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tous les amis de la liberté et accrut le nombre des ennemis du nouveau gouvernement.

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Lucien Bonaparte, dans la nuit du 19 au 20 brumaire à Saint-Cloud avait dit : « Plus d'actes oppressifs, plus de listes de proscription...... li» berte, sûreté pour tous les citoyens.....» On voit déjà quelle confiance méritaient les promesses, les sermens de ces envahisseurs de pouvoir. Une liste de proscription fut dressée le jour même que Lucien parlait ainsi, et une nouvelle liste de proscription fut formée cinq jours après.

Pendant que les administrés et les administrateurs, par peur ou par désir de conserver leurs emplois ou d'en obtenir de meilleurs, s'empressaient de donner des preuves de soumission; pendant que le nouveau gouvernement faisait parade de ses travaux, de ses améliorations, les consuls reçurent une lettre que le général Kléber adressait du Caire le 8 vendémiaire, au Directoire exécutif qui n'était plus.

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«Citoyens-directeurs, porte cette lettre, le gé» néral en chef, Bonaparte, est parti pour la » France le 6 fructidor au matin, sans en avoir prévenu personne : il m'avait donné rendez-vous » à Rosette le 7; je n'y ai trouvé que ses dépêches. » Dans l'incertitude si le général a eu le bonheur » de passer, je crois devoir vous envoyer copie » de la lettre par laquelle il me donne le com» mandement de l'armée, et de celle qu'il adresse » au grand-visir de Constantinople, quoiqu'il sût

parfaitement que ce pacha était déjà arrivé à >> Damas.

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>> Mon premier soin a été de prendre une connaissance exacte de la situation actuelle de >> l'armée.

>> Vous savez, citoyens-directeurs, et vous êtes à » même de vous faire représenter l'état de sa force » lors de mon arrivée en Egypte; elle est réduite » de moitié, et nous occupons tous les points ca» pitaux du triangle des Cataractes à El-Arisch, » d'El-Arisch à Alexandrie et d'Alexandrie aux Ca>>taractes.

Cependant il ne s'agit plus aujourd'hui, » comme autrefois de lutter contre quelques » hordes de mamelucks découragés ; mais de >> combattre, et de résister aux efforts réunis de » trois grandes puissances, la Porte, les Anglais>> et les Russes.

» Le dénuement d'armes, de poudre de guerre, » de fer coulé et de plomb, présente un tableau >> aussi alarmant quela grande et subite diminution » d'hommes dont je viens de parler. Les essais de >> fonderie faits n'ont point réussi; la manufacture » de poudre établie à Ruonda n'a pas encore >> donné et ne donnera probablement pas le ré>>sultat qu'on se flattait d'en obtenir; enfin la » réparation des armes à feu est lente, et il faudrait, » pour activer ces établissemens, des fonds et » des moyens que nous n'avons pas.

» Les troupes sont nucs; et cette absence de

» vêtemens est d'autant plus fâcheuse qu'il est >> reconnu que, dans ce pays, elle est une des causes les plus actives des dyssenteries et des ophtalmies, qui sont les maladies constamment régnantes....

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Le général Kléber parle ensuite de la pénurie des finances, dit que Bonaparte a épuisé toutes les ressources extraordinaires dans les premiers mois de l'arrivée en Égypte; qu'à son départ il n'a pas laissé un sou en caisse, qu'il a laissé au contraire un arriéré de près de douze millions. Il ajoute que l'armée française en Orient est menacée d'être attaquée par des forces qui lui seront très-supérieures. «< Telle est, citoyens-directeurs, con» tinue-t-il, la situation dans laquelle le général Bonaparte m'a laissé l'énorme fardeau de l'armée » d'Orient. Il voyait la crise fatale s'approcher :

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ses

vos ordres, sans doute, ne lui ont pas permis » de la surmonter. Que cette crise existe >> lettres, ses instructions, sa négociation entamée >> en font foi elle est de notoriété publique et >> nos ennemis semblent aussi peu l'ignorer que » les Français qui sont en Egypte. »

Kléber cite le passage d'une lettre de Bonaparte où ce général dit que si des maux qu'il prévoit arrivent, il ne faut point hasarder de soutenir la campagne prochaine, qu'il autorise le général Kléber à conclure la paix avec la Porte Ottomane, quand même l'evacuation de l'Egypte en serait la condition principale.

Le reste de la lettre contient les expressions de l'embarras où Bonaparte a laissé son successeur en Égypte. Cette lettre parvenue à ce consul pro

visoire l'affecta vivement. L'on voit dans le Mémorial de Sainte-Hélène, le soin qu'il prend pour en contredire le contenu. Les principaux articles en sont vrais, mais ce qui concerne le dénuement de l'armée d'Orient paraît exagéré '.

Le vulgaire, dans les grands changemens politiques, se flatte toujours d'en obtenir un état meilleur; les espérances naissent, s'affaiblissent ensuite, et bientôt se tournent en mécontentement. C'est ce qui arriva depuis la révolution du 19 brumaire, notamment lorsqu'on s'aperçut que les belles promesses faites à cette époque s'évanouissaient. On y comptait; et, dans plusieurs lieux, les habitans se croyaient affranchis de toute espèce de joug. Les uns refusèrent de payer le droit de passe pour l'entretien des routes, et maltraitèrent même les commis qui voulaient les y assujettir '. D'autres arrachaient les criminels des mains de leurs gardiens. Plusieurs excès furent commis; les hommes exagérés virent avec satisfaction le renversement du directoire qui les avait contenus et réprimés, et se persuadèrent que Bonaparte travaillait dans leur sens.

Les royalistes surtout se livraient aux plus belles espérances; ils pensaient que Bonaparte était parti

Mémorial de Sainte-Hélène, tome I, pages 281 et suiv. › Moniteur, an VIII, no 63, p. 246.

d'Égypte, avait renversé le gouvernement directorial exprès pour rétablir l'ancienne monarchie et relever l'autel et le trône. Ni les uns ni les autres ne connaissaient Bonaparte, et leur espoir dura pen.

Celui-ci voulant se populariser, avait rapporté plusieurs lois rigoureuses rendues sous le Directoire. Il retira l'emprunt forcé qui était remboursable, et le remplaça par un accroissement d'impôt qui consistait en vingt-cinq centimes par franc sur les impositions foncières, personnelles, mobilières et somptuaires; mit en vente un grand nombre de maisons, hôtels, palais, etc., et tous édifices que la loi avait réservés; établit plusieurs perceptions et accrut le fardeau des contribuables en feignant de l'alléger.

Les conseils avaient établi la loi des otages, loi rigoureuse, mais tempérée dans son exécution par des instructions particulières et secrètes. Le but du législateur consistait à inspirer une terreur propre à contenir les brigands et à faire cesser leurs excès toujours croissans. Les consuls révoquèrent cette loi, et y substituèrent dans les départemens infestés par les chouans, un arrêté qui porte que les communes rebelles qui ne déposeraient pas les armes seraient déclarées hors de la constitution et traitées comme ennemies du peuple français. La loi des otages était-elle plus rigoureuse?

Les arrêtés des consuls provisoires étaient autant et souvent plus oppressifs que les décrets du corps

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