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Le soir, la joie publique se manifesta par une illumination universelle.

Les fers de la nation étoient tombés : elle avoit reçu dans son sein l'auguste exilé, seul dépositaire du salut de la France. Avec son roi, la patrie recueilloit aussi des enfans trop long-temps séparés d'elle, et qui s'étoient associés, sans espoir de retour, aux infortunes du monarque. Tous les Français redevenoient membres du corps politique, et la France alloit suivre le cours naturel de ses destinées; l'autorité paternelle reprenoit son empire. Le précipice de l'ambition étoit enfin comblé par cette sainte légitimité qui défend les avenues du trône de l'approche des factions.

Mais les fondemens de cet imposant édifice n'étoient encore que relevés à la hâte au milieu des ruines. De grands déchiremens avoient ébranlé la société jusque dans ses bases: richesses, propriétés, familles, tout avoit été déplacé et dispersé; une longue tyrannie avoit même altéré cette franchise chevaleresque, ces sentimens d'aménité et de confiance qui jadis, avoient formé les traits caractéristiques de la nation française. C'étoit au milieu d'une catastrophe que s'opéroit la restauration.

Que de fortunes renversées, avec celle de l'usurpateur! Que de villes ruinées, de champs ravagés, de familles désolées, pleurant sur les décombres de leurs maisons, et sur les tombeaux de leurs pères ou de leurs enfans! Que d'employés sans état et sans ressources! Que de guerriers arrêtés dans la carrière de la gloire et de l'ambition! Que de craintes à calmer, que d'espérances à remplir! Les uns accusoient un règne oppresseur; d'autres, la révolution tout entière ceux-ci trembloient pour leurs richesses; ceux-là, pour leur personne. Les royalistes, en armes, vouloient s'élancer dans l'arène pour le soutien d'un trône relevé tout à coup, tandis que les satellites du tyran montroient encore tout le fanatisme de la servitude et de la bassesse. Ils cherchoient à souffler le feu de la discorde, à aigrir les soldats; et, secondés par des hommes couverts de crimes politiques, ils s'efforçoient de jeter l'alarme parmi les partisans de la liberté ; en un mot la France nourris; soit dans son sein tous les germes de la guerre civile, et les partis étoient en présence. Ces dispositions alarmantes étoient aggravées encore par l'intervention de quatre cent mille étrangers; par le mécontentement des armées désorganisées et sans solde; par les justes préten

tions de trente mille officiers, qui réclamoient un sort et des récompenses; par la détresse des finances de l'Etat, chargées d'une dette de dixsept cent millions; et enfin par l'embarras qu'alloit occasionner la rentrée subite de quatre cent mille prisonniers, arrivant presque nus sur le sol natal.

Cependant, le roi inconnu à son peuple, n'ayant aucune idée du terrain sur lequel se relevoit le trône, ni du caractère des hommes qui influoient sur les destinées de la patrie, le roi étoit appelé à concilier tant de prétentions rivales, tant d'intérêts opposés; le roi avoit à désarmer des passions menaçantes. Jamais aucun monarque de la France ne s'étoit trouvé dans des circonstances si difficiles, pas même Charles V, dit le Sage; ni Charles VII, ni le bon Henri IV.

Au milieu de tant d'embarras et d'alarmes, il sembloit indispensable que le roi conservât autour de lui une force étrangère capable de faire respecter les premiers actes de son autorité royale. Tel étoit l'avis de quelques personnes prudentes et graves, effrayées de l'état déplorable de la monarchie, et plus inquiètes encore de l'avenir. Mais le roi rejeta noblement cette proposition, ne voulant rien attendre

que de lui-même et de l'amour de son peuple. Impatient de faire sortir les alliés du royaume, il se hâta de négocier et de conclure la paix.

Depuis vingt ans, on donnoit en France le nom de paix aux courts intervalles qu'il falloit destiner à créer de nouvelles armées. Ces traités illusoires ne terminoient les hostilités que pour laisser entrevoir une guerre imminente. Aucun traité n'avoit débloqué le continent, ni pacifié les mers, ni rétabli le commerce, ni réconcilié la France avec les nations étrangères. Dans l'état de crise où se trouvoit alors le royaume, un Bourbon seul pouvoit lui procurer le bienfait de la paix générale, en ramenant la sécurité en Europe.

A la vérité, la France ne jouiroit plus d'une prépondérance odieuse et dominatrice : mais on alloit reconnoître enfin que la puissance d'un Etat réside moins dans le nombre de ses sujets, que dans le nombre des enfans. de la patrie; que lorsqu'un empire s'étend hors des limites qui lui sont assignées par la nature, il s'affoiblit et dégénère; que le mélange de peuples divers ne sert qu'à corrompre et à détruire l'esprit national.

Non- seulement la France, par le traité signé à Paris le 30 mai, rentroit dans son terri

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toire primitif, mais elle dépassoit ses anciennes limites, en occupant la meilleure partie de la Savoie; elle recouvroit la Guiane, la Martinique, la Guadeloupe; et, dans l'Inde, l'île de Bourbon. Ainsi, après avoir eu huit cent mille de ses combattans anéantis, tout son territoire ravagé, sa capitale envahie, sa marine détruite, elle échappoit aux conditions de la paix de 1763, à celles que les Hollandais osèrent proposer à Louis XIV, et à celles enfin qu'avoit acceptées Napoléon après l'occupation de Paris, le 31 mars. Une paix honorable faisoit sortir les alliés du royaume, sans qu'il en coûtât ni contributions, ni places fortes, ni le sacrifice d'aucun de ces monumens des arts et de la guerre, dont nous étions redevables à nos conquêtes. Tous ces avantages furent le fruit de la haute estime des alliés pour le roi.

Le départ des armées combinées rendoit à la France toute son indépendance politique. Déjà, le blocus de nos places fortes étoit levé, et l'évacuation générale avoit commencé, en vertu de la convention du 23 avril. Le traité définitif consomma bientôt l'affranchissement du territoire. L'armée de lord Wellington abandonna le Languedoc et la Guienne; les armées

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