d'obstacles à surmonter, de dangers à courir. Il montra l'habileté d'un grand général et le courage d'un soldat.

Le corps d'armée d'Eugène, vice-roi d'Italie, éprouva des souffrances et des dangers pareils, et son chef eut besoin des mêmes talens et de la même force d'ame pour les surmonter.

L'armée atteignit Smolensk, tant désiré. Pressés par la faim, les soldats s'y présentèrent avec tant de désordre et d'impétuosité qu'il fallut leur en fermer les portes; plusieurs tombèrent mourans aux pieds d'autres soldats chargés de les repousser. On attendait, pour les admettre, l'arrivée de la jeune et de la vieille garde. Cette précaution désespérante causa de vifs murmures de la part des soldats repoussés. Les uns obtinrent des vivres, tandis que d'autres en furent privés. Pendant les clameurs, les troubles que produisit cette injuste et inégale distribution, Napoléon, le 8 novembre, entra dans Smolensk, y séjourna jusqu'au 14, jour où il en partit. La colonne impériale employa vingtdeux heures d'efforts pour parcourir l'espace de cinq lieues.

Cependant quatre-vingt-dix mille Russes, commandés par Kutusof, cotoyaient les colonnes de Napoléon, les dépassaient et cherchaient à couper leur retraite ; ils firent des attaques, livrèrent des combats où plusieurs officiers français se signalerent par des actes héroïques: on cite notamment le colonel Excelmans. L'armée en retraite éprou

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