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mais une vive et longue discussion qui s'établit entre ce général et Sieyes d'une part, et les deux directeurs de l'autre, ne satisfit aucun des partis. Elle était inutile; Gohier et Moulins s'appuyaient constamment sur la constitution de l'an III; Bonaparte et Sieyes, s'occupant à la renverser, cherchaient à prouver la nécessité de son renversement: ils ne pouvaient s'entendre.

Les deux directeurs, en rentrant au palais du Luxembourg, s'aperçurent que leur garde ne s'y trouvait plus. Séduit par Bonaparte, le commandant de cette garde s'était avec elle rendu aux Tuileries. Bientôt cette garde, naguère protectrice, fut remplacée au Luxembourg par cinq cents hommes de troupes offensives, dont le commandement fut confié au général Moreau qui, sans difficulté, se chargea des fonctions de geôlier. Toutes les avenues de ce palais du Luxembourg furent gardées.

Les deux directeurs emprisonnés firent une réclamation qu'ils adressèrent au conseil des cinqcents, et se plaignirent avec énergie des attentats de Bonaparte contre le pouvoir exécutif. Cette pièce, quoique envoyée avec précaution, fut saisie par la troupe du général Moreau, et n'arriva point à son adresse. Alors ce général donna de nouveaux ordres pour contenir plus strictement ses prisonniers. Des gardes furent placées si avant dans leurs appartemens, qu'il y en eut jusqu'au

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pied du lit des directeurs, et que toute communication entre eux devint impossible.

Dans la matinée du 19 brumaire, le général Leclerc, beau-frère de Bonaparte, et qui avait servi sous les ordres de Moulins, parvint à s'introduire auprès de ce directeur, lui parla des traitemens rigoureux que Bonaparte projetait d'exercer contre lui, pour le punir de sa résistance, et lui proposa un moyen d'évasion qu'après quelques débats le prisonnier finit par accepter. Ce ne fut que le 19 brumaire au soir que le directeur Gohier obtint sa liberté. Il se retira à la

campagne'.

Ces deux directeurs, formant l'honorable minorité de la puissance exécutive, se montrèrent jusqu'au dernier moment dignes de leurs hautes fonctions, fidèles à leur devoir et à leur serment. Désarmés par la perfidie, ils luttèrent autant qu'il leur fat humainement possible contre les atteintes de l'intrigue unie à la force; défenseurs d'une cause légitime et sainte, leur résistance fut un acte de vertu et leur défaite devint celle de la république. Quand le crime triomphe, il est affligeant mais il est glorieux de tomber sous ses coups. Fouché, ministre de la police, toujours empressé à travailler à la ruine de tout gouvernement,

On a dit que Moulins avait donné sa démission; c'est là un des nombreux mensonges dont les conspirateurs s'aidèrent. Ils n'auraient pas manqué de produire, de faire valoir cette démission, si elle eût été donnée.

figura dans cette conspiration; il y joua le rôle le moins noble et le plus actif. Il fit fermer les barrières de Paris, cassa les douze municipalités de cette ville, se chargea d'annoncer au directoire le décret du conseil des anciens qui transférait le corps-législatif à Saint-Cloud; et, à cette occasion, le président Gohier lui adressa ces mots : Par quel étrange événement, un ministre du directoire se trouve-t-il transformé en messager d'État du conseil des anciens? Il voulut aussi publier sa proclamation qui fut affichée le 18, vers quatre heures de l'après midi. On y remarque ces phrases mensongères : « La république était menacée d'une » dissolution prochaine. Le corps-législatif (quel»ques factieux ou quelques dupes du conseil des >> anciens) vient de saisir la liberté sur le penchant » du précipice pour la replacer sur d'inébranla»bles bases, etc. » Du reste, il dit aux républicains que c'était pour remplir leur vœu que l'on travaillait et qu'ils devaient être calmes. Il savait que le complot qui menaçait la république était une fiction, un moyen de justifier les premières atteintes qu'on devait porter contre elle. Comme le disaient nos pères, ce ministre mentait à bon

escient.

L'administration centrale du département de la Seine, fut, par les intrigues et les menaces du même Fouché, obligée de faire sa proclamation.

· Mémoires de Gohier, t. I, p. 236.

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A sept heures du soir du 18, il y eut une réunion à la commission des inspecteurs du conseil des anciens. Voici ce qu'en dit M. Cornet : « Cette >> réunion avait pour objet de savoir ce qu'on >> ferait le lendemain à Saint-Cloud. Il faut le dire, » aucune conséquence de cette révolution n'avait » été prévue par nos grands politiques; le pou» voir militaire, saisi par le général, était la pen»sée dominante. Les frères Bonaparte et Fouché » avaient seuls le secret de l'entreprise; on parla >> beaucoup dans la réunion sans s'entendre et sans >> rien conclure; tout ce que proposait le général » était en faveur du pouvoir absolu. J'en fis la re>> marque à Fouché qui, traitant toujours les af» faires les plus graves avec les apparences de

légèreté et de l'insouciance, me dit : C'est fait. » En effet le pouvoir militaire était dans les mains » de Bonaparte et, depuis ce moment-là, il se regarda comme le seul maître des affaires..... La plupart de ceux qui avaient concouru à l'événe» ment du matin auraient voulu pouvoir reculer; mais il n'était plus temps ».

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Le général Gourgaud qui, à Sainte-Hélène écrivait les Mémoires de Bonaparte sous sa dictée, donne une idée différente des objets qui occupèrent les membres de cette réunion du soir..... « Sieyes, dit-il, proposait d'arrêter les quarante » principaux meneurs opposans. Cet avis était sage;

Notice historique sur le 18 brumaire, p. 12.

» mais Napoléon croyait avoir trop de force pour employer tant de prudence..... C'est dans cette >> réunion que l'on convint de l'établissement de > trois consuls provisoires qui seraient Sieyes, Roger-Ducos et Napoléon, et de l'ajournement » des conseils à trois mois 1. >>

Tels furent les principaux événemens de la journée du 18 brumaire an VIII (10 octobre 1799); journée où Bonaparte fit beaucoup pour son ambition. Il s'était emparé de la force-armée, avait dissous le directoire, il commandait à sa place; mais il lui restait encore des résistances à éprouver, des obstacles à surmonter dont il vint à bout, grâce à son audace, à la puissance des baïonnettes, à ses impostures et à l'assistance d'une poignée d'intrigans et de dupes.

Le général Murat fut envoyé à Saint-Cloud pour y commander la force-armée; Ponsard y commandait le bataillon de la garde du corpslégislatif. Le général Serrurier avait sous ses ordres une réserve placée à moitié chemin de SaintCloud, au village du Point-du-Jour. On travaillait avec activité dans le château de Saint-Cloud à préparer des salles pour les deux conseils. L'Orangerie, local peu convenable à une assemblée nombreuse et délibérante, fut destinée au conseil des cinq-cents. On réserva au conseil des anciens la galerie de Mars, local bien plus décent

1 Mémoires de Napoléon, t. I, p. 84.

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