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hommes, se tenoit en réserve, prêt à occuper la position de Laon, qui assuroit, en cas de revers, une retraite à l'armée.

Telles furent les dispositions du feld-maréchal Blucher devant son redoutable adversaire.

Cependant, ce jour même, 6 mars, Napoléon s'étoit porté sur Corbeny, et avoit trouvé, à peu de distance de ce bourg, l'infanterie. russe en position sur les hauteurs en avant de Craonne. De forts détachemens de tirailleurs, soutenus par de l'artillerie, et couverts par les bois de Corbeny, s'en approchèrent et furent d'abord repoussés ; mais deux bataillons de la garde ayant tourné la droite de la position, tandis que le maréchal Ney attaquoit la ferme d'Urtubise, les Russes se replièrent, et prirent, dans la nuit même, une position encore plus forte sur les hauteurs en arrière des villages de Saint-Martin et de Craonne. Le 7, au point du jour, Napoléon la fit reconnoître : elle parut formidable. La droite et la gauche de l'ennemi étoient appuyées sur deux ravins et un troisième ravin couvroit son front; de. sorte qu'on n'y pouvoit arriver que par un défilé étroit qui joignoit la position au plateau de Craonne; mais rien ne put, amortir l'élan

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de Napoléon, et il s'occupa immédiatement des dispositions d'attaque."

De son côté, le maréchal Blucher, voyant que l'armée française s'étoit désistée de sa marche en ligne droite sur Laon, ordonna aux généraux Kleist et York d'effectuer leur mouvement dans la direction de Presle et de Leuilly, pour soutenir les dix mille hommes de cavalerie du général Wintzingerode, et opérer l'attaque sur le flanc droit de l'armée si elle avançoit sur le point occupé par l'infanterie en arrière de Craonne. Le général Sacken, qui soutenoit cette première ligne, avoit ordre, s'il étoit pressé par une force supérieure, de se replier vers Laon, et de rallier à lui la garnison de Soissons.

Blucher se hâta de joindre, à cheval, son immense détachement de cavalerie, pour tourner l'armée française, voulant diriger lui-même cette manœuvre décisive. Mais des difficultés inattendues, telles que l'escarpement des lieux, s'opposant au progrès de ce mouvement nocturne, la cavalerie ne se trouva avancée, le lendemain, que jusqu'à Presle, sans pouvoir atteindre le flanc de l'armée de Napoléon, que les cosaques seuls inquiétèrent. Arrêtée également par des difficultés locales, l'infanterie du

général Kleist avoit pris une autre direction, de sorte qu'il devint impossible au feld-maréchal d'entreprendre avec succès son opération offensive.

Il étoit onze heures du matin, et déjà Napo→ léon commençoit l'attaque avec toutes ses forces estimées à cinquante mille hommes, dirigeant tous ses efforts vers le point même où l'infanterie du général Wintzingerode étoit en position. En l'absence de ce général, le comte Strogonoff commandoit en chef, et le comte Woronzow étoit à la tête de l'infanterie. Les Russes furent exposés au choc le plus impétueux. Tandis que le maréchal Ney se portoit sur la droite pour déborder la position de Craonne, le maréchal duc de Bellune, avec deux divisions de la jeune garde, se dirigeoit sur l'abbaye de Vauclair, pour de là passer le défilé.

L'abbaye est bientôt en feu; l'ennemi en est chassé; et le duc de Bellune franchissant le ravin défendu par cinquante pièces de canon, se reforme aussitôt sur la hauteur. Au même instant, il est frappé d'une balle. Un grand nombre de ses soldats étoit déjà tombé sous le feu des Russes; mais ses colonnes étoient suivies par les trains d'une artilleric

nombreuse commandée par le général Drouot, qui franchit aussi le défilé; de fortes masses de cavalerie s'y portent pour appuyer l'attaque. Une effroyable canonnade s'engage dans le vallon et sur les hauteurs. Les Russes opposent aux Français, sur tous les points, une vive et ferme résistance. Dès le commencement de l'action, le général comte Strogonoff voit tomber son fils à ses côtés, frappé à mort; trois autres généraux russes sont blessés grièvement; et le général Woronzow a cinq officiers de son état-major tués ou blessés.

Déjà le maréchal Ney avoit passé le ravin de gauche, et débouchoit sur la droite de l'ennemi, tandis que les généraux Grouchy et Laferrière, à la tête de la cavalerie, franchissoient le défilé au milieu d'une grêle de boulets et de balles : tous deux furent blessés dans cette attaque, et remplacés par d'autres généraux. Le général Nansouty plus heureux, passa sans autant de perte, avec deux autres divisions de cavalerie, le ravin sur la droite des Russes. Le feu des batteries françaises fit dans leurs rangs beaucoup de ravage, et leur démonta quatorze pièces de canon. Se voyant tournés et pressés de toutes parts, ils songèrent à la retraite. En vain Napoléon

qui, pendant la bataille, avoit redoublé d'activité, voulut-il compléter la victoire par une charge générale de sa cavalerie; le mouvement fut manqué, et les troupes russes se reformant aussitôt, effectuèrent, sous la direction du général Sacken, leur retraite vers Laon, avec un ordre et un sang-froid admirables. Pendant la nuit et le lendemain matin, elles firent leur jonction avec le gros de l'armée combinée. Pas un seul canon, pas une seule voiture ne furent laissés en arrière; les prisonniers s'élevèrent à peine à soixante, quoique le nombre des tués ou blessés dépassât deux mille. La perte des Français fut à peu près égale, ayant été exposés pendant plus d'une heure au feu de la mousqueterie et de l'artillerie russe, servie avec autant de célérité que de précision (1).

Ainsi le combat de Craonne, journée sanglante où le canon fit tant de ravage, ne fut qu'un engagement partiel; il se seroit transformé en bataille générale et décisive si la cavalerie du maréchal Blucher eût pu manœuvrer selon le plan de ce général. La journée au contraire fut sans résultat; la possession du champ de bataille, resté à l'armée fran

(1) Voyez Pièces justificatiyes, No. XLII.

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