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soldats et de gardes nationales; mais rien ne put intimider ces militaires encore novices, Les carrés continuent leur marche en faisant feu, bravant les charges de la cavalerie, rejetant les sommations réitérées des parlementaires russes, et refusant toujours de mettre bas les armes, malgré les plus vives attaques. En vain le colonel Rapatel, officier distingué, le même qui avoit recueilli les dernières paroles, et reçu les derniers soupirs du général Moreau, 's'avança seul pour faire cesser la lutte inutile de cette brave troupe, qui, entourée et désespérant de vaincre, vouloit au moins mourir avec gloire. « Mes amis, mes compa>>triotes, leur crie le colonel, cessez de com>> battre; vous avez acquis l'honneur; Alexandre » vous rendra sur-le-champ la liberté. » A peine il achève, que, frappé de deux balles, il tombe et meurt, honoré des regrets de l'armée, et de l'empereur de Russie dont il étoit devenu l'aide-de-camp.

L'artillerie seule put vaincre la résistance de cette poignée de braves, qui luttoient contre toute une armée. Des batteries ouvrent leur feu et entament les carrés ; des charges simultanées de cavalerie achèvent de les rompre et d'y porter la mort et le désordre : il fallut céder.

Les généraux de division Amey et Pactod, cinq généraux de brigade, douze pièces de canon, quatre mille huit cents hommes d'infanterie, et le convoi entier, tombèrent au pouvoir des deux armées confédérées et réunies. Les prisonniers défilèrent devant l'empereur Alexandre, qui daigna leur adresser des paroles de bonté et de consolation. Plusieurs gardes nationales et plusieurs conscrits, indignés d'avoir été abandonnés et sacrifiés par Buonaparte, firent entendre ce cri: «< Point d'empereur Napoléon! » Cette journée brillante fraya aux armées alliées le chemin de la capitale,

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Tandis que les colonnes d'infanterie du feldmaréchal Blucher s'avançoient d'Etoges sur Montmirail, la grande armée continuoit sa marche en trois colonnes, se dirigeant sur la Ferté-Gaucher; le troisième corps couvroit tout le bagage, l'artillerie, les parcs, les trains, et rendoit ainsi la marche plus serrée. Les corps de partisans des généraux Laiseroff et Ledavin occupoient et observoient le pays vers Arcis et Troyes, entre l'Aube et la Seine.

Les souverains et les généraux alliés n'avoient pas perdu de vue toutefois les corps intermédiaires des maréchaux Marmont et

Mortier, et du général Arrighi, dont les colonnes se retiroient précipitamment à la FertéGaucher il étoit difficile qu'elles pussent échapper sans de nouvelles pertes, toutes les dispositions étant faites pour les harrasser et les entourer, non-seulement par la cavalerie du grand-duc Constantin et du général comte Pahlen, mais encore par les escadrons du général Rayefsky et du prince royal de Wurtemberg. La poursuite étoit si vive, et la retraite si précipitée, que les régimens continuoient d'abandonner leur artillerie dans toutes les directions. Cette déroute devint plus désastreuse encore par l'arrivée subite des corps prussiens des généraux Kleist et York à la Ferté-Gaucher, au moment même où les deux maréchaux y passoient en hâte, le 26 mars, pour se replier sur Meaux et sur Paris. Attaqués ainsi en flanc et en queue, ils se firent jour l'épée à la main, et laissèrent, après un combat acharné, quinze cents prisonniers à l'ennemi. La poursuite fut continuée sans relâche. Arrivées à Crécy, les colonnes françaises se séparèrent; les unes prirent la route de Meaux, d'autres celle de Lagny. Celles-ci furent continuellement harcelées par la cavalerie du général comte Pahlen et du prince

royal de Wurtemberg; les autres, par les troupes des généraux Kleist et York, dans la direction de la Ferté-Gaucher à Meaux. Quelle autre troupe, pressée, presque entourée par des forces si superieures, n'auroit pas succombé en totalité, ou mis bas les armes? Mais ces braves, dénués de tout, sans vivres, sans appui, sans espoir, abandonnés pour ainsi dire par le chef insensé que l'honneur et la discipline leur faisoient un devoir de ne pas trahir, oublioient leurs propres infortunes, ne songeoient qu'à la patrie, et pleuroient de douleur à la vue de tous les maux qui fondoient sur elle; ils bravoient les fatigues, les privations, et tous les dangers pour accourir à la défense de la capitale. On peut évaluer, sans exagération, les pertes de ces corps abandonnés à eux-mêmes, et poursuivis dans toutes les directions, à sept ou huit mille hommes tués, blessés ou prisonniers, c'est-à-dire, à un tiers du nombre des soldats qui les composoient ce qui parvint à échapper n'y réussit que par des marches forcées et continuelles. La perte de l'artillerie fut dans une proportion plus forte encore quatrevingts pièces de canon tombèrent au pouvoir des alliés, depuis Fère-Champenoise jusqu'à

Crécy et aux environs de Meaux. Mais aussi quand on se représente que l'armée de Silésie étoit encore le 24 mars à Fismes, entre Reims et Soissons, et que, dès le 26, elle combattoit à la Ferté-Gaucher, après une marche de vingtsix lieues, on est entièrement convaincu qu'il n'est aucun effort physique qui puisse jamais surpasser ceux qu'a produits, de part et d'autre, la crise sans exemple dont nous retraçons l'histoire.

Dans la nuit du 26 au 27, le général Woronzow surprit, près de la Ferté-sous-Jouarre, un corps français au bivouac, et le fit prisonnier, au nombre de deux mille hommes environ. De Meilleret, où la grande armée avoit pris position le 26, elle continua sa marche sans interruption, et dès le 27, le quartier-général fut établi à Coulommiers, les Austro-Russes ayant fait ainsi vingt-sept lieues en trois marches, et ne se trouvant plus qu'à treize lieues de la capitale. Le même jour, le maréchal Blucher porta son quartier-général à la Ferté-sous-Jouarre, dans l'intention d'y passer la Marne le lendemain, tandis que la grande armée la passeroit à Lagny. L'intention des souverains alliés étoit de concentrer la totalité de leurs forces sur la rive droite de la

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