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des deux partis convinrent d'une suspension d'hostilités pendant quatre heures. La marche de l'ennemi en fut moins rapide, mais plus assurée. Ainsi l'orage grondoit sur la tête des Parisiens, et les Parisiens se croyoient à l'abri de la foudre; l'ennemi étoit à leurs portes, et des bulletins fallacieux qui parloient encore de victoire, entretenoient une dangereuse sécurité. Les yeux toutefois commencèrent à s'ouvrir à l'aspect des scènes déchirantes dont les boulevards furent le principal théâtre dans la matinée du 28 mars. Ces promenades paisibles, embellies d'équipages brillans, de femmes élégantes, de tout le cortége du plaisir et du luxe, se couvrent tout-à-coup de soldats blessés, de villageois abandonnant leurs chaumières ou leurs fermes, traînant avec eux les débris de leur fortune rustique. Ici plusieurs charrettes se succèdent, où quelques bottes de foin et de paille servent de lit à des familles entières; là des troupeaux suivent leurs maîtres expatriés; plus loin des groupes de Parisiens', troublés, éperdus, accablent de questions de malheureux paysans que le récit de leurs désastres semble soulager.. Vers midi les mêmes scènes changent de caractère, et ne forment plus aux yeux de la foule des prome

neurs égoïstes et trompés qu'un spectacle varié et curieux. Tout prend un aspect guerrier, et la confiance semble renaître. Des fuyards et des blessés arrivent, il est vrai; mais de nouvelles troupes, des munitions de l'artillerie partent en bon ordre; des officiers d'ordonnance, en traversant Paris, s'efforcent, par de faux rapports, d'y entretenir la sécurité, et les Parisiens voient sans émotion et sans trouble les mêmes objets qui les glaçoient de frayeur trois ou quatre heures auparavant ils reprennent leurs habitudes, et passent ainsi de l'inquiétude à la confiance. Rien d'ailleurs n'indiquoit d'une manière positive les progrès de l'ennemi; et cependant le général Rayefski poussoit en avant au-delà même de Bondy avec le sixième corps russe, tandis que le prince royal de Wurtemberg s'approchoit des points d'attaque, en gagnant la grande route de Lagny, et en prenant position sur les hauteurs de Chelles. Les arrière-gardes françaises, en en se repliant abandonnèrent les dehors de Pantin, et sur leur gauche le terrain en front de Montmartre,

Ainsi, dès le 29 au matin, les alliés portèrent leurs avant-postes vers Pantin, la Villette et le bois de Vincennes, harcelant les

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corps qui se rallioient sous les murs de Paris.

La fermeture des boutiques, la suspension totale des affaires, les groupes nombreux qui se formoient sur les quais, les places, les boulevards; le trouble visible des agens du gouvernement, le mystère dont ils cherchoient à s'environner, tout annonçoit un prochain dénouement. Mais, tandis que la stupeur et l'effroi régnoient à la cour de Napoléon, tandis que les ressorts de l'Etat se détendoient, la masse de la population parisienne conservoit une attitude calme.

On voyoit clairement que le colosse épuisé, appelé l'empire français, tomboit en dissolution. Des trésors et de nombreux bagages, fruits de tant d'exactions et de rapines, filoient sur les routes de la Loire. Les ministres inquiets et tremblans, faisoient évacuer leurs bureaux, et présidoient eux-mêmes au brûlement de tous les pa piers mystérieux, témoignages accusateurs d'un gouvernement criminel.

Bientôt il n'y eut plus, dans tout Paris, aucun doute sur la réalité du danger. On avoit eu connoissance d'une première délibération du conseil, portant que le gouvernement et l'impératrice Marie-Louise se maintiendroient

dans Paris. Tout à coup l'archichancelier de l'empire prend une délibération contraire, sur des informations secrètes, dit-on, ne laissant rien transpirer de ses motifs, pour ne pas propager le sentiment de la frayeur dont il étoit lui-même saisi.

Ainsi, non-seulement les principaux dignitaires, mais l'impératrice et son fils abandonnèrent subitement Paris, désertion injurieuse à la garde nationale, à qui on avoit confié le dépôt de la dynastie de Napoléon; désertion qui accéléra le sort de la capitale. Pleine d'honneur et de loyauté, la garde parisienne vit avec indignation la lâcheté avec laquelle tous les membres du gouvernement fuyoient, emportant avec eux leurs richesses et la malédiction publique, osant encore recommander aux Parisiens de verser leur sang, de sacrifier leurs propriétés, leurs personnes pour le soutien d'une cause désespérée et d'un maître défendu par ses ministres et ses courtisans, avec la même lâcheté qu'ils avoient apportée à le servir. Le sentiment de l'honneur et du devoir n'étoit plus que dans les camps et dans la masse de la population: tout ce qui étoit en dignité ne trembloit que pour la perte de ses richesses.

Paris avoit pour défenseurs, non-seulement les restes des corps repliés devant l'ennemi, mais cinq à six mille hommes de garnison commandés par les généraux Compans et Ornans, et trente mille gardes nationales, sur lesquelles huit à dix mille au plus étoient propres à un service hostile. Avec toutes ces forces réunies, Paris ne pouvoit guère mettre en bataille plus de vingt - six à vingt-huit mille hommes, et seulement dix-huit à vingt mille soldats aguerris. Cette petite armée se trouvoit sous le commandement immédiat de Joseph Buonaparte, assisté des maréchaux ducs de Trévise et de Raguse, et du général gouverneur Hulin. Mais ce Joseph, usurpateur éphémère du trône des Espagnes, avoit fui trois fois de Madrid à l'approche de l'ennemi; et, à la journée de Vittoria, dernière bataille de la péninsule, il avoit donné lui-même le premier signal de la déroute. Quel présage pour tant de braves qui se dévouoient à la défense de Paris!

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Joseph toutefois se montroit décidé à tenir dans ce dernier boulevard de la puissance de sa famille. Dès la veille, ses proclamations avoient dit aux Parisiens : « Je ne vous quitterai pas ! >> soit qu'il voulût atténuer l'effet du départ de Marie-Louise, soit qu'il préten

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