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sives, avoient fait perdre aux alliés presque tout le terrein conquis à Brienne; ils rétrogradoient plus rapidement encore qu'ils n'avoient avancé après leurs victoires. La guerre leur parut alors tellement incertaine, elle leur laissa même entrevoir des chances si inquiétantes, qu'ils s'appuyèrent à leur tour sur les négociations de paix. A l'exemple de Napoléon, après sa défaite, ils s'avouèrent, pour ainsi dire, vaincus, en réclamant un armistice. Le général autrichien, comte de Paar vint en faire la demande ; il se présenta aux avant-postes français le lendemain du combat de Montereau, et allégua qu'une suspension d'armes faciliteroit l'issue des conférences. Le quartier-général étoit encore à Montereau; et, dans la soirée du même jour, M. de Rumigny, secrétaire du cabinet, arriva du congrès de Châtillon, apportant un projet de traité préliminaire. Ce projet, transmis à Napoléon par son ministre plénipotentiaire aux conférences, renfermoit toutes les bases jugées nécessaires pour le rétablissement de l'équilibre politique, bases que Napoléon luimême avoit offertes peu de jours auparavant, quand il avoit cru sa domination compromise. Quoique les mystères de cette fameuse né

gociation ne soient pas encore tous dévoilés, il paroît certain qu'on proposoit à Buonaparte la France telle qu'elle étoit sous ses rois, avec àpeu près ses anciennes limites, et rendue aux dimensions que tant de siècles de gloire et de prospérité lui avoient assurées. Les souverains alliés avoient pris la ferme résolution de ne signer aucun traité dont les bases reportassent les frontières de France au Rhin ; toute l'Allemagne étoit pénétrée de la nécessité d'une application rigoureuse de ce principe politique; un écrit très-répandu, portant que le Rhin est un fleuve de l'Allemagne et non pas sa frontière, avoit fait une grande, sensation au quartier-général des coalisés et dans tous les pays au-delà du Rhin. Mais on trouvoit juste aussi que la France partageât avec l'Europe les bienfaits de sa liberté, de l'indépendance nationale et de la paix. Par un seul mot, Napoléon pouvoit mettre un terme aux souffrances de la nation française; il pouvoit lui rendre, avec la paix, ses colonies, son commerce, et le libre exercice de son industrie. Napoléon vouloit-il plus encore? les puissances s'offroient à discuter, dans un esprit de conciliation, ses vœux sur des objets de possession d'une mutuelle convenance qui dépasse

roient les limites de la France avant la guerre. Les principes de la reconstruction politique de l'Europe étoient établis dans ce projet ; les conditions les plus importantes se trouvoient réglées par les négociateurs, et les points laissés à la décision du gouvernement britannique, ne regardoient que les colonies françaises et les pos sessions étrangères acquises par la Grande-Bretagne, pendant la longue durée des hostilités.

Le projet contenoit cependant une clause, qu'on ne révoque plus en doute, et qui parut à Buonaparte d'une exécution plus épineuse et plus difficile que le traité lui-même : c'étoit l'occupation de sa propre capitale, par les souverains alliés, jusqu'à la signature de la paix définitive, dans un délai déterminé. Buonaparte crut entrevoir un piége dans une prétention si humiliante pour son orgueil. Cette occupation, il est vrai, ne devoit être que temporaire. D'ailleurs, Napoléon n'avoit-il pas envahi les capitales de plusieurs souverains, après avoir inondé leurs Etats de ses troupes? N'avoit-il pas exigé que la plupart des rois de l'Europe souscrivissent à des conditions honteuses, dictées dans leurs propres palais ? Ici, ce n'étoit donc qu'une justé représaille, qu'une garantie nécessaire.

Telles étoient alors les espérances présomptueuses de Napoléon, qu'enivré par les succès partiels qu'il venoit d'obtenir, il saisit, dit-on, avec colère, le papier qui contenoit le projet de paix, et le déchira en s'écriant : « Je suis, » à présent, plus près de Vienne qu'ils ne le > sont de Paris. »

Ferme dans la résolution de ne pas céder, mais voulant toutefois ne pas isoler sa détermination; croyant, d'ailleurs, trouver une entière docilité et un nouvel appui dans l'assentiment unanime de ses premiers dignitaires, il fit convoquer, à Paris, un conseil de régence extraordinaire et secret, qui fut appelé à délibérer sur les conditions réglées à Châtillon.

La grande majorité du conseil fut, dit-on, d'avis de les accepter; mais Napoléon, qui s'attendoit à toutes sortes de sacrifices de la part des Français, et qui se flattoit déjà d'avoir nationalisé la guerre, fut indigné de la foiblesse du conseil; avant de souscrire à une paix qui l'auroit fait décheoir, il résolut d'essayer avec l'Autriche une négociation séparée, et de tenter encore le sort des armes sur lesquelles il comptoit bien plus que sur les délibérations et sur les traités. La re

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traite de l'ennemi fortifioit de plus en plus son espoir de rejeter les alliés au-delà du Rhin; c'est ainsi que la fortune le trahit, en le caressant jusqu'au dernier jour de sa puissance.

De leur côté, les souverains alliés sentoient leur position critique. Étonnés de la jactance des journalistes aux gages du domina teur de la France, et surtout alarmés de l'attitude des paysans de la Brie et de la Champagne, ils redoutoient une guerre nationale; ils n'avoient garde toutefois de chercher la compensation de leurs revers dans les hasards d'une bataille générale. Avec un tel ennemi, avec un adversaire qui se fortifioit au sein même des désastres, qui, par la rapidité de ses manoeuvres, trompoit tous les calculs, c'eût été tout compromettre, et perdre peut-être, en une seule journée, le fruit d'une longue prudence. Les généraux alliés jugèrent qu'il falloit s'attacher strictement aux règles de l'art, qu'on ne viole pas sans danger, et d'après lesquelles ils devoient établir, avant tout, une ligne de défense respectable, mettre hors d'insulte les derrières de l'armée, assurer le dépôt des vivres, et le couvrir par une force suffisante. C'étoit d'après ces maximes que le grand Frédéric recommandoit,

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