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Marne et de la Seine pour attaquer Paris au nord, en prenant position sur les hauteurs de Montmartre.

De quel étonnement ne furent pas frappés les habitans de la Brie en voyant défiler dans un ordre admirable ces masses prodigieuses, ces armées immenses qu'on leur avoit représentées comme étant en déroute, en fuite, et n'offrant plus què des débris !

Le 28 mars, elles continuèrent leur marche sur Meaux par les deux routes de la FertéGaucher et de Montmirail. Dix mille hommes de gardes nationales, mêlées à quelques troupes de ligne, essayèrent, entre la Ferté-sousJouarre et Meaux, de tenir tête à l'armée de Silésie tentative inutile. Le général Horn les attaqua brusquement; et se mettant à la tête de quelques escadrons, il perça dans une masse d'infanterie, et fit le général français pri

sonnier.

Le même jour, une partie du corps d'armée du maréchal Mortier, sous les ordres du général Vincent, traversa la ville de Meaux, rompit le pont, en se retirant, et retarda ainsi la marche des alliés. L'évacuation de Meaux fut marquée par l'épouvantable explosion d'un immense magasin à poudre que des

satellites de Buonaparte firent sauter sans en donner le moindre avis aux habitans. La commotion fut telle, qu'ils se crurent à la veille d'être ensevelis sous les ruines de la ville; toutes les fenêtres, sans exception, furent réduites en atomes; toutes les maisons furent endommagées, ainsi que la cathédrale, édifice remarquable par sa structure, ses ornemens, et surtout par le choeur, chef-d'œuvre d'architecture.

Les alliés avoient déjà jeté sur la Marne plusieurs ponts, afin de filer sur la rive droite en plusieurs colonnes. Le passage fut disputé à Tréport. Toutefois, malgré le feu des Français, le pont fut bientôt achevé, et l'armée de Silésie passa toute entière.

Ainsi, dès le 28 mars, quatre jours après le mouvement de Vitry, les souverains alliés se voyoient transportés aux environs de Paris, sans qu'aucun obstacle, aucune force imposante pussent leur en interdire les approches. Cet avantage décisif, ils le devoient à la célérité de leur manœuvre, et à la vigueur de leur résolution, qui leur avoient fait gagner quatre marches sur l'armée française et sur Napoléon en personne (1).

(1) Voyez Pièces justificatives, N°. LVI.

Voyons maintenant par quel esprit de ver tige ce conquérant déchu, mais toujours si actif, si redoutable, se laissa enlever sa capitale sans en concevoir le moindre soupçon. Au moment même où les alliés commençoient leur rapide mouvement, il montroit aux yeux de son armée cette confiance hypocrite et insultante avec laquelle il s'étoit si souvent joué des nations. « On a parlé de paix, disoit-il; >> mais je ne traite point avec des prisonniers; >> car déjà il regardoit les armées alliées comme coupées et enfermées au cœur de la France. Le sort de Paris, abandonné pour ainsi dire à lui-même, ne lui avoit inspiré qu'une légère sollicitude, accoutumé, comme il l'étoit, de tout rapporter à sa personne. En effet, il se voyoit au milieu d'une armée fidèle, intrépide, infatigable, qui avoit remporté plus de victoires qu'elle n'avoit éprouvé de revers, et dont les succès, dans une campagne si pénible, rehaussoient encore la gloire. En s'efforçant de changer le théâtre de la guerre pour frapper un coup décisif, il n'entrevit d'autre danger pour sa capitale, que d'être insultée momentanément par quelques corps détachés de l'armée de Silésie, jusqu'à ce que la renommée de son mouvement sur les communications

de la grande armée forçât toutes les troupes ennemies de rétrograder vers le Rhin.

Persuadé que tel seroit le résultat de ses manœuvres, il avoit expédié, dit-on, à son frère Joseph et à ses ministres, un courrier porteur d'une dépêche par laquelle il leur demandoit expressément s'ils pouvoient lui donner l'assurance que, tandis qu'il exécuteroit une opération quialloit étonner l'Europe, Paris ne s'effraieroit point de l'apparition d'un détachement de l'armée de Blucher; si Paris enfin, secondé par des troupes de ligne, opposeroit une résistance efficace à une attaque subite qui ne pouvoit durer au-delà de quarante-huit heures. On ajoute que l'enthousiasme fut à son comble dans le conseil, à la lecture de cette dépêche impériale; que les ministres et le roi de théâtre appelé roi Joseph, engagèrent leur responsabilité, non-seulement pour une résistance de quarante-huit heures, mais encore pour une défense en règle pendant huit jours, défiant l'ennemi de pénétrer dans la capitale avec une partie seulement de ses forces.

Cette délibération rassurante parvint rapidement à Arcis, au moment où Napoléon étoit encore incertain s'il attaqueroit la grande armée alliée, ou s'il commenceroit son mou

vement vers l'est. On ajoute qu'à l'arrivée de l'auditeur, ou maître des requêtes, chargé du porte-feuille contenant le travail du conseil et des ministres, travail que Napoléon recevoit pour la dernière fois, il dit à ce jeune fonctionnaire, avec sa brusquerie accoutumée : « Eh » bien, les badauds de Paris ont-ils peur? » et que, plein de zèle et d'espoir, l'aspirant au conseil exalta les dispositions belliqueuses des Parisiens et leur dévouement à la personne de leur empereur. C'est ainsi que, rassuré de tous côtés, Napoléon continua, avec une confiance imperturbable, son mouvement sur la Lorraine.

C'étoit le 23 mars que son armée en avoit pris la route; il n'arriva qu'après trois marches à Saint-Dizier : là il apprit que le duc de Tarente et le duc de Reggio, qui formoient son arrière-garde, avoient été vivement inquiétés depuis Arcis-sur-Aube; qu'ils avoient laissé une partie de leur artillerie dans les boues de Sommepuis, où les chemins étoient impraticables, et que ce n'étoit pas sans effort qu'ils avoient fait leur jonction à Vitry avec le maréchal Ney, laissé en position devant cette ville. Le même jour 23 mars, M. de Caulaincourt, ministre et plénipotentiaire de Napo

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