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Doulencourt; les dépêches adressées aux ministres de la guerre et de la police, contenoient, dit-on, l'ordre positif de défendre Paris par tous les moyens possibles. Napoléon vouloit que les rues fussent barricadées, et qu'on les dépavât; que dans toutes les parties de la ville, situées au nord, les maisons fussent crénelées; que du haut des toits et des fenêtres on jetât des pavés, des bûches, de l'huile bouillante, et qu'à cet effet on soulevât et on armât la populace: il prescrivoit aussi, dans le cas où la partie du nord seroit forcée, de brûler les faubourgs, et de se retirer ensuite dans la partie de la ville située au midi, c'est-à-dire sur la rive gauche de la Seine, après avoir placé d'avance des fougasses sous tous les ponts, afin de les faire sauter. Il auroit aussi fallu défendre l'autre rive avec le même acharnement, et ne céder chaque quartier pied à pied que lorsqu'il seroit à moitié incendié ou détruit. Napoléon promettoit d'arriver en douze heures à la tête de son armée.

Le 30 au matin, il partit de Troyes avec sa garde, formant toujours tête de colonne ; elle se dirigea vers Pont-sur-Seine et Moret. Mais dans sa vive impatience, Napoléon quitta son armée à cinq lieues de Troyes, et prit la

route de Sens. Arrivé à Villeneuve-l'Archevêque, il se jette dans une cariole de poste avec quelques officiers de confiance et une suite de trente personnes, la plupart courant en charrettes ou sur des bidets de poste, cortége dont l'aspect étoit plutôt celui d'un aventurier que d'un souverain naguère si puissant. Quinze cents cavaliers d'élite de sa garde à cheval suivoient à une marche de distance.

A son passage à Sens, Napoléon mande le maire, et lui dit qu'il est suivi par cent cinquante mille hommes, pour lesquels il faut qu'on prépare des vivres. De Sens, il gagne en toute hâte Moret, Fontainebleau, et arrive enfin à la Cour-de-France, près de Juvisy, à quatre lieues de la capitale. Là, il s'arrête; et, comme s'il eût été engourdi par le sentiment de la peur, il n'oșe s'aventurer dans sa propre capitale, qu'il devoit supposer aux prises avec l'ennemi.Il attend dans une auberge, avec une sorte de tranquillité, le retour de son aide-de-camp et les nouvelles de Paris; il les attend presque toujours seul, marchant à grands pas, ne laissant paroître dans ses traits aucune trace d'inquiétude ni de trouble, et soupant même avec appétit; puis, faisant

étendre son lit ambulant, il s'y jette et s'endort.

La plus extrême diligence suffit à peine à son aide-de-camp pour arriver dans Paris au moment où la capitulation venoit d'être consentie ou signée. Ainsi, quelques heures de retard sauvèrent Paris, soit de l'attaque générale des alliés, soit de l'effet désastreux des ordres inhumains transmis par Napoléon.

S'ils parvinrent trop tard aux chefs militaires, il n'en fut pas de même à l'égard des chefs de la police. Ces hommes, si lâchement vendus au despotisme, n'avoient pas cessé un instant de provoquer la ruine de Paris. Avant même d'avoir eu connoissance des intentions de leur maître, si conformes au plan infernal qu'ils avoient essayé de mettre à exécution, ib faisoient encore des Bulletins pour tromper le peuple, pour l'exaspérer; leurs émissares parcouroient tous les quartiers, annonçant tantôt que l'ennemi étoit repoussé, tantôt que le roi de Prusse venoit d'être coupé avec une colonne de dix mille hommes, et qu'on alloit le voir entrer prisonnie; ils débitoient ces grossiers mensonges u moment où le peuple apercevoit des excelences, des altesses, des grands dignitaies, des majestés

mêmes, triste exemple de la fragilité des grandeurs humaines, continuer leur retraite, et déceler, par leur abattement, la fausseté de ces bruits de victoires. Mais rien ne pouvoit décourager les fauteurs et les satellites de Napoléon. Quand ils eurent l'assurance qu'il s'approchoit en personne de Paris avec son armée, ils poursuivirent avec une nouvelle énergie l'exécution de leurs projets sinistres. Ils semèrent l'argent parmi la populace dans le faubourg Saint-Antoine, ainsi que dans les autres quartiers populeux, et l'excitèrent à se soulever, en faisant un appel aux plus furieux démagogues, en assignant des conciliabules nocturnes, et en mettant tout en œuvre pour traverser la capitulation ou pour la rompre avec violence, par un mouvement populaire. Mais l'attitude impassible de la masse de, Parisiens déjoua leurs calculs affreux, et contre cette force d'inertie, vinrent se briser leurs 'entatives homicides.

Vers la fin du jour seulement, on avoit su, dans Par's, que le frère de celui à qui on pouvoitimputer tous les malheurs publics avoit autorié le maréchal duc de Raguse à traiter avec les généraux alliés, et l'on avoit vu bientôt la vile se remplir de troupes dont

le

mouvement annonçoit aux yeux les moins exercés un abandon prochain.

Quelques coups tirés des hauteurs qui dominent la capitale, apprirent à ses habitans que désormais leur destinée ne dépendoit que d'eux-mêmes et des vainqueurs qui dirigeoient en faveur de l'Europe cette guerre libératrice. La nuit couvroit déjà de ses premières ombres la retraite successive des braves troupes qui avoient si vaillamment défendu la capitale elles s'écoulèrent sans désordre et sans bruit.

A la chute totale du jour, un spectacle nouveau vint frapper les regards. D'innombrables feux couvrirent d'une lumière rassurante et vive cette suite de collines qui, du nord à l'est, dominent la capitale. Ce voisinage des alliés rappela aux Parisiens qu'une année auparavant Napoléon avoit juré que, lors même que les ennemis occuperoient les hauteurs de Montmartre, il ne leur rendroit pas un seul des villages réunis aux antiques domaines de la France.

L'espérance et le calme commençoient à rassurer les esprits; on se disoit tout bas : «Enfin, on a capitulé, Paris est sauvé; il est » sauvé pour la France, et perdu pour Napo» léon. Dieu a livré aux souverains alliés la

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