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le ton des journalistes que salarioit la police de Buonaparte !

Quinze jours encore d'indécisions, d'impostures et de manoeuvres pouvoient porter les coalisés à se replier sur le Rhin pour éviter une guerre de désespoir; mais le ciel alloit présider lui-même au dénoûment de ce grand drame.

Le seul parti qui pût terminer la crise, étoit d'entrer dans Paris avec des forces imposantes. Sans doute les alliés pouvoient y pénétrer sous un point de vue militaire, et à la faveur de certaines circonstances; mais aussi les suites les plus funestes n'auroient pas manqué de signaler ce mode violent d'occupation. Napoléon se plaçoit-il entre les alliés et Paris? En admettant même la perte d'une bataille, il auroit défendu sa capitale avec fureur, et alors les alliés ne pouvoient plus s'en emparer qu'en la rendant le théâtre de la misère et de la désolation; mais par sa marche sur Saint-Dizier, laissant la route libre, Napoléon offroit aux alliés l'occasion la plus heureuse, ou au moins la possibilité d'entrer à Paris en libérateurs et en amis. Tel étoit le point décisif; telle fut la résolution magnifique et hardie qu'adopta immédiatement l'empereur Alexandre, de

concert avec le roi de Prusse, le prince Schwartzenberg, ses ministres et ses généraux. Une fatalité irrésistible venoit d'entraîner Buonaparte loin de la capitale qu'il vouoit à la destruction, et une inspiration céleste alloit y amener Alexandre.

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Depuis la rupture du congrès de Châtillon, depuis que toute perspective de paix s'étoit évanouie, ce monarque avoit reçu du sein de Paris même la première communication un peu authentique sur la situation réelle de cette capitale sous le point de vue politique et militaire. Il savoit, à n'en plus douter, que gouvernement de Buonaparte étoit divisé en deux partis : l'un composé de vils suppôts décidés à tout sacrifier, à consommer la ruine de la France, pour le maintien d'une puissance tyrannique, seule égide contre le mépris public qui les accabloit; l'autre parti, plus nombreux, plus diversifié, détestoit en secret cette exécrable domination, et n'y tenoit plus que par l'empire de la nécessité. Il sentoit que l'humanité en réclamoit la chute pour le bonheur de la France et la tranquillité de l'Europe. A la tête de ces nombreux mécontens se plaçoit l'homme d'Etat célèbre qui avoit expié les services que ses talens avoient

rendus au dominateur dans le début de sa haute carrière, par la désapprobation franche de tout ce que la conduite de Buonaparte avoit offert depuis d'extravagant et d'horrible, notamment l'énorme crime de la guerre d'Espagne. Aucun point d'appui cependant, aucune ancre de salut n'avoient encore été offerts à ce parti puissant qui ne se montroit pas insensible aux vues et à l'espoir des royalistes. La déclaration par laquelle l'empereur Alexandre fit connoître que les puissances alliées n'étoient pas dans l'intention d'intervenir dans la détermination que le peuple français pourroit prendre relativement au choix de son gouvernement, présenta une garantie sacrée, et donna aux esprits une impulsion qu'aucune autre circonstance n'auroit pu produire. Sûrs que Paris et le gouvernenement même renfermoient des mécontens, sûrs que la population de cette capitale n'étoit nullement disposée à prendre les armes et à tout sacrifier pour la cause d'un chef universellement abhorré, les monarques confédérés décidèrent que la totalité des deux armées alliées marcheroit en hâte sur Paris.

La masse de ses habitans néanmoins étoit toujours abusée par les relations mensongères

des journalistes; par l'annonce de prétendus avantages et de savantes manœuvres, qui répandoient une sorte de sécurité factice; en un mot les Parisiens étoient persuadés que Napoléon tenoit l'ennemi en échec loin de la capitale.

Ils n'avoient plus d'autre boussole que les articles des journaux commandés par la police, et sortis de l'atelier de l'esprit public. « C'est » à l'histoire militaire, disoient les journa»listes salariés, qu'il appartient d'exposer » l'ensemble des savantes manœuvres par les» quelles l'empereur a déjoué de nouveau les » projets des deux armées ennemies qui paroissoient vouloir se réunir sous les murs de » la capitale. Depuis son départ de Troyes le » 27 février, jusqu'au 20 mars, Napoléon a » parcouru une ligne de cent vingt, lieues dans » divers sens, et s'est trouvé présent à sept > combats. L'ennemi a été repoussé à cin» quante lieues de Paris, dans les deux direc>>tions de Mezières et de Bar-sur-Aube. »

Mais ces hommages de l'adulation expirante n'étoient, aux yeux de la classe éclairée et honnête, que le signal de la détresse. On s'attendoit à des événemens qui devoient décider la crise sous peu de jours. On savoit que Napoléon

étoit venu, comme à l'attaque de Laon, se bri ser à Arcis; on savoit qu'il y avoit couru des dangers personnels, et l'on citoit cette phrase d'une de ses lettres à Marie-Louise : « J'ai » été en péril, et obligé de tirer mes pis>>tolets. » On savoit également par une lettre du secrétaire d'Etat, qu'à l'imitation de Napoléon, toute sa suite avoit mis l'épée à la main. A ces nouvelles si tristes pour la cour, venoient se joindre des bruits plus alarmans encore, et plus avérés, tels que la révolution de Bordeaux, et la prise de Lyon par les Autrichiens. Voici comment cette ville avoit succombé. Les renforts conduits par le général Bianchi s'étoient d'abord dirigés vers Dijon; de là, vers la Saône et Mâcon, pour reprendre l'offensive, en combinant leur mouvement avec la marche du corps du prince héréditaire de Hesse-Hombourg, formant la réserve autrichienne. Le maréchal Augereau, que des forces supérieures environnoient déjà, sentit l'impossibilité de défendre la ligne de la Saône. Sans égard toutefois à son infériorité numérique, il sort de Lyon avec deux divisions de son armée, et le II mars il attaque le général Bianchi en avant de Mâcon. Le combat, long-temps incertain, dure jusqu'à la nuit. Le maréchal Augereau

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