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fauteurs de Napoléon espéroient réduire Paris en un monceau de cendres et de cadavres, ou tout au moins avoient ils en vue de transformer Paris en une nouvelle Saragosse: hommes presque! aussi stupides qu'infâmes! comme si le souffle de la tyrannie pouvoit jamais inspirer l'exaltation du patriotisme! Fut-il jamais au pouvoir d'an oppresseur d'entraîner les peuples à une défense nationale? N'aviez-vous pas devant les yeux l'attitude de la France pendant cette redoutable invasion? Aussi que d'efforts superflus pour soulever Paris dans les journées immortelles dont nous retraçons les événemens !

Excités toutefois par tant d'émissaires et de satellites, un certain nombre d'habitans non encore armés, appartenant la plupart à la classe indigente, formèrent des groupes, des rassemblemens, coururent aux barrières, demandèrent partout des armes, et n'en trou→ vèrent nulle part. Un de ces rassemblemens se porta en hâte sur la place Vendôme, et là reçut de l'état-major des piques pour aller au feu; mais le peuple rejetoit ces armes en criant à la trahison, comme s'il eût été au pouvoir des chefs de l'armée de lui offrir des fusils qu'ils n'avoient pas. Ceux qui formoient ces groupes tumultueux, sortoient presque tous de

la classe souffrante et laborieuse : ils ne désiroient que le trouble dans l'espoir du pillage; tel étoit le mobile qui les poussoit à prendre les armes, à provoquer l'incendie, le carnage, à proclamer le retour subit de Napoléon et de son armée. Ils avoient tenu dans les faubourgs des conciliabules affreux, où l'on avoit juré d'exterminer les marchands, de dépouiller les riches; les maisons, les victimes étoient désignées, et les voitures toutes prêtes pour l'enlèvement du butin: telles étoient les dispositions sinistres de quelques centaines de forcenés, et cette lie impure de la population, la police cherchoit à l'agiter au moment même où l'ennemi, après deux heures d'escarmouches et de canonnade, en venoit à des attaques plus sérieuses.

A huit heures du matin, le corps russe du général Rayefski s'étoit avancé de Bondy en trois colonnes, soutenu par les gardes et les réserves; et quittant la grande route de Meaux, il avoit formé l'attaque des hauteurs de Belleville et de Romainville. De même que celles de Montmartre, elles commandent Paris et le terrain d'alentour, qui est couvert de villages et de maisons de campagne. La division du prince Eugène de

Wurtemberg, après avoir commencé et soutenu le premier feu, essaie de tourner le flanc droit de la position de Belleville; mais ses masses d'infanterie sont repoussées par le feu du canon. A l'instant le duc de Raguse, prenant l'offensive, fait occuper par ses tirailleurs les bois et les maisons avancées de Pantin, et appuie toute son infanterie par une artillerie favorablement postée. La disposition du terrain ne permettant pas à la cavalerie alliée d'exé→ cuter aucune charge décisive, le feu de l'artillerie parisienne eut le temps de faire un grand ravage dans les rangs ennemis. Le combat continua avec opiniâtreté sur les hauteurs entre Romainville et Pantin; et l'acharnement fut tel qu'il fallut renouveler les tirailleurs de part et d'autre : les villages de Pantin et de Romainville pris et repris plusieurs fois, restent au pouvoir des troupes françaises.

L'arrivée de toutes les colonnes d'attaque, et de grands efforts de courage pouvoient seuls 'donner la victoire aux alliés. Deux circons tances imprévues vinrent encore ajouter à l'incertitude et aux dangers de cette journée mémorable.

Le général Barclai de Tolly, commandant en chef les armées russes, apprit, en arrivant sur

le champ de bataille, que le maréchal Blucher n'avoit reçu que dans la matinée les dispositions d'attaque, et qu'il ne pourroit, à cause de l'éloignement, atteindre le point décisif de Montmartre que vers le milieu du jour; le général russe fut également informé que le corps du prince royal de Wurtemberg, soutenu par celui du général Giulay, ne seroit en mesure de prendre part à l'action au-dessous de Vincennes, qu'après midi. Ces contre-temps et la résistance des troupes françaises multiplioient les obstacles à tel point qu'il devenoit douteux qu'on pût s'emparer dans la journée des hauteurs qui dominent Paris. Dès lors tout devenoit problématique, car l'apparition subite de Napoléon, au centre de tant de ressources militaires et politiques, pouvoit changer en un moment l'état de la guerre. En admettant même que Napoléon reparût seul et sans armée dans Paris, il y auroit trouvé des moyens immenses pour ouvrir un nouveau champ de carnage. Les derniers rapports du général Wintzingerode rendoient cette circonstance vraisemblable, Buonaparte ayant fait un mouvement rétrograde sur Vitry dès le 27 màrs. Pénétré de toute l'urgence du danger et de la nécessité d'un effort extraordinaire, le gé

néral Barclai de Tolly jugea qu'il devenoit indispensable d'engager sur-le-champ l'élite des troupes russes, et de décider ainsi le sort de la journée,

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Sans perdre un moment, il fait avancer les grenadiers de la réserve, les gardes prussiennes et de Bade, pour prendre part aux attaques du général Rayefski. Bientôt le village de Pantin est repris à la baïonnette, et le prince Eugène de Wurtembrg enlève le village des Prés-Saint-Gervais; mais les troupes françaises reçoivent aussi des renforts, et reviennent à la charge, déployant la plus rare valeur: elles essaient, plusieurs fois, de reprendre l'offensive. Arrêtées par les grenadiers russes près du bois de Romainville, elles sont rejetées enfin dans les villages de Belleville et de Mesnilmontant; néanmoins chaque avantage n'étoit obtenu qu'au prix des plus grands sacrifices, et après la plus vigoureuse résistance. Un feu nourri de mousqueterie et de canon alimentoit le combat sur toute la ligne ; l'artillerie parisienne étoit servie par des élèves de l'école Polytechnique, âgés la plupart de douze à quinze ans : ils n'avoient que peu d'exercice, et pourtant ils rivalisoient d'ardeur avec les vétérans qu'on leur avoit asso

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