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Silésie; mais elle avoit sur lui trois marches d'avance, et d'ailleurs il ignoroit encore si les maréchaux de Trévise et Marmont avoient pu sister et préserver Paris.

L'armée française partit le 1er mars d'Esternay à cinq heures du matin, et poursuivit sa route par la Ferté-Gaucher, où Napoléon s'arrêta quelques heures, espérant y recueillir des informations sur les mouvemens et sur la force de l'ennemi. Tous les rapports annonçoient qu'il étoit maître de la Marne, et que Soissons et Meaux étoient sérieusement menacés.

Ces renseignemens déterminent Napoléon à se porter par la traverse sur Rubay et sur Jouarre, où il arrive le soir même, marche pénible par un temps pluvieux et par d'affreux chemins.

Ce mouvement rapide compromettoit de nouveau les corps d'armée des généraux Sacken et York, qui s'étoient approchés de Meaux par la rive gauche de la Marne. Mais cette fois étant plus sur leur garde, et instruits de la marche de l'armée française, ils passèrent en hâte sur l'autre rive, se dirigeant de la Ferté-sousJouarre Lisy-sur-Ourcq, petite ville à trois lieues au nord de Meaux. Ce territoire ↑

la

toujours inondé et fangeux, eût englouti hommes et chevaux, sans une gelée subite qui sauva les alliés. Ainsi près de trente mille hommes envahissent subitement, par hauteur, les communes de Lisy, Crouy et Gandelu. Les habitans, épouvantés par le nombre toujours croissant des ennemis, et par les bruits de dévastation et de massacre semés à dessein, abandonnent leurs maisons, leurs propriétés, cherchant la plupart leur salut dans la fuite. Un grand nombre se réfugie dans des carrières environnantes, espérant se dérober ainsi à la poursuite et au pillage des cosaques qui déjà inondoient les campagnes. L'invasion avoit commencé vers neuf heures du soir; la nuit très-obscure et une pluie abondante mêlée de grêle, multiplioient les difficultés et les souffrances sous les pas des malheureux fugitifs. Plus de cinq cents d'entr'eux, de tout sexe et de tout âge, venoient de s'entasser dans une carrière souterraine. Là, forcés de se dépouiller de leurs vêtemens transpercés par la pluie, la plupart furent bientôt livrés aux tourmens de la faim et des plus terribles angoisses. Qu'on se figure, dans cet asile de désolation, des femmes enceintes, sans aucun secours de l'art, et dont

la frayeur hâtoit le terme de l'enfantement, restées ainsi en proie à la misère, à la douleur et au désespoir. Bientôt le bruit du canon, de la mousqueterie, des cris de mort se font entendre, et ajoutent encore à l'horreur d'une pareille situation. A l'impossibilité de séjourner plus long-temps au sein d'une atmosphère méphitique, venoit se joindre la crainte d'être sacrifié par l'ennemi; crainte moins terrible peut-être que celle de mourir étouffé ou d'inanition. Il falloit toutefois abandonner le souterrain ou périr; et les malheureux réfugiés prennent, avec leur famille, la résolution extrême de se mettre à la merci des premières gardes avancées. Quelle est leur surprise et leur joie! loin d'être à la discrétion des envahisseurs, ils se trouvent au milieu de l'armée française, poursuivant l'ennemi en retraite dans la direction du nord.

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Déjà le corps prussien du général Kleist, qui s'étoit dirigé sur Meaux par la route de Soissons, avoit été abordé, le 28 février, par le maréchal duc de Trévise, au village de Gué à Trême, sur la petite rivière de Teroenne, et repoussé, l'épée dans les reins, pendant plusieurs lieues.

En même temps, les corps des généraux

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York et Sacken, après avoir passé la Marne, avoient tenté le passage de l'Ourcq, à la suite de plusieurs combats d'avant-garde, livrés à Crouy et à Lisy contre le corps du maréchal Marmont. Etonnés de la résistance qu'on leur opposoit, les deux généraux alliés alloient se réunir pour forcer le passage, quand le feldmaréchal Blucher sur l'avis certain de l'arrivée de Buonaparte avec une armée expéditionnaire, renonce tout-à-coup à l'offensive et prend la résolution de se joindre aux généraux Bulow et Wintzingerode sous les murs de Soissons. C'étoit après avoir chassé de Troyes la grande armée alliée que Buonaparte, selon le même avis, accouroit avec l'élite de ses troupes, afin de manoeuvrer de nouveau sur les derrières de l'armée de Silésie.

A l'instant même le mouvement de retraite du maréchal Blucher fut prononcé; tout fila vers Soissons par la Ferté-Milon et par Oulchyle-Château. L'avant-garde formée par le corps de Kleist, devint l'arrière-garde, et couvrant la marche de l'armée, reçut, toute la journée du 2 mars, le choc des têtes de colonnes qui suivoient avec chaleur les Prussiens. A la FertéMilon l'engagement fut meurtrier pour les deux partis; mais les ducs de Raguse et de Trévise,

stimulés par l'arrivée de l'armée, poussèrent vivement l'arrière-garde ennemie dans la direction de Soissons..

Le même jour 2 mars, Napoléon arrive à la Ferté-sous-Jouarre, et ordonne de réparer les ponts que les ennemis avoient coupés. Son avant-garde passe la Marne le lendemain, et va le même jour à Rocourt. En deux marches sur la rive droite, il porte, le 4 mars, son quartier - général à Fismes, sur la route de Reims; là il se croit à la veille de réaliser de nouveau sa manoeuvre favorite, sa combinaison familière, c'est-à-dire de tourner l'ennemi pour décider en une journée du sort de la guerre.

Son arrivée à Fismes plaçoit le gros de l'armée française sur le flanc de l'armée de Silésie, qui, par là, se trouvoit réellement compromise car Soissons étant, armé de vingt bouches à feu et défendu par quatorze cents Polonais, pouvoit fermer tout accès à l'armée combinée. Dans l'impossibilité de passer l'Aisne sur ce point, elle se seroit trouvée sans aucune retraite, et forcée de combattre avec désavantage, ayant la ville devant elle, à dos les corps des ducs de Raguse et de Trévise, et sur son flanc droit les forces de

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