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dynastie ? Ce n'étoit que la plus basse adulation qui avoit substitué lé nom de dynastie à celui de famille, pour désigner l'exécrable race qui avoit prétendu s'asseoir sur le trône de Clovis. Il n'y a de dynastie que lorsque la famille qui règne compte une longue suite de générations. Or, Napoléon n'avoit pas même posé les fondemens d'une domination régulière. Jamais il n'eut pour lui les suffrages de la nation; jamais il ne fut l'objet de son choix volontaire. Comme consul il usurpa l'autorité suprême ; et les élections subséquentes qui lui confirmèrent le pouvoir pendant sa vie, et ensuite comme empereur, n'ont été, selon l'expression du noble écrivain, souvent cité dans cette histoire (1), que des fourberies exécutées sous l'influence des baïonnettes. Acquiescer n'est choisir le contrat qu'il avoit juré, il l'avoit rompu.

pas

En admettant même la domination révolu tionnaire à laquelle il étoit redevable du trône, il avoit évidemment encouru la déchéance par le plus horrible abus du pouvoir; ce pouvoir, n'étoit fondé que sur l'épée : un grand revers, en l'abattant, avoit délié les peuples qui ne

(1) Le vicomte de Chateaubriand. 2.

lui étoient attachés que par la force. Napoléon n'avoit aucun autre titre à l'autorité suprême ; or, il n'y avoit et ne pouvoit y avoir de dynastie dans sa race. Sans doute la propriété du trône doit être respectée comme celle de la charrue, mais c'est quand les rois apportent en naissant le droit d'hérédité à la couronne, transmis par leurs ancêtres; c'est le temps seul qui consolide les droits du sceptre : telle est la différence qui existe entre une race de souverains légitimes et la famille du dominateur éphémère d'un Etat. Où est l'héritage, quand le père l'a dissipé? Le fils de l'empereur Napoléon ne pouvoit plus avoir de droits qu'à la succession de Buonaparte, qui venoit de retomber dans la classe ordinairé des hommes. Dès ce moment, les Français étoient rentrés dans leurs droits naturels, et ils jouissoient de l'entière et pleine faculté de rétablir sur le trône leur monarque légitime, les princes de l'antique dynastie royale, l'auguste famille des Bourbons, enfin, « qui, pendant huit cents » ans, gouverna la France avec gloire, toujours avec bonté, qui, dans une longue suc» cession de souverains, ne compte qu'un » tyran, qui fit asseoir la fidélité et l'honneur » sur le trône de France, et dont le sang

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>> noble et doux ne se reposoit de produire » des héros que pour faire des rois honnêtes » hommes (1). »

A ces raisonnemens tirés du droit sacré de la légitimité, se joignoient encore les motifs politiques, puisés dans le besoin de fonder la sécurité des Etats et la sûreté des dynasties européennes; tant de considérations réunies assurèrent le triomphe de la cause des

rois.

Ainsi furent écartées les prétentions de Buonaparte et de sa famille; ainsi fut rejetée son 'abdication conditionnelle en faveur de son fils. Toutefois ce seroit une véritable présomption que d'attribuer le grand résultat qui répandit la joie dans toute l'Europe, à aucun homme, ni à aucune classe d'hommes. Cette cause sacrée a triomphé, parce qu'elle étoit conforme aux principés immuables de la justice et de la vérité. Les grands événemens de 1814 auroient été incomplets, s'ils ne s'étoient pas terminés par le rétablissement de l'ancienne famille des Bourbons. En remontant sur le trône, les descendans de Saint-Louis“ détruisoient en France l'esprit de conquête et

(1) De Buonaparte et des Bourbons, etc.

de spoliation, reste du génie révolutionnaire qui avoit enflammé Buonaparte; ils assuroient à la France les plus grands bienfaits, en lui rendant un caractère social, et en la replaçant dans le sein des nations.

Les maréchaux Ney et Macdonald reprirent la route de Fontainebleau où ils arrivèrent le 5 avril, à onze heures du soir. Le maréchal Ney entra le premier dans les appartemens du palais. - << Avez-vous réussi, dit Napoléon >> en l'apercevant. En partie, sire, mais » non pour la régence: il étoit trop tard. Les » révolutions ne reculent jamais; celle-ci a » pris son cours, et le sénat reconnoîtra de» main les Bourbons. » Qui ne se seroit pas attendu que Napoléon romproit à l'instant les négociations pour tenter de nouveau la fortune? Ses principaux officiers le croyoient. Quelle fut leur surprise quand ils lui entendirent proférer ces paroles! « Où pourrai-je » vivre avec ma famille ? Où voudra votre

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majesté, répondit le maréchal Ney, et, par » exemple, l'île d'Elbe, avec six millions.

» Six millions, c'est beaucoup, puisque je ne » suis plus qu'un soldat. Je vois bien qu'il faut » se résigner; je dis donc adieu à tous mes >> compagnons d'armes. »>

L'inconcevable facilité avec laquelle le plus orgueilleux des hommes, après avoir reçu l'arrêt de sa déchéance, accueilloit celui de son exil, excita l'étonnement des généraux et du petit nombre des personnes initiées dans les mystères de cette étrange négociation. L'amour de la vie pouvoit seul expliquer le honteux dénoûment de ce grand drame dont le héros avoit aspiré ouvertement à la monarchie universelle : « Homme toujours extraor» dinaire, disoient encore ses admirateurs, il » lui faut le monde, ou un désert. »

L'armée inquiète, effrayée sur son sort, auroit suivi Buonaparte au-delà de la Loire : là, changeant le théâtre de la guerre, il eût pu rallier autour de sa personne l'armée d'Italie, celle du Midi, et tout ce qu'il avoit enfermé inutilement dans les places fortes; là, enfin, il eût pu relever sa fortune, ou au moins succomber avec gloire.

Mais cet homme, après avoir affecté un désintéressement hypocrite, marchanda minutieusement sa vie et quelques millions; en un mot, il consentit à l'abdication entière et sans restriction, moyennant qu'un traité en règle, garanti par les hautes puissances alliées, lui assureroit à lui et à sa famille une

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