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en moins de treize mois sur le champ de bataille; la nation, indignée contre son oppresseur, opposoit la force d'inertie à ses demandes réitérées, ne voulant plus soutenir au-dehors un monstrueux système de guerre, ni au-dedans une tyrannie effroyable. Déjà même l'oueste t tout le midi étoient à la veille de courir aux armes, et de se détacher du centre. Quelle eût été alors la situation déplorable de la France? Envahie par huit cent mille étrangers, et déchirée au-dedans par la guerre civile, elle n'auroit plus offert, en quelques mois, qu'un monceau de ruines et de cendres. Telle fut la perspective déchirante qui se présenta aux regards attendris des officiers généraux. Pouvoient-ils balancer entre de si puissans intérêts et les appels homicides que Napoléon faisoit encore? On s'étoit empressé, à Paris, de faire parvenir à Fontainebleau son acte de déchéance; il commençoit à être connu des principaux chefs de l'armée. Dès ce moment, ils virent que des rebelles seuls pourroient s'opiniâtrer à résister au vœu de la nation légalement exprimé, et que le seul moyen d'éviter les déchiremens consistoit à isoler et à déplacer le seul homme, qui formoit encore un obstacle au bonheur du Monde, Après avoir considéré

toutes les chances de la guerre, et la situation critique de l'Etat sous tous ses points de vue, les généraux s'accordèrent à convenir que l'abdication de Napoléon étoit le seul parti qui pût offrir des voies de conciliation praticables, et garantir la France d'un bouleversement général et d'une ruine totale; mais comment aborder une question si délicate devant un homme aussi violent, et accoutumé à tout faire plier sous sa volonté indomptable? Le major-général, ayant accès auprès de sa personne à toutes les heures, prit, de concert avec les maréchaux, la résolution hardie d'indiquer à Napoléon cette seule voie de salut. Il pénètre, pendant la nuit, dans le palais, arrive aux appartemens, aborde l'empereur, et hasarde de conseiller l'abdication, comme le seul remède capable de prévenir les suites fatales d'un affreux déchirement; mais accueilli par des accès de colère et de rage, il se retire, sans être tenté de renouveler sa demande infructueuse. Alors les maréchaux se concertent de nouveau, pour la journée du lendemain.

Napoléon se doutoit si peu de la disposition générale des esprits, que, persistant dans l'intention de marcher sur la capitale, il ordonna, dans la matinée du 4 avril, de diriger l'armée

sur Essone, où étoit son avant-garde. Il fit disposer l'artillerie, qui, avec trois cents. pièces de canon venues du Champ-de-Mars, formoit un parc de sept cents bouches à feu, et demanda ses chevaux pour se mettre à la tête de ses troupes; il commença même à les haranguer, en leur montrant Paris comme une proie facile. Quelques milliers de Polonais sont les plus empressés de le seconder dans ce sinistre dessein; et, il faut le dire aussi, tant est déplorable l'effet du despotisme militaire! Napoléon trouve même des Français qui répondent à ses appels sacriléges les cris Paris! Paris! partent déjà des rangs. Tout étoit perdu, si l'armée sortoit de Fontainebleau, et si les soldats, accoutumés à la voix de Napoléon, se précipitoient encore sur ses pas pour le suivre. En vain le maréchal Ney ose prononcer à haute voix le mot d'abdication; Napoléon feint de ne pas entendre, et il continue de passer la revue des troupes, qu'il affecte encore de regarder comme les siennes. Alors le maréchal, déterminé à tout braver pour sauver la patrie, monte au palais sur les pas de Napoléon, et le suit jusque dans son appartement. Là, il lui demande s'il a connoissance de la grande révolution qui vient

de s'opérer à Paris. Napoléon répond, de l'air le plus calme dont il peut se parer, qu'il ne sait absolument rien. Le maréchal Ney, en lui remettant les journaux de Paris, lui dit : « Vous » n'êtes plus empereur; vous ne pouvez plus » commander à nos braves, l'armée ne peut >> vous obéir: voici l'acte de votre déchéance. >> Surpris de cette foudroyante apostrophe, Napoléon rugit de colère; mais le maréchal lui déclare nettement que son abdication seule peut sauver la France. Il s'engage aussitôt entre eux une longue et vive discussion. Dans l'intervalle, survient le maréchal Lefèvre, qui, s'adressant à Napoléon, lui dit, avec un accent très-animé : « Vous êtes perdu! vous n'avez >> voulu écouter les conseils d'aucun de vos >>"serviteurs; le sénat a prononcé votre dé>> chéance. »

Ces paroles, et ce concert entre les généraux, firent sur lui une impression telle, que cet homme, accoutumé jusqu'alors à se regarder comme au-dessus de toutes les lois, se voyant soumis à celles de la nécessité, se mit à verser un torrent de larmes. Ainsi ce fut dans ce même palais où Napoléon avoit tenu captif, pendant dix-neuf mois, le vénérable chef de l'Eglise, qu'il reçut l'arrêt de sa déchéance,

comme si Dieu eût voulu faire, du théâtre de son insolent triomphe, celui de son humiliation et de sa chute.

Dans ce même moment, survinrent les maréchaux Oudinot et Macdonald, qui, restés auprès de leurs corps d'armée, mais apprenant ce qui se passoit au palais de Fontainebleau, n'hésitèrent pas de s'y rendre. Ils déclarèrent aussi à Napoléon que tout étoit perdu pour lui, et qu'ils ne le suivroient pas contre la loi, la patrie et l'honneur; ils appuyèrent fortement le parti de l'abdication. Le maréchal Macdonald montra une lettre du sénateur Beurnonville, qui présentoit la nouvelle révolution comme irrésistible.

Enfin, après quelques heures de discussions et de débats, l'empereur, déchu, parut se résigner à son sort, n'essayant pas même d'appeler de cet arrêt à la force, qui avoit toujours été sa loi suprême. Il consentit à déposer le pouvoir, et souscrivit un acte d'abdication en faveur de son fils, comme s'il avoit pu léguer ce qu'il ne possédoit plus. En cessant d'obéir à l'empereur déposé, les généraux, si long-temps sacrifiés à son ambition, continuèrent de servir leur ancien compagnon d'armes, et s'honorèrent, par les soins

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