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à Montmartre, où est l'état-major-général. On le croyoit prisonnier; le gouverneur de Paris s'empresse de l'introduire devant Joseph Buonaparte. Ce lieutenant-général de Napoléon plein de sécurité étoit alors à table; sa surprisé fut extrême, quand le capitaine Peyre lui rendit compte que l'empereur de Russie et le roi de Prusse étoient à Bondy avec toutes leurs forces. Vaincu par cettre première impression, Joseph s'écrie: «En ce cas, il ne reste plus qu'à parle» menter. » Le capitaine Peyre insiste lui-même sur l'impossibilité où sont les troupes françaises de résister à des forces immenses commandées par les souverains en personne. Son récit achevé, il remet à Joseph les proclamations dont il étoit porteur. Le poids d'un pareil témoignage sembloit devoir dissiper tous les doutes; et pourtant Joseph et son état-major retombèrent dans l'incertitude, ou plutôt dans leur aveuglement, ne pouvant se persuader que toutes les forces des alliés fussent sous Paris. Ce n'est qu'au bout d'une heure qu'ils ajoutent foi à l'exposé du capitaine Peyre, quand ils aperçoivent enfin les armées coalisées se développant dans la plaine Saint-Denis sur un front de plus de deux lieues. Il étoit alors midi; la garde nationale sortoit des barrières

pour soutenir la ligne, et on apercevoit clairement les alliés faisant leurs dispositions pour une attaque générale. Les premières colonnes de l'armée de Silésie étoient arrivées sur le terrain; Saint-Denis étoit bloqué. Le corps du général Langeron, après avoir délogé les troupes qui tenoient Aubervilliers, avançoit directement par Clichy sur Montmartre, tandis que les corps prussiens des généraux Kleist et York marchoient sur les villages de la Villette et de Pantin. Dès que leur artillerie eut ouvert son feu, les batteries françaises, entre ces deux villages, ripostèrent avec succès ; et plusieurs bataillons reprenant l'offensive, renouvelèrent leurs efforts pour y entrer. Les bataillons prussiens repoussent les premières colonnes; ils sont enfoncés à leur tour par le surcroît de nouvelles troupes, par le feu meurtrier des batteries parisiennes couvertes et flanquées de fossés profonds. Mais de nouveaux bataillons de la garde prussienne, et de celle de Bade, se jettent, la baïonnette en avant, et emportent une seconde fois le village de Pantin.

Pendant ces différens combats, les tirailleurs de l'avant-garde du prince royal de Wurtemberg s'étoient approchés de Vincennes; et

le général Barclai de Tolly, en ayant reçu la nouvelle, ordonna l'attaque générale. La division du prince Eugène de Wurtemberg se porta sur Belleville, et celle du prince Gortschakoff sur le village de Charonne, tandis que le corps des grenadiers russes, sous le commandement du lieutenant-général Lambert, marchoit aussi pour attaquer les villages de Belleville et de Mesnilmontant.

Déjà, du côté de Montmartre, les batteries ennemies étoient parvenues jusqu'au pied de ce mamelon, et, ouvrant leur feu, lançoient les boulets, les obus, par-dessus la tête de Joseph Buonaparte et de son état-major. Prévenu par le maréchal duc de Raguse que les troupes françaises, malgré leur glorieuse résistance, alloient être accablées par le nombre, et ne pourroient plus tenir qu'une heure et demie, Joseph vit alors que la prise de Belleville, de la butte Saint-Chaumont et de Montmartre alloit ouvrir aux alliés l'accès de la capitale, et qu'il étoit temps de sorger à sa propre sûreté, qu'il retrouvoit encore une fois dans une prompte fuite.

Il ordonne aussitôt au capitaine Peyre d'accompagner l'aide-de-camp qu'il envoie au duc de Raguse pour l'autoriser à demander au

général Barclai de Tolly une suspension d'armes et une capitulation; mais ces dispositions pacifiques ne pouvoient se manifester assez promptement pour arrêter l'effusion du sang humain. Le temps s'écouloit, le combat se prolongeoit sur toute la ligne, et l'arrivée successive des forces de la coalition donnoit à l'ennemi une supériorité décidée.

Tandis que les dehors de cette immense capitale étoient ainsi le théâtre du carnage, l'intérieur offroit un aspect imposant et calme. La masse de la population couvroit les places, les rues, les boulevards intérieurs du nord; mais sans confusion, sans désordre, sans témoigner ni surprise ni frayeur, manifestant plutôt le sentiment de la curiosité et de l'attente. La foule se portait plus particulièrement vers les portes Saint-Denis et Saint-Martin, comme pour assister à une cérémonie publique. Entre la file non interrompue de voitures, de bagages, de trains, d'officiers, de militaires de toutes armes allant au combat, ou revenant blessés, ou servant d'escorte, on voyoit circuler une foule immense et presque autant de femmes que d'hommes attirés par un spectacle unique dans les annales de l'Europe. Un sentiment universel d'intérêt et d'estime environnoit les

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braves qui se dévouoient à une mort presque certaine. On les plaignoit de se battre au nom d'un chef universellement détesté, et dont le renversement eût été reçu comme un bienfait du ciel; mais cette cause étoit encore celle de l'honneur, tant que les armes laisseroient entrevoir quelque apparence de succès.

Ni le bruit du canon et de la mousqueterie, ni les nouvelles effrayantes répandues par les agitateurs, ni les vociférations des satellites de la police ne purent troubler Paris. On cût dit qu'un secret pressentiment faisoit préjuger d'avance que le dénouement de ce grand drame n'offriroit point une catastrophe, et que l'enceinte de cette belle capitale seroit pré→ servée des horreurs de la guerre; mais si la masse de la population attendoit avec fermeté l'événement, il n'en étoit pas de même dans l'intérieur de toutes les familles. Que de mères et d'épouses étoient éperdues et en larmes! Les unes se représentoient avec effroi le sac de Paris et leurs filles outragées; d'autres, et c'étoit le plus grand nombre, trembloient sur le sort de leurs maris ou de leurs fils qui avoient pris les armes. Les généraux toutefois n'exi geoient d'autre service des détachemens de la garde nationale appelés hors des barrières,

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