Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

nécessaire aux royalistes d'organiser un mouvement dont l'explosion marqueroit l'affranchissement de la capitale. Il importoit en effet de convaincre les hautes puissances que le vœu des Français, comprimé trop long-temps, n'avoit jamais cessé d'être favorable à la cause du roi. Mais, d'un autre côté, l'association parisienne étoit affoiblie depuis que plusieurs royalistes s'étoient rendus à leurs postes dans leurs provinces respectives. D'ailleurs, comment se flatter de donner l'impulsion à un mouvement général? La défiance, l'égoïsme, l'isolement et la crainte régnoient dans presque toutes les classes; aucun parti ne sembloit en mesure de former spontanément une masse imposante: or tout dépendoit du degré d'enthousiasme dont seroient animés les partisans de la dynastie légitime: il falloit abjurer les froids calculs, et se laisser entraîner par le sentiment. On ne pouvoit se dissimuler que le danger étoit réel; que, maîtres encore du terrain, les fauteurs de la tyrannie se préparoient à faire échouer les tentatives des royalistes; en un mot que l'arrivée subite de Napoléon pouvoit donner aux événemens une face nouvelle.

Toutefois on décide d'abord que six cents

gentilshommes à cheval et armés, se déclareront publiquement, et entraîneront ainsi le peuple; mais on considère ensuite, en délibérant avec plus de réflexion et de calme, qu'il seroit impolitique de vouloir maîtriser par la violence l'opinion générale. Le parti de se déclarer sans armes et spontanément, est le seul qui paroisse convenable, et il est adopté.

Instruits, dans la soirée du 30 mars, qu'une capitulation ouvriroit le lendemain l'accès de Paris aux alliés, cent jeunes royalistes, prennent entre eux l'engagement, sous les auspices de l'amitié, de la religion et de la morale, de se réunir sur la place Louis XV, et de s'y déclarer pour les Bourbons: nul d'entre eux ne connoissoit encore les vues des hautes puissances. Telle étoit l'incertitude à cet égard, que, dans la nuit même, M. de Semallé, commissaire de S. A. R. MONSIEUR, comte d'Artois, fit partir M. de Douhet, gentilhomme, avec la mission expresse de percer les avantpostes de la ligne des alliés, pour chercher le comte de Langeron, et recevoir de ce général quelques lumières sur les intentions des souverains. M. de Douhet traversa la ligne, et rapporta bientôt qu'un mouvement royaliste

étoit indispensable pour fixer la détermination des puissances encore irrésolues.

Enfin s'ouvrit cette journée mémorable, qui devoit mettre un terme à vingt-cinq années de désolation et de carnage. Dès le point du jour, les habitans des deux sexes abandonnent en quelque sorte leurs maisons, et se portent en foule vers les places, vers les quais de la rive droite, et de là gagnent les boulevards du nord dans toutes les directions, manifestant partout plus de curiosité que d'inquiétude. Tout se passe d'abord en réflexions sur les dangers de la veille, sur la désertion du gouvernement, sur la fuite de Joseph, sur un plan de défense, ayant pour base la destruction de la capitale, sur le pillage projeté des maisons; déjà même on ne se dissimule plus que les ennemis sont les sauveurs de la ville. On voit paroître bientôt, détachés, quelques officiers alliés, quelques patrouilles de cavalerie. A leur aspect, les applaudissemens, les cris d'union, les cris de reconnoissance, forment comme le prologue du spectacle inouï qui va s'offrir aux regards des Parisiens étonnés. Quelques murmures d'improbation se font entendre néanmoins, mais ils partent des salariés de la police, qui forment encore le grand ressort

du gouvernement de Buonaparte. Ces hommes affreux persistent à servir leur maître jusqu'au dernier moment, avec toute l'énergie de la bassesse du crime. Plusieurs satellites à cheval courent dans les quartiers du Louvre, criant de fermer les boutiques, de barricader les rues, les maisons, et d'assaillir l'ennemi, tandis que Napoléon en personne arrive pour les attaquer par les dehors de la ville. La populace s'émeut, et les premiers détachemens de cosaques qui paroissent, vers la place de Grêve, sont salués par les cris de Vive Buonaparte! Vive l'empereur! cris forcenés, qui sont accompagnés de gestes menaçans. Inquiets et troublés, les cosaques àlloient se mettre en défense, quand le mouvement fut apaisé, et ses provocateurs dispersés par des patrouilles de gardes nationales elles se portoient avec célérité dans toutes les directions pour le maintien de l'ordre. Ainsi que les tentatives incendiaires de la veille, ces appels homicides furent sans effet sur la masse du peuple rendu à lui-même. Loin de vouloir concourir au maintien d'un gouvernement détesté, il commençoit à exhaler son indignation contre sés instrumens pervers. Dans les marchés, dans les places publiques, partout le peuple

:

signaloit avec mépris les vils suppôts d'une police expirante. Les voilà! disoit le peuple, en les reconnoissant à leur maintien équivoque, à leurs yeux hagards, les voilà, mais nous ne les craignons plus ! Une impression profonde, celle de l'indignation et du ressentiment, s'étoit communiquée à la multitude contre les auteurs de la cruelle épreuve que venoit de subir la capitale, et contre le chef insensé, qui, en épuisant la France, l'avoit réduite à une infériorité qui ne lui permettoit plus que des sacrifices sans gloire.

Ainsi, ni les tentatives des brigands salariés, ni les bruits perfides forgés pour répandre l'alarme, ne firent évanouir ce sentiment de sécurité générale, qui entraînoit cinq cent mille citoyens au-devant de l'armée libératrice. Les flots de la multitude se portoient, dans toutes les directions, vers les boulevards, où tout faisoit présager une explosion politique. Quelque danger qu'il y eût à se déclarer, on. vit, à neuf heures du matin, paroître à cheval, sur la place Louis XV, M. Charles de Vauvineux, tenant à la main la proclamation suivante du commandant en chef des armées alliées, et s'arrêtant au milieu du peuple pour en faire la lecture à haute voix:

« ZurückWeiter »