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çaise, ayant été le seul prix comme la seule marque de la victoire, Napoléon en frémit; et on assure qu'il s'écria, après l'action : « Je

vois bien que cette guerre est un abîme; » mais je ne m'y engloutirai que le dernier. »

Il falloit ou abandonner la poursuite des Russes, ou se porter sur Laon, position excellente, où il étoit probable que se concentroient toutes les forces de l'armée combinée. Napoléon connoissoit peu ce terrain difficile que l'ennemi avoit eu le temps d'étudier; mais décidé à marcher en avant, il porta le soir même son quartier-général à Bray. Cette journée fut pénible, soit par les pertes, soit par les privations de l'armée, soit par le froid excessif qui rendit ses fatigues plus dures encore. La route de Paris étoit couverte de voitures qui transportoient les blessés vers la capitale.

L'armée partit de Bray le 8 mars, et se dirigea sur l'Ange-Gardien, village presque à moitié chemin de Soissons à Laon. Napoléon s'y arrêta quelques heures, et là il parut incertain sur la route qu'il tiendroit; il n'apprit que dans la journée l'évacuation totale de Soissons par les Russes, et leur concentration à Laon. Le soir même il se détermina à se porter vers

cette ville, et à transférer son quartier-général à Chavignon, qui en est à quatre lieues.

Il n'avoit recueilli jusqu'alors que des notions incomplètes sur les accidens et les difficultés du terrain. Tout-à-coup sa mémoire lui rappelle que M. Bussy de Belly, son ancien camarade à Brienne et au corps royal d'artillerie, habite une maison de campagne près de Laon. Il l'a négligé, il l'a oublié jusqu'alors; d'ailleurs, M. de Belly a préféré sa modeste retraite et une mère qu'il chérit, aux honneurs et aux richesses qu'il auroit obtenus sans doute s'il les avoit sollicités avec la bassesse d'un courtisan. Toutes les considérations particulières disparoissent aux yeux de Napoléon ; il a besoin de son ancien condisciple: il le mande; les ordonnances partent, et M. de Belly est bientôt en présence de son camarade de collége devenu empereur. Il répond avec justesse aux questions brusques et décousues que lui fait Napoléon sur la topographie du département de l'Aisne; et il jette surtout une vive lumière sur la position militaire de Laon: «Je vous fais aide-de-camp, » lui dit Napoléon, satisfait. N'osant refuser, M. de Belly baisse les yeux et garde le silence. « Je vous «fais colonel.» M. de Belly baisse encore

les yeux. « Je vous fais mon aide-de-camp. » ---« Sire, répond alors M. de Belly, je suis » trop honoré d'une telle faveur..... >> En vain. allègue-t-il, avec tous les ménagemens que commande la volonté d'un despote, sa tendresse pour sa mère, et le besoin pour son cœur de lui donner des secours que son grand âge réclame; en vain allègue-t-il que sa mère est passionnée pour sa retraite et pour ses habitudes. « Il faut que votre mère quitte sa » campagne, dit impérieusement Napoléon. » Je vous donne trente mille francs de traite» ment, vingt mille francs de gratification, et cinq cents louis pour vos équipages; allez, >> faites vos dispositions. » Voilà ce qu'il appeloit acheter un homme.

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Loin de le rebuter, les difficultés même de la position de Laon le décident à en former l'attaque. Déjà le maréchal Ney s'étoit porté, avec l'avant-garde, jusqu'au village d'Etouville, à une lieue de la position de Chivi, que le général Woronzow occupoit avec sept à huit bataillons russes. Elle étoit d'autant plus difficile à aborder, que la route, pendant une lieue, est flanquée de marais impraticables. La nuit même, Napoléon fait tourner la sition par deux bataillons de la vieille garde,

po

qui s'y portent par Challevois. A deux heures du matin, ils abordent l'ennemi à la baïonnette. Réveillés aux cris de Vive l'Empereur! les Russes. n'ont que le temps de se replier en hâte sur Laon pour se réunir aux autres corps qui y étoient en position.

Le lendemain, 9 mars, Napoléon marche de Chavignon sur Laon avec le gros de son armée.

Cette ville ancienne, située à trente-trois lieues au nord de Paris, couvre la plus grande partie d'un plateau élevé, dont les bords escarpés dominent une vaste plaine entrecoupée par des villages et par de petits bois. Le reste du plateau est couronné de plusieurs moulins à vent, et d'un vieux château qui a servi de résidence à quelques-uns de nos rois. Le corps du général Bulow, qui formoit le centre de l'armée combinée occupoit la ville même; le reste de l'armée étoit posté au-dessous, dans la plaine, à droite et à gauche du plateau faisant face vers Soissons, et la cavalerie derrière en réserve. L'aile gauche, composée de corps prussiens, s'étendoit jusqu'au village d'Athies, et l'aile droite, formée de corps russes, s'appuyoit aux collines, entre Thiers et Laneuville. A une licue de la ville, la plaine est

rétrécie et bornée du sud à l'ouest, par une double chaîne de hautes collines, coupées seulement par un vallon marécageux, au milieu duquel coule la petite rivière de Lette.

L'armée française ne pouvoit arriver à Laon du côté de Soissons, que par cette espèce de défilé, route escarpée de trois lieues d'étendue, bordée de marais fangeux, terrain trèsdéfavorable pour une attaque.

Cependant, le 9 mars, au point du jour, l'arméc occupoit déjà devant la ville le terrain entre Semilly, sur la route de Soissons, et Aippes près Athies, au-delà de la route de Reims. Vers le centre, et sur la gauche, Napoléon fait avancer toutes ses colonnes d'attaque, et, à la faveur d'un brouillard épais qui cache ses mouvemens, il s'empare des villages de Semilly et d'Ardon, situés sous la ville même, dont ils peuvent être considérés comme les faubourgs. La mousqueterie se soutient sans interruption jusques vers onze heures; elle atteignoit les murs de Laon. Le brouillard commençant alors à se dissiper, le feld-maréchal Blucher aperçut, des hauteurs, les Français en force derrière les villages d'Ardon, de Semilly et de Leuilly, ayant en réserve de fortes colonnes d'infanterie et

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