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tion publique et détourner les soupçons que le long séjour de Bonaparte à Paris pouvait faire naître. D'abord on ne voulut admettre à cette fête que les initiés; mais le secret fut éventé et bientôt tous ou presque tous les députés voulurent être de la partie et se firent inscrire à la commission des inspecteurs.

Le diner fut donné dans l'édifice de Saint-Sulpice, alors nommé le Temple de la Victoire. L'intérieur en était magnifiquement décoré, et on y voyait avec plaisir les drapeaux enlevés aux ennemis de la république; nobles trophées qui rappelaient les triomphes de la république, au moment où des passions viles travaillaient à sa destruction!

Environ sept cent cinquante personnes assistèrent à ce festin. L'ordre y régna, mais la joie en fut bannie; de sinistres et vagues pressentimens affligeaient les convives.

On remarqua que Bonaparte ne mangea qu'une pomme. Est-ce que déjà il aurait commencé à ressentir la crainte du poison, ce supplice des tyrans ?

On remarqua aussi que parmi les toasts qui furent portés, il n'y en eut point à la constitution de l'an III; celui de Bonaparte fut: A l'union de tous les Français !

Cependant le coup allait être frappé ; un nouvel ordre de choses était sur le point de s'établir, et le gouvernement d'être renversé. Si l'on en excepte les conjurés, personne ne s'y attendait ;

on avait quelques soupçons que faisaient naître l'ambition de Bonaparte et son séjour prolongé à Paris; on se doutait de quelques manoeuvres ; mais on était loin de prévoir que l'effet en fût si prompt. Ce qui est remarquable, c'est qu'à la tribune des conseils où régnait la plus entière liberté d'opinions, rien n'en fut manifesté, et que les journaux, si empressés de dénoncer les moindres atteintes portées à la liberté publique, de dénoncer les conspirations vraies ou chimériques, faute d'instruction ou de patriotisme, gardèrent sur celle-ci le plus profond silence.

Cependant Lucien agissait. Fouché, ministre de la police, trahissait le gouvernement de qui il tenait ses pouvoirs. Les présidens et membres des commissions des inspecteurs des deux conseils intriguaient; dans leurs conciliabules secrets, dans cette ténébreuse fabrique de crimes, tous préparaient les actes, les discours, les lois, les calomnies et les impostures nécessaires au succès.

Dans la nuit du 17 au 18 brumaire, le plan de la conspiration fut définitivement arrêté et les rôles des conjurés distribués. Écoutons le député Cornet, un des acteurs de ces scènes. « Tout, étant >> bien d'accord et arrêté, je passai la nuit à la commission des inspecteurs du conseil des anciens : » contrevens et rideaux furent fermés, pour qu'on ne s'aperçût pas qu'on travaillait dans les bureaux; >> nous savions que nous étions observés. On expédia des lettres de convocation pour les mem

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» deux ans. Vous avez espéré que mon retour met>> trait un terme à tant de maux; vous l'avez cé» lébré avec une union qui m'impose les obli»gations que je remplis vous remplirez les » vôtres et vous seconderez votre général avec » l'énergie, la fermeté et la confiance que j'ai toujours vues en vous.

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>> La liberté, la victoire et la paix replaceront la » république française au rang qu'elle occupait en Europe et que l'ineptie ou la trahison a pu » seule lui faire perdre. »

» Signé Bonaparte, Alexandre Berthier. »

La seconde proclamation de Bonaparte est adressée à la garde nationale sédentaire de Paris.

Citoyens, le conseil des anciens, dépositaire » de la sagesse nationale, vient de rendre le décret ci-joint; il y est autorisé par les articles 102, » 103 de l'acte constitutionnel.

» Il me charge de prendre des mesures pour la » sûreté de la représentation nationale. Sa trans>> lation est nécessaire et momentanée. Le corps>> législatif se trouvera à même de tirer la repré» sentation du danger imminent où la désorgani»sation de toutes les parties de l'administration >> nous conduit.

>> Il est besoin, dans cette circonstance essen» tielle, de l'union et de la confiance des patriotes. >> Ralliez-vous autour de lui; c'est le seul moyen » d'asseoir la république sur les bases de la liberté

» civile, du bonheur intérieur, de la victoire et » de la paix. Vive la république!

Signé Bonaparte, Alexandre Berthier. »

Pendant que l'on travaillait avec tant d'activité à fonder la tyrannie, à démolir l'édifice de la république, à neutraliser, à envahir le pouvoir directorial, quelle était la situation des cinq membres qui composaient ce pouvoir? Ceux de ces membres, sincèrement attachés à leur devoir, étaient agités par des craintes bien fondées.

Sieyes ne partageait pas ces craintes; depuis quelques jours, feignant de faire un cours d'équitation, il se promenait à cheval dans le jardin du Luxembourg, et se préparait, sous ce prétexte, un moyen d'évasion.

Pendant la matinée du 18, il fit quelques tours de jardin, partit furtivement pour les Tuileries, se rendit au conseil des anciens. Son collègue et dévoué Roger-Ducos ne tarda pas à l'y suivre. Après cette désertion de deux directeurs, les trois reslans se concertèrent. Barras dit à ses collègues qu'il allait envoyer au conseil des anciens son secrétaire Bottot, pour s'informer de l'état des choses. Rendez-vous, ajouta-t-il, dans la salle des délibérations; je vais vous y joindre; comptez sur moi.

Barras ne parut point au rendez-vous, et ses collègues ne purent le rejoindre. Circonvenu, dit-on, , par Talleyrand et Bruix, il avait déjà envoyé sa démission au conseil des anciens. Barras

avait d'autres projets, d'autres engagemens '. Les deux membres qui composaient alors le directoire, le président Gohier et Moulins furent informés de cette nouvelle défection; ils ne l'apprirent qu'en recevant l'expédition officielle du fameux décret du conseil des anciens. Le président y joignit la lettre par laquelle Barras se démettait de ses fonctions. Après s'être rendu invisible à ses collègues, celui-ci s'esquiva, et obtint de Bonaparte une escorte de cent cavaliers pour se rendre en sécurité à sa maison de campagne de Grosbois.

Pour endormir les deux directeurs dans une fausse sécurité, Bonaparte avait écrit au président Gohier, que le 18 brumaire, il viendrait avec sa famille diner chez lui. « Franchement, dit Gohier » dans ses Mémoires, cet engagement m'eût fait » repousser tous les avertissemens qu'on aurait » pu me donner sur la fatale journée qui se préparait. Je savais bien que Bonaparte était un >> ambitieux; j'en avais des preuves; mais pou»vais-je le croire d'une si noire perfidie' ? »

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Les deux directeurs, craignant les manoeuvres de Sieyes et de leurs collègues transfuges, se rendirent aux Tuileries et à la commission des inspecteurs, où Bonaparte les accueillit d'abord ;

• Pour connaître la nature des engagemens que l'on attribue à Barras, il faut lire les Mémoires de Napoléon publiés par le général Gourgaud, et la note de la page 66 du tome premier; il faut lire certains Mémoires de Fauche-Borel, etc. Mémoires de Gohier, t. I, p. 228.

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