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dèrent comme inutile d'établir dans Paris des mesures de police sévères. Le général baron Sacken prit le gouvernement militaire de la ville, et ce choix fut bientôt justifié par le bon ordre et la tranquillité qui régnèrent dans cette immense capitale. Toutes les affaires reprirent leur cours naturel, la circulation ne fut plus entravée, on rouvrit les barrières, les boutiques, les magasins; et la sécurité devint générale dans une ville occupée par des armées étrangères, et que les émissaires de Napoléon cherchoient à remplir d'alarmes.

On savoit déjà que les monarques alliés avoient repoussé la mission de M. de Caulaincourt, que Napoléon, dans sa détresse, venoit d'envoyer pour négocier la paix à tout prix, et souscrire à tous les sacrifices.

Cette résolution énergique assuroit à jamais le salut de la France et de l'Europe. La paix avec Napoléon ne pouvoit plus avoir lieu qu'à des conditions aussi déshonorantes pour lui qu'onéreuses à la France même; il auroit fallu payer des contributions énormes, et céder les places frontières en garantie des traités. Humilié dans son orgueil et trompé dans les calculs de son ambition effrénée, Napoléon eût tourné toute sa fureur contre la

France épuisée et désolée; il l'eût couverte de proscriptions et de deuil. Déjà des villes entières étoient condamnées; les confiscations, les expropriations auroient précédé et suivi les supplices. Vingt jours avant sa catastrophe, n'avoit-il pas dit à ses soldats, pour exciter leur courage à la bataille de Craonne : « Je » vous partagerai les terres des ennemis de » l'Etat. » Ces ennemis étoient tous ceux qui abhorroient sa domination. Ainsi la guerre civile auroit encore aggravé les malheurs de la guerre étrangère, et un despotisme sanglant et féroce se seroit assis pour jamais sur les ruines de la France. Que dis-je ? le démon révolutionnaire, enchaîné un moment par les revers, mais retrouvant de nouvelles forcés, auroit profité de la première guerre suscitée en Europe, pour rompre ses fers, et pour s'élancer au-delà du Rhin et des Pyrénées avec plus de furie encore.

Mais la perspective d'un si sombre tableau disparut pour faire place à un avenir plus prospère. Dociles aux conseils de la sagesse, ou plutôt inspirés par la sagesse même, les monarques alliés désarmèrent par leur justice la nation française, dont l'asservissement n'auroit jamais pu être consommé ni par la ruse, ni

par la force des armes car; la France peut être envahie, mais non subjuguée.

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Ce fut sous ces auspices favorables que s'annonça la journée du 1er avril : elle présenta bientôt le spectacle le plus animé et le plus riant; une population immense circuloit dans les rues, sur les quais et dans les places pu bliques; la satisfaction brilloit sur tous les visages.

La rive gauche de la Seine, entre le pont Royal et le pont Louis XVI, offrit un coup d'œil curieux et pittoresque. Des cavaliers de différens régimens et de différentes nations établirent là leur bivouac ; et tout le port qui borde les casernes de Napoléon, aujourd'hui l'hôtel des gardes-du-corps, fut couvert d'artillerie, d'armes et d'équipages. Le peuple se promenoit sans inquiétude et avec la curiosité la plus attentive au milieu de ces instrumens de guerre, de ces soldats accourus des Steppes de l'Asie, et dont l'attitude paisible ne respiroit plus que la concorde, Le mouvement se prolongeoit vers le pont Louis XVI et vers les Champs-Elysées, convertis déjà en un véritable camp de cavalerie nomade. Les vivandières et les marchandes se faisoient entendre par signes, et la plus parfaite harmonie

régnoit entre l'habitant de Paris et ces guerriers hyperboréens qu'on lui avoit représentés comme des hommes à la fois stupides et fé

roces.

Cependant les merveilles du 31 mars n'avoient encore offert que les préludes de la restauration; il falloit d'autres événemens pour amener le renversement total de la tyrannie. Le voile qui avoit couvert si long-temps ses traits hideux et livides, étoit déchiré, il est vrai, et l'idole alloit apparoître dans toute sa difformité aux regards de la nation française. Le joug étant brisé subitement, la pensée et la parole, qui depuis tant d'années restoient enchaînées au fond des cœurs, purent s'exhaler sans contrainte, Les écrivains ressaisirent tout-à-coup la plume; et la presse, devenue l'un des principaux instrumens de la politique pour tromper les peuples, gémit enfin en faveur de la vérité et de la justice. Le grand échafaudage littéraire de Napoléon s'écroula tout-à-coup en vain venoit-il d'être étayé. Ne trouvant pas assez énergiques les auteurs chargés de la partie politique des journaux, Napoléon, par un décret daté de Troyes, avoit formé une commission spéciale de rédaction, présidée par un de ses conseillers

d'Etat (1). Ce grand régulateur de l'esprit public jouissoit d'un traitement particulier de 24,000 fr., et ses co-adjuteurs (2) d'un salaire de 12,000 fr. chacun. Jamais l'imposture ne s'étoit vue si richement dotée. Mais aussi c'étoit de ce vaste laboratoire qu'étoient sortis tant de morceaux incendiaires, tant de diatribes diffamatoires, et tous ces mensonges si déshonorans pour une nation éclairée.

Frappés de stupeur et d'épouvante aux acclamations de Vive le Roi! les inquisiteurs de la pensée publique s'étoient dispersés et cachés, et enfin les journaux se voyoient affranchis de leurs dures entraves. Long-temps victimes de la spoliation la plus inique, les anciens propriétaires d'une feuille justement célèbre (3) s'étoient ressaisis, dès le 31 mars, de leur propriété littéraire, sous les yeux même des satellites de Napoléon. L'indignation des Parisiens se manifesta bientôt en accens foudroyans contre le fléau des nations, et les rues retentirent des cris de joie et de vengeance mêlés ensemble.

Ce mouvement se communiqua à la masse

(1) M. le comte Boulai de la Meurthe.

(a) MM. Desrenaudes, Pelenc, Etienne, Jay et Tissot. ‹ (3) Journal des Débats.

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